Nash a écrit: Desassossego a écrit:
Parfois, je me dis que même bien comprise, la pensée de Nietzsche est inapplicable. C'est ce qui m'a toujours posé problème dans ma lecture de ce philosophe : je ne vois pas comment sa philosophie peut être réalisée.
Comment la vie en communauté est-elle possible/pensable avec Nietzsche ?
De toute façon, la pensée de Nietzsche n'a pas été écrite pour être érigée en système, et
encore moins appliquée, il est beaucoup plus léger que cela.
Rien qu'en lisant la
Généalogie de la morale, on voit que ce n'est qu'hypothétique (Patrick Wotling insiste beaucoup dessus dans sa traduction).
Que sa pensée soit radicalement non-systématique, c'est entendu, mais c'est à condition de bien délimiter ce qu'on veut dire avec ce mot. Que signifie pour vous ce caractère non-systématique ?
J'ai souvent remarqué que les lecteurs de Nietzsche interprétaient cela comme si Nietzsche pouvait se lire par petites doses (alors qu'il faut le lire en entier), ou bien que son écriture aphoristique signifiait qu'il n'y avait pas d'unité dans ses livres, et qu'ainsi il n'y avait pas de réelle construction (comme on parle de la construction de l'
Éthique de Spinoza par exemple), alors que Nietzsche est d'une rigueur implacable dans la progression de certaines de ses œuvres, et la
Généalogie citée ici en est un parfait exemple. C'est peut-être l'œuvre de Nietzsche la plus construite et organisée que j'ai lue.
Quant à l'application de sa pensée, vous dites qu'elle n'a pas du tout été écrite pour l'être. Mais que vaut une philosophie qui ne vise pas, dans une certaine mesure, une application dans le réel ? De même, comme dit Silentio, je crois bien aussi que Nietzsche croyait dur comme fer à ce qu'il écrivait.
Comment lire Nietzsche et comprendre ce qu'il nous dit de l'avenir, du surhomme, etc., tout en admettant qu'il n'y a rien à appliquer ?
Pour ce qui est de la
Généalogie de la morale, c'est une œuvre particulière, puisqu'elle pose son regard vers le passé : elle vise les sources. Il est donc normal qu'elle ne vise pas directement à une application. Ce qu'elle permet, c'est de regarder à neuf le présent : elle nous libère de la morale (métaphysique) en en montrant son caractère historique.
Mais dans ses autres œuvres, Nietzsche donne une tâche à l'homme, établit un pont vers l'avenir. Comment à partir de là affirmer que ses paroles ne sont pas destinées à l'application ? J'y vois le risque d'abaisser Nietzsche à un beau phraseur.
Silentio a écrit: Ou bien nous devenons artistes, ou bien nous restons spinozistes.
Comment ça ?
Silentio a écrit: Ce qu'il faut, c'est conquérir son style propre, sa singularité. Et pour cela aller au bout de sa puissance en allant au plus près de sa limite, en cherchant ce qui nous fait obstacle.
Vous touchez ici le point qui me pose problème : je vois très bien les lumières qu'apporte Nietzsche en ce qui concerne l'individu et le déploiement de ce qu'il est, mais je ne comprends pas comment nous pouvons vivre ainsi, puisque notre vie est toujours déjà une vie sociale, faite de rencontres et de liens avec les autres. La vie en société est un fait. Comment être un nietzschéen tout en vivant avec les autres, c'est ça que je ne comprends pas...