invité1899 a écrit:Certains romans sont, en substance, très philosophiques. Je pense à ceux de Kafka notamment. Ce peut être une porte d'entrée moins rébarbative.Desassossego a écrit:Le problème, c'est que vous entendez ici par "philosophique" le fait qu'il y ait une pensée. Mais, à ce compte là, tout est philosophie. Or il nous faut distinguer. Dans n'importe quelle œuvre (film, roman, poésie, peinture, musique, etc.) on peut trouver de réelles pensées, mais dire que c'est de la philosophie, c'est faire de la philosophie quelque chose de trop général. Les deux peuvent se mêler (on trouve quelques hommes autant philosophes que poètes par exemple : Lucrèce, Nietzsche), mais c'est finalement assez rare.invité1899 a écrit:J'ai cité Kafka à dessein. Ses œuvres, je pense à la Métamorphose ou au Château, ont une réelle portée philosophique. Plus qu'une simple "ouverture" sur un sujet quelconque. Camus, bien que ce soit différent, entre dans cette catégorie.
Pour les philosophes-poètes, j’ajouterai Leopardi.
Mais qu'est-ce qui se cache vraiment sous l'expression commune de "portée philosophique" ? Aujourd'hui, on dit même du titre d'une chanson de variété qu'elle a "une portée philosophique" (non que je compare Kafka à une chanson de variété cela va de soi...). Mais en quoi l'œuvre de Kafka est-elle plus philosophique que celle d'un Proust, d'un Pessoa ou d'un Flaubert ? Pourtant ces trois bonhommes traitent de sujets dont les philosophes aussi parlent ! Le temps chez Proust, la métaphysique chez Pessoa, l'histoire chez Flaubert... Ceci étant, jamais je ne me risquerai à dire que leur œuvre a quelque chose de philosophique... Ce n'est ni la même attitude, ni la même manière de voir le problème, encore moins la même façon de le traiter. Et cela ne veut pas dire qu'il vaille mieux lire Bergson que Proust. C'est simplement que le problème n'est pas abordé de la même manière.
Pourquoi vouloir à tout prix relever les œuvres en leur prêtant de la philosophie, comme si la philosophie était le nec plus ultra de la pensée... Jamais Pessoa ne fait de philosophie (c'est un poète, sa démarche n'a rien de philosophique...), pourtant, ses pensées sont d'une puissance et d'une acuité que je peine à retrouver même chez mes philosophes préférés... Pareil encore chez La Fontaine (il suffit de lire le Discours à Madame de la Sablière pour que cela soit sous nos yeux : La Fontaine répond à Descartes sur la question de l'animal. Fait-il de la philosophie ? Non... il répond à un problème posé par un philosophe, mais de manière poétique), de même chez Char dans son rapport avec la philosophie de Heidegger. Nul besoin de multiplier les exemples je pense...
Comprenez-moi bien : ce que je critique ici, c'est simplement le fait qu'on introduise de la philosophie là où il n'y en a pas et où il n'y a pas à en avoir, dans le sens où tout n'a pas besoin d'être philosophique pour avoir de la valeur. Sinon, à ce compte, la bible aussi, ça a une portée très philosophique...
Pour celui qui s'intéresse à la politique, lire Le procès pourrait être encore plus instructif que beaucoup de philosophes... Cela ne fait pas de l'œuvre de Kafka une œuvre philosophique, mais une œuvre dotée d'une haute pensée. Ce n'est ni mieux, ni moins bien. Ce n'est pas la même chose.