JimmyB a écrit: Sauf que depuis l'art contemporain est arrivé et il n'est pas nécessairement en lien avec une représentation du réel. C'est d'ailleurs un grand débat en esthétique.
Qu'entendez-vous ici par représentation du réel ? Car je ne vais pas à contre-courant. Je ne pense pas que l'art ait à reproduire fidèlement ou le plus fidèlement possible un objet qui existerait en soi et qu'il nous serait possible d'atteindre et de reproduire. Vous me parliez de raisins, d'une nature morte en somme. Mais je n'ai pas parlé de cela. A la limite, je dirais même que l'art classique est plus difficile à prendre en compte dans ma thèse, bien qu'il ne la contredise pas. L'art contemporain me semble
, au contraire de l'art classique
, interroger à la fois le statut de l'objet et celui du sujet. On crée des formes pures qui n'ont pas leur contrepartie dans la nature. Ce sont des créations de l'esprit qui prennent corps dans la chair du monde. Bien évidemment, ces objets sont parfois des mélanges qui comportent quelque chose du réel, mais à l'extrême on débouche sur des formes plus ou moins informes ou déformées, et également sur des formes géométriques pures. Nous sommes alors confrontés à l'absence de sens, parce qu'il n'y a pas de référence qui nous soit accessible, pas de modèle antérieur et prédéterminant. L'œuvre est alors singulière, unique, et nous défie parce qu'elle se tient toujours devant nous : on ne peut jamais tout à fait la com-prendre, la dire dans sa totalité, lui assigner une essence, une nature. Dire la chose c'est déjà s'en écarter, la trahir, parce que c'est appliquer du connu sur ce qui est inconnu et inconnaissable, c'est ce à quoi on ne peut vraiment assigner des coordonnées parce que sa seule présence rompt l'ordre de nos représentations, l'ordre symbolique, etc. Et lorsque cet art nous permet d'en finir avec l'illusion de l'accord entre notre représentation et l'objet (qu'en réalité nous formons et qui en soi nous résiste) on peut alors réinterpréter l'art classique comme la production de formes qui sont autant de découpes dans le chaos le plus primordial, à la racine des choses qui composent notre monde. On en vient aussi à comprendre que le réel fonctionne comme l'art et/ou que notre rapport au réel est semblable à celui que nous entretenons à l'art et à la nature.
JimmyB a écrit: Mais je ne vois toujours pas en quoi le réel est singulier. Pour dire cela il faudrait qu'il puisse être comparé à quelque chose puisque singulier signifie qu'il est différent et par cette différence unique.
Allez voir aussi bien du côté de Kant que de Bergson. Voire de Clément Rosset.