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La démocratie implique-t-elle le relativisme ?

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3 participants

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Dès mon premier cours de philosophie, on m'a appris qu'on doit rejeter l'opinion et le relativisme. Mais quand j'y pense, le système politique dans lequel on vit (la démocratie) offre un exemple parfait de relativisme.

Soit la population ne s'intéresse pas à la vérité, par paresse intellectuelle ; soit le relativisme est une alternative à la vérité.

Désolé, c'est un peu élémentaire, mais je m'initie à la discipline.

Dernière édition par Maxime.B le Jeu 20 Mar 2014 - 15:52, édité 1 fois

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En quoi le système politique dans lequel on vit (la démocratie) serait-il un exemple parfait de relativisme ?

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La démocratie demande justement l'opinion de la majorité pour savoir, par exemple, qui sera au pouvoir, ce qui implique du relativisme.

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Pour vous tous les votes se valent-ils ? Devrait-il y avoir une hiérarchie des votes (certains légitimes, et d'autres non ?)

Extrait de Signes, œuvre de Maurice Merleau Ponty.
Merleau Ponty a écrit:
Sur l'abstention

Gide, dit-on, ne votait pas sous prétexte que la voix de sa concierge comptait autant que la sienne. Ce raisonnement mérite réflexion. Si Gide voulait le vote plural pour les hommes cultivés, la revendication de sa part serait exorbitante. Il savait mieux que personne que la culture n'est pas une garantie de jugement. Aux yeux du Gide de 1930, le Gide de 1916, lecteur de l’Action Française, devait bien être quelque chose comme une « concierge ». Aux yeux du Gide de 1940, celui de 1930. Le moindre retour sur soi devait dissuader Gide de prétendre au gouvernement des hommes.
Sans doute voulait-il dire autre chose. Non pas que la vérité est aux mains des hommes de culture, mais qu'ils ne peuvent la recevoir des autres. Celui qui prend part au vote se démet de ses convictions les plus mûres, il consent qu'elles ne comptent que comme une « opinion » dans le recensement général des opinions, il ratifie d'avance la décision des autres. Pourquoi leur concéder d'un coup dans un scrutin ce qu'on ne leur accorderait pas dans une conversation ? Si vérité il y a, c'est par la réflexion libre. Gide refusera donc une cérémonie où le jugement propre se soumet au jugement des autres. Qu'ils gouvernent contre lui, s'ils le veulent, mais qu'ils ne lui demandent pas d'y souscrire...
Ce qui est particulier à Gide, c'est le purisme qui l'empêche de voter parce qu'il n'admet pas le principe du vote. La plupart des votants préfèrent ruser avec la règle du jeu. Mais, tout au fond, ils ne l'acceptent pas plus que lui. Qui d'entre nous respecte le résultat d'un scrutin décevant ? Nous votons parce que nous espérons que notre opinion l'emportera, nous votons en violents. Si nous ne l'emportons pas, déjà nous pensons à la revanche. Sauf peut-être en Angleterre (encore faudrait-il aller voir ce qui se cache sous la légende du fair play) chacun récuse le suffrage des autres, et le libéralisme est introuvable.
 La politique révolutionnaire le sait depuis longtemps et elle ne se prête au jeu que pour passer outre. Le révolutionnaire, qui porte les vrais intérêts du prolétariat, ne peut l'en faire juge à chaque instant : il n'est pas probable que la majorité - même parmi les prolétaires - voie des nécessités qui n'apparaissent qu'aux plus défavorisés et aux mieux informés. Le vote consulte les hommes au repos, hors du métier, hors de la vie, il fait appel à l'imagination, qui est souvent faible, le vouloir-vivre reste à la porte de l'isoloir. Comment une majorité serait-elle révolutionnaire ?
L'avant-garde n'est pas le gros de l'armée. Ce n'est pas la convergence des opinions qui fera jamais une révolution, c'est l'accord pratique des opprimés dans la lutte sociale. Ce ne sont pas leurs pensées qui comptent, c'est le « secret de leur existence » (Marx). Il ne s'agit pas d'administrer une société déjà faite, il faut d'abord la faire, aussi vraie, aussi vivante que l'accord des opprimés dans leur lutte. M. Dulles déclare au visage de M. Molotov que jamais régime communiste n'a été librement accepté. Il ne lui apprend rien. C'est comme s'il disait que jamais nos décisions importantes ne sont absolument démontrées ni démontrables.
Il n'y aurait rien à redire si la révolution dépassait vraiment le jeu du suffrage, si elle ne retrouvait pas, dans son propre développement, la question des autres. Mais elle la retrouve tant qu'elle vit. Elle a ses opposants. Si elle les consulte ou seulement les tolère, la voilà ramenée au problème du suffrage. Si elle les supprime, elle n'est plus l’accord total des opprimés qu'elle devait être.
Si l’on consulte les opinions, il n'y aura jamais de révolution - mais si la révolution n'est jamais contrôlée, est-ce une révolution, une société sans exploitation et sans oppression ? Si elle n'a pas à se justifier devant une opposition, par des chiffres, des comparaisons, des estimations officielles et indépendantes, qui sait ce qu'elle coûte et ce qu’elle rapporte, et à qui, et finalement ce qu'elle est ? C'est pourquoi il lui arrive de proclamer des constitutions, d'organiser des consultations. Mais la concession est de pure forme : les suffrages prouvent s'ils sont favorables, mais ne la jugeraient pas s'ils étaient défavorables. Quand on lui demande ses preuves, elle répondra toujours qu'entrer dans les preuves serait déjà trahir.
Soit, reprend le conservateur, la minorité qui n'a rien à perdre n'est pas en position d'apprécier les mérites relatifs d'un régime qui l'exclut. C'est là affaire de statistiques, de probabilités, et la misère, elle, est catégorique. Il ne reste donc plus qu'à la tenir en respect.
Ainsi continue le duel de ceux qui craignent pour ce qui existe et de ceux qui veulent ce qui n'existe pas ou pas encore. Aux uns et aux autres, les régimes libéraux n'opposent qu'un art consommé de diluer les contradictions, de poser obliquement les problèmes, d'étouffer l'action dans la procédure, de créer des préjugés favorables ou défavorables, d'émousser les majorités elles-mêmes, quand elles ne sont pas sages, et de les conduire où elles ne veulent pas aller, de manipuler les esprits sans y toucher, - en un mot une forme juridique et rouée de la violence.
Gide avait-il donc raison ? N'a-t-on le choix qu'entre la violence ouverte et le compromis précaire entre les violences ? Faut-il être apolitique, faut-il être misanthrope ?
Tout n'est pas si simple ni si noir. La misanthropie aura toujours tort parce que les vices de la politique tiennent en fin de compte à ce qu'il y a de plus valable chez les hommes : à leur idée de la vérité. Celui qui a vu quelque chose et le croit vrai, il le croit vrai pour tous. Si les autres ne le voient pas, c'est qu'ils sont fanatiques, c'est qu'ils ne jugent pas librement. Ainsi l'homme libre fait de ses évidences la mesure de toutes choses, et le voilà fanatique au moment où il se plaint du fanatisme des autres. Mais après tout, si chacun « se mêle des affaires des autres », s'il se substitue à eux, c'est aussi parce qu'il « se met à leur place », parce que les hommes ne sont pas l'un à côté de l'autre comme des cailloux, et que chacun vit en tous.
Un jour vient donc où celui qui voulait se retirer du jeu politique y est ramené justement par ce goût de la liberté qu'il cultivait à son profit. Gide l'a dit souvent : l'extrême individualisme rend sensible aux autres individus, et son Journal raconte comment il est resté sans voix quand, prenant un taxi pour aller voir un malade à la clinique de la rue Boileau (alors luxueuse), et s'étonnant que le chauffeur ne la connût pas, il reçut cette simple réponse : « Nous, c'est à Lariboisière. »
On peut ruser avec les autres, inventer des rêves où ils s'estompent - la « France réelle », le prolétariat pur - on ne peut refuser d'écouter quelqu'un qui parle de sa vie. Il y a au moins un sujet sur lequel les autres sont souverains juges : leur sort, leur bonheur ou leur malheur. Chacun là-dessus est infaillible, et ceci ramène à leurs proportions justes, les lieux communs sur le suffrage dont Gide n’a pas craint d'être l'écho.
Or cette compétence va très loin. La concierge de Gide n'avait peut-être pas, sur l'histoire, des vues aussi nuancées que Gide. Qu'importe ? Voter n’est pas écrire un traité de politique ou d'histoire universelle. C'est dire oui ou non à une action jugée sur ses conséquences vitales, qui sont parfaitement sensibles à chacun, qui ne sont même sensibles qu'à lui. La révolution russe commençante l'avait bien compris, quand elle appuyait le nouveau pouvoir sur les soviets, Sur les hommes pris dans leur métier et dans le milieu de leur vie. Ce suffrage réel, ce jugement abrupt, et qui tient en un mot, disent ce que chacun entend faire et ne pas faire de sa vie. Quand ils auraient cent fois raison, ceux qui « savent » ne peuvent mettre leurs lumières (d'ailleurs vacillantes) à la place de ce consentement ou de ce refus. La majorité n’a pas toujours raison, mais on ne peut avoir raison à la longue contre elle, et Si l'on élude indéfiniment l'épreuve, c'est qu'on est dans son tort. Ici, nous touchons le roc. Non que la majorité soit oracle, mais parce qu'elle est le seul contrôle.
Reste à savoir comment recueillir ce suffrage-là, comment le protéger contre les diversions, par quelles institutions, et ce n'est pas facile, car le sentiment que chacun a de sa vie dépend incroyablement des idéologies. Surtout dans une situation tendue, l'abstrait lui-même devient concret, et chacun vit à tel point dans les symboles sociaux qu'il est difficile de retrouver en lui un domaine préservé de certitudes siennes.
Bien plus, il y a une comédie des sociétés libérales qui fait que le contrôle se change en son contraire. Alain pensait qu'on ne peut abuser du contrôle, qu'une fois pour toutes le rôle des citoyens est de dire non et celui du pouvoir de pousser à la tyrannie. Si chacun remplit pour le mieux son office, la société et l'humanité sont tout ce qu'elles peuvent être. Il n'avait pas prévu cet échange des rôles où la liberté et le contrôle servent à perpétuer des tyrannies, pendant que les intérêts de la liberté passent du côté du pouvoir. Tout pouvoir sans contrôle rend fou. C'est vrai. Mais que faire quand il n'y a plus de pouvoir du tout, quand il ne reste que des contrôleurs ? Le citoyen contre les pouvoirs, ce n'est pas toujours l'équilibre entre la tyrannie et le chaos, c'est quelquefois leur mélange, une société sans action, sans histoire.
Le problème du suffrage est tout entier devant nous. Nous n'en sommes pas à entrevoir ce que serait une société qui l'aurait résolu. Mais il est de faire communiquer ce qui se dit et ce qui se fait. Nous savons donc déjà qu'une société valable ne sera pas moins libre, mais plus libre que la nôtre. Plus d'instruction, plus d'information et plus précise, plus de critique concrète, la publicité du fonctionnement social et politique réel, tous les problèmes posés dans les termes les plus offensants - offensants comme l'est le malheur et comme le sont tous les bons raisonnements - voilà les conditions préalables de rapports sociaux « transparents ».

descriptionLa démocratie implique-t-elle le relativisme ? EmptyRe: La démocratie implique-t-elle le relativisme ?

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Non, je ne prétends pas que les votes ne se valent pas, je m'interroge simplement sur le lien entre relativisme et démocratie.

Nous consultons régulièrement l'opinion, par exemple à l'occasion des élections présidentielles, ou encore à travers les sondages. Or, on prétend dans le même temps que toutes les opinions se valent (relativisme). Cela ne pose-t-il pas un problème ?

Merci pour le texte.

[Reformulation de la réponse - Euterpe]
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