Lorsque la nouvelle mécanique quantique fut découverte, les physiciens classiques, ce qui incluait tout le monde sauf Heisenberg, Schrödinger et Born, dirent « écoutez, votre théorie n'est bonne à rien puisque vous ne pouvez pas répondre à des questions comme : quelle est la position exacte de la particule ? Par quel trou passe-t-elle ? Et quelques autres. » La réponse de Heisenberg fut : « Je n'ai pas besoin de répondre à de telles questions parce que vous ne pouvez pas les poser expérimentalement. Nous n'avons pas à nous les poser. » (Mécanique quantique, tome VII)
Une phrase qu’un de mes professeurs prononça un jour et qui m’a profondément interrogé : la philosophie ne se pose que des questions auxquelles elle peut répondre. En y réfléchissant, cette formulation avait-elle pour but de tracer une ligne de partage franche et nette entre métaphysique et philosophie ? Si on considère au départ le point de vue pseudo-historiciste selon lequel qu’elles seraient prétendument disjointes… Leibniz se demanda un jour : « pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». Bien plus tard, Bergson bataillera pour faire admettre que la question du Néant absolu, l’idée même de l’existence du Néant n’existe pas. Et donc que cette question n’a pas lieu d’être posée.
Les questions du réalisme naïf, celle de l’objectivité et de leurs problématiques associées sont parfaitement irrelevant en Mécanique quantique, comme le suppose implicitement ou explicitement Heisenberg avec sa déclaration.
Pourquoi ce mystère ? Est-ce que l’objet en physique quantique existe lorsque nous ne l’observons pas, ou bien n’existe-t-il pas ? S’il existe c’est sur quel mode ?
Nous sommes quasiment sûr que lorsque nous tournons la tête, l’arbre que nous avons vu l’instant d’avant sera toujours là lorsque nous nous retournerons. À moins évidemment qu’entre-temps la foudre ne lui soit tombée dessus...) La théorie de la décohérence quantique explique fort bien ce phénomène, soit d’où provient cette séparation radicale entre monde micro et macroscopique : une dichotomie tellement radicale que l’on finit par se demander si les lois qui régissent le monde quantique sont bien des lois. Les physiciens répondent habituellement à cela en disant que la mécanique quantique est déterministe (hamiltonien et équation de Schrödinger suffisent à régler la question de la fonction d’onde) lorsqu’il n’y a pas d’observateur. Et que par ailleurs la physique classique comporte une part d’indéterminisme.
De par notre éducation, nous acceptons la thèse du réalisme naïf parce que on nous l’a fait admettre depuis longtemps, sans doute depuis le berceau. Schéma cognitif fondamental car lié indissolublement à la Raison, comme on l’apprendra plus tard au cours de notre scolarité… Martelé et répété autant de fois qu’il faudra, nous l’assimilerons. Tout ce qui peut ou paraît remettre en question ce dogme sera considérée d’emblée comme suspect : fantasme, hallucination ou simple dérive autorisée comme la licence poétique.
Mais au fait combien de fantômes, d’apparitions, d’OVNI, ou de phénomènes de télékinésie et autres ont été signalés depuis la disparition des sorcières ?
Puisqu’on parle d’une superposition d’états en Mécanique quantique, ne devrait-on pas substituer à la relation sujet-objet chère à Kant ce terme d’intersubjectivité cher à l’épistémologue Bernard d’Espagnat ? Tout dans l’univers ne serait-il que relations ou produit de relations ? Et sans ces dernières rien n’existerait d’après lui ? À tout prendre, le point de vue de d’Espagnat ne fait que déplacer le problème : introduire une nuance sémantique et conceptuelle comme l’intersubjectivité — déjà introduite il y a longtemps par Kant — pour éviter de trancher entre le flou et le certain… Il ne s’agit pas de ne pas ébranler trop vite ni trop profondément nos certitudes. Et remettre en question cette belle assurance conférée par nos sens et notre cerveau… Sinon quoi ? Admettre le point de vue d’Everett avec son hypothèse des mondes parallèles ? Elle sauverait bien l’idée d’un en-soi de l’objet : sa permanence semblerait ainsi assurée par une sorte d’inversion de thèse.
L’inversion de la relation qui lierait un contenant comme l’univers et son contenu…
Selon ce physicien, ce n’est plus l’idée commune d’un objet censé appartenir au monde réel — considéré comme un Tout — qui tiendrait lieu de vérité : dans la conception d’Everett le réel, c’est l’affaire de tel monde qui détiendrait/contiendrait tel objet mais à tel instant… alors que dans notre univers, l’état d’un objet tel une particule non observée est donné pour flou car superposé à d’autres états. Everett à la suite d’Heisenberg précisera naturellement que cela restera ainsi tant qu’on ne l’aura ni observé ni mesuré. Mais dans sa conception, l’objet n’est ni scindé ni partagé en une superposition d’états d’une quelconque manière : la vision quantique a certes inscrit l’état virtuel de la particule dans un monde unique et singulier à l’aide d’un tas d’équations. Toutes vérifiées et confirmées comme il se doit et l’endroit où cet « état de superpositions » a lieu, c’est bien dans notre monde. L’indéterminisme quantique a été confirmé par les équations et corroboré depuis maintes et maintes fois : personne ne se risquerait le droit de s’adjuger une remise en cause.
Mais selon Everett, si l’objet se partage en de multiples copies toutes « virtuellement » différentes dans notre monde, elles existeraient « effectivement » bien chacune dans le monde parallèle qui leur serait à chacune assigné. Assigné par qui, assigné par quoi ? Everett ne répondra pas… L’objet quantique retrouverait un peu de cette « réalité » qu’il n’a pas ici : il serait là, dans un univers parallèle « pour de vrai », expression commune et paraphrasant les enfants lorsqu’ils jouent ensemble. Ce n’est plus l’objet quantique qui possède des instances, ces différents états dits superposés, mais notre univers lui-même qui serait superposé à d’autres selon Everett. Cette thèse rejoint la théorie de l’existence de de multivers dont — hypothèse tout à fait incertaine ! — la singularité centrale des trous noirs constituerait un point de passage ou de transition. Bien sûr, tout cela fait beaucoup de suppositions mais quand on est face à un mystère pareil et depuis aussi longtemps…
Notre monde selon cette théorie des multivers ne serait qu’une instance parmi un grand nombre de mondes, une infinité peut-être qui sait… Ces mystérieux objets, définis comme “quantiques” dans notre monde acquerraient par conséquent le statut de « réels » mais dans un autre monde que le nôtre, leur monde bien à eux ! Et voilà comment grâce à Everett et d’autres, on sauve le réalisme face à ces multiples interrogations toujours sans réponse depuis l’invention de la mécanique quantique. Conservons donc cette appellation d’instance pour le moment, tel ce fameux chat de Schrödinger qui en possédait au moins deux : à la fois mort dans notre monde mais vivant dans un autre.
Si l’on désire conserver l’idée leibnizienne de compossibilité et d’harmonie préétablie, ce point de vue des mondes parallèles change cependant radicalement notre position, une fois encore. Il nous décentrerait une fois de plus : il y eut d’abord l’héliocentrisme de Galilée puis l’Évolution… et finalement l’inconscient, lequel fait toujours controverse. Et voilà que maintenant surgit cette hypothèse de multivers, pluralité d’univers multiples, ce que l’hypothèse de dimensions cachées et non déployées au moment du Big Bang dans la théorie des cordes entérinerait… Mais toujours sans preuves malheureusement et cela reste décidément une hypothèse. Une de plus…
Si l’on suit cette dernière théorie, les questions du temps et de la causalité se posent du coup tout à fait autrement : par un effet sans doute pervers de dissémination via ces univers multiples, l’axiome d’existence des multivers entrainerait une certaine déperdition, une décrédibilisation voire une annihilation totale d’un thème majeur de la philosophie déterministe. L’introduction d’un certain relativisme dans les questions du temps et de la causalité ? Cela entrainerait inévitablement dans le même sillage d’autres mises en question non moins essentielles, comme celles du libre arbitre et de la volonté. On peut penser à l’usage qu’en a fait Borges dans ses nouvelles mais il s’agit bien là de fictions non d’hypothèses scientifiques.
Bien sûr ces théories d’univers multiples paraissent à première vue de la pure spéculation : plus propices apparemment à la SF qu’aux sciences exactes. Il n’empêche que des physiciens américains comme Alan Guth via l’énergie sombre ou Everett via la superposition d’états ont bâti chacun des théories personnelles qui sont considérées comme scientifiques : ne manque plus qu’une confirmation empirique. Comment l’obtenir ? Dilemme majeur… Cette problématique exponentielle des multivers renvoie au fait que dans sa pratique, la physique tend de plus en plus à se mathématiser en s’éloignant toujours davantage du terrain expérimental, son terreau d’origine sur lequel Popper a bâti toute sa théorie épistémologique… Plus l’expérimentation et les moyens techniques se perfectionnent et s’améliorent, plus on découvre des choses de plus en plus bizarres et inexplicables. Comme récemment dans cette troublante expérience à l’université de Jérusalem où il a été démontré que l’intrication quantique persistait même si un des 2 photos disparaissait…
Un des postulats et outils fondamentaux de la physique est que si nous ne pouvons revenir dans le passé — même si Einstein a admis qu’il existait une possibilité grâce aux trous de ver —, la physique peut-elle très bien y parvenir : il suffit pour cela simplement d’inverser le signe du temps dans les équations. Nous pouvons remonter jusqu’au mur de Planck dans le processus de création de l’univers. Mais avant ce mur non, et les physiciens attendent beaucoup de la gravitation quantique à boucles, laquelle unifierait enfin Relativité et mécanique quantique. Le rêve d’Einstein et de beaucoup d’autres, et qui peut-être permettrait de savoir ce qui se cache derrière ce fameux mur…
Lorsqu’on leur demande ce qui se passe au niveau de la singularité d’un trou noir soit en son centre, les scientifiques répondent de la même façon : la courbure de l’espace-temps devenant quasiment nulle d’après les modèles, cela entraîne que des grandeurs jusqu’ici finies deviennent infinies… et justement le problème est que l’infini n’existe pas en sciences physiques ! Avec une nuance cependant, c’est qu’il n’existe pas tant qu’on ne l’aura pas observé.
Au moment d’atteindre la singularité du trou noir et aussi lorsque qu’on tente de remonter le temps avant le mur de Planck, la réponse scientifique est que la théorie, et même toutes les théories s’arrêtent : toutes ces grandeurs communément utilisées en physique devenant infinies, il faut trouver autre chose comme une variable cachée. Ou alors sortir radicalement du domaine de la physique car la physique ne s’intéresse qu’à ce qui est observable et mesurable. Revenons sur cette question : pourquoi pouvons-nous estimer qu’une théorie où l’on renverse le signe du temps nous renseignerait forcément et justement sur ce qui s’est passé avant ? De quel droit ?
Il faut se référer à Popper pour obtenir une forme de réponse laquelle est juridique. Tant que nous ne verrons pas une pomme tomber en haut vers le ciel et non vers le centre de la Terre, la loi de la gravitation découverte par Newton restera vraie : les masses s’attireront toujours en raison inverse du carré de la distance qui les sépare. Einstein bouleversera la physique en introduisant le paradigme révolutionnaire de courbure et d’espace-temps, supplantant celui de masse newtonienne soumise à des forces. Mais sans invalider sa théorie qui est toujours utilisée et même abondamment… Théorie indispensable puisqu’entre autres l’alunissage d’Armstrong en 69 ne s’est quasiment fait qu’à partir des lois de Newton. Sans avoir besoin d’introduire ou de recourir à la Relativité…
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Le falsisficationnisme et/ou vérificationnisme, des critères déterminants pour distinguer les "vraies" sciences des fausses ?
Ces fameuses pseudo-sciences — suivant la terminologie en vigueur — font l’objet d’une inquisition et subissent régulièrement des comparutions devant des tribunaux, lesquelles sont généralement assorties de condamnations… Pseudo-sciences ? Cela permet de distinguer les faux charlatans des autres paraît-il… De vrais charlatans existeraient-ils donc alors ? Ce terme de pseudo-sciences ne serait-il somme toute que la partie émergente d’une stratégie « scientiste » ? Everything goes, dira Feyerabend : tout marche. Certains souligneraient peut-être que cette distinction formelle entre sciences et pseudos- est une prévarication qui renverrait par une sorte de non-dit à un domaine celui du politique, et donc concernerait autant le pouvoir et son usage que la science elle-même : en poussant ce raisonnement jusqu’à ses extrêmes, le but serait de retirer hors du champ de l’investigation scientifique toute une série de faits troublants mais pourtant avérés… Inexpliqués y compris par des scientifiques eux-mêmes.
Une nouvelle élite tiendrait-elle à accaparer le pouvoir celui de la Vérité, mais cette fois au nom de la science et non plus de la religion ? On ne brûlera pas deux fois de suite Galilée proclamera-t-on ! Étudier des faits étranges et déroutants certes, et constatés plus ou moins empiriquement, oui répond-on généralement mais selon quel protocole ?
Mis en pratique maintes et maintes fois depuis des siècles, les sourciers ont pu découvrir des sources d’eau souterraine avec une simple baguette. Les coupeurs de feu aussi ont réussi à faire disparaître des blessures graves chez les grands brûlés : les hôpitaux ont recours parfois à eux en désespoir de cause, ces derniers obtenant parfois des résultats spectaculaires là où des médecins et chirurgiens n’en obtiennent pas ou plus.
Freud a travaillé sur la transmission de pensée avant d’abandonner ce domaine et c’est Jung, plus empreint de mystique et d’intérêt pour les sciences occultes et l’orientalisme qui reprendra le flambeau. Fin de l’acte ? Un pont provisoire s’établira entre psychanalyse et physique quantique lorsque Pauli le physicien entreprendra une analyse avec Jung. Elle sera suivie d’une intense correspondance entre les 2 hommes qui donnera lieu à un livre fort rare.
Une phrase qu’un de mes professeurs prononça un jour et qui m’a profondément interrogé : la philosophie ne se pose que des questions auxquelles elle peut répondre. En y réfléchissant, cette formulation avait-elle pour but de tracer une ligne de partage franche et nette entre métaphysique et philosophie ? Si on considère au départ le point de vue pseudo-historiciste selon lequel qu’elles seraient prétendument disjointes… Leibniz se demanda un jour : « pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». Bien plus tard, Bergson bataillera pour faire admettre que la question du Néant absolu, l’idée même de l’existence du Néant n’existe pas. Et donc que cette question n’a pas lieu d’être posée.
Les questions du réalisme naïf, celle de l’objectivité et de leurs problématiques associées sont parfaitement irrelevant en Mécanique quantique, comme le suppose implicitement ou explicitement Heisenberg avec sa déclaration.
Pourquoi ce mystère ? Est-ce que l’objet en physique quantique existe lorsque nous ne l’observons pas, ou bien n’existe-t-il pas ? S’il existe c’est sur quel mode ?
Nous sommes quasiment sûr que lorsque nous tournons la tête, l’arbre que nous avons vu l’instant d’avant sera toujours là lorsque nous nous retournerons. À moins évidemment qu’entre-temps la foudre ne lui soit tombée dessus...) La théorie de la décohérence quantique explique fort bien ce phénomène, soit d’où provient cette séparation radicale entre monde micro et macroscopique : une dichotomie tellement radicale que l’on finit par se demander si les lois qui régissent le monde quantique sont bien des lois. Les physiciens répondent habituellement à cela en disant que la mécanique quantique est déterministe (hamiltonien et équation de Schrödinger suffisent à régler la question de la fonction d’onde) lorsqu’il n’y a pas d’observateur. Et que par ailleurs la physique classique comporte une part d’indéterminisme.
De par notre éducation, nous acceptons la thèse du réalisme naïf parce que on nous l’a fait admettre depuis longtemps, sans doute depuis le berceau. Schéma cognitif fondamental car lié indissolublement à la Raison, comme on l’apprendra plus tard au cours de notre scolarité… Martelé et répété autant de fois qu’il faudra, nous l’assimilerons. Tout ce qui peut ou paraît remettre en question ce dogme sera considérée d’emblée comme suspect : fantasme, hallucination ou simple dérive autorisée comme la licence poétique.
Mais au fait combien de fantômes, d’apparitions, d’OVNI, ou de phénomènes de télékinésie et autres ont été signalés depuis la disparition des sorcières ?
Puisqu’on parle d’une superposition d’états en Mécanique quantique, ne devrait-on pas substituer à la relation sujet-objet chère à Kant ce terme d’intersubjectivité cher à l’épistémologue Bernard d’Espagnat ? Tout dans l’univers ne serait-il que relations ou produit de relations ? Et sans ces dernières rien n’existerait d’après lui ? À tout prendre, le point de vue de d’Espagnat ne fait que déplacer le problème : introduire une nuance sémantique et conceptuelle comme l’intersubjectivité — déjà introduite il y a longtemps par Kant — pour éviter de trancher entre le flou et le certain… Il ne s’agit pas de ne pas ébranler trop vite ni trop profondément nos certitudes. Et remettre en question cette belle assurance conférée par nos sens et notre cerveau… Sinon quoi ? Admettre le point de vue d’Everett avec son hypothèse des mondes parallèles ? Elle sauverait bien l’idée d’un en-soi de l’objet : sa permanence semblerait ainsi assurée par une sorte d’inversion de thèse.
L’inversion de la relation qui lierait un contenant comme l’univers et son contenu…
Selon ce physicien, ce n’est plus l’idée commune d’un objet censé appartenir au monde réel — considéré comme un Tout — qui tiendrait lieu de vérité : dans la conception d’Everett le réel, c’est l’affaire de tel monde qui détiendrait/contiendrait tel objet mais à tel instant… alors que dans notre univers, l’état d’un objet tel une particule non observée est donné pour flou car superposé à d’autres états. Everett à la suite d’Heisenberg précisera naturellement que cela restera ainsi tant qu’on ne l’aura ni observé ni mesuré. Mais dans sa conception, l’objet n’est ni scindé ni partagé en une superposition d’états d’une quelconque manière : la vision quantique a certes inscrit l’état virtuel de la particule dans un monde unique et singulier à l’aide d’un tas d’équations. Toutes vérifiées et confirmées comme il se doit et l’endroit où cet « état de superpositions » a lieu, c’est bien dans notre monde. L’indéterminisme quantique a été confirmé par les équations et corroboré depuis maintes et maintes fois : personne ne se risquerait le droit de s’adjuger une remise en cause.
Mais selon Everett, si l’objet se partage en de multiples copies toutes « virtuellement » différentes dans notre monde, elles existeraient « effectivement » bien chacune dans le monde parallèle qui leur serait à chacune assigné. Assigné par qui, assigné par quoi ? Everett ne répondra pas… L’objet quantique retrouverait un peu de cette « réalité » qu’il n’a pas ici : il serait là, dans un univers parallèle « pour de vrai », expression commune et paraphrasant les enfants lorsqu’ils jouent ensemble. Ce n’est plus l’objet quantique qui possède des instances, ces différents états dits superposés, mais notre univers lui-même qui serait superposé à d’autres selon Everett. Cette thèse rejoint la théorie de l’existence de de multivers dont — hypothèse tout à fait incertaine ! — la singularité centrale des trous noirs constituerait un point de passage ou de transition. Bien sûr, tout cela fait beaucoup de suppositions mais quand on est face à un mystère pareil et depuis aussi longtemps…
Notre monde selon cette théorie des multivers ne serait qu’une instance parmi un grand nombre de mondes, une infinité peut-être qui sait… Ces mystérieux objets, définis comme “quantiques” dans notre monde acquerraient par conséquent le statut de « réels » mais dans un autre monde que le nôtre, leur monde bien à eux ! Et voilà comment grâce à Everett et d’autres, on sauve le réalisme face à ces multiples interrogations toujours sans réponse depuis l’invention de la mécanique quantique. Conservons donc cette appellation d’instance pour le moment, tel ce fameux chat de Schrödinger qui en possédait au moins deux : à la fois mort dans notre monde mais vivant dans un autre.
Si l’on désire conserver l’idée leibnizienne de compossibilité et d’harmonie préétablie, ce point de vue des mondes parallèles change cependant radicalement notre position, une fois encore. Il nous décentrerait une fois de plus : il y eut d’abord l’héliocentrisme de Galilée puis l’Évolution… et finalement l’inconscient, lequel fait toujours controverse. Et voilà que maintenant surgit cette hypothèse de multivers, pluralité d’univers multiples, ce que l’hypothèse de dimensions cachées et non déployées au moment du Big Bang dans la théorie des cordes entérinerait… Mais toujours sans preuves malheureusement et cela reste décidément une hypothèse. Une de plus…
Si l’on suit cette dernière théorie, les questions du temps et de la causalité se posent du coup tout à fait autrement : par un effet sans doute pervers de dissémination via ces univers multiples, l’axiome d’existence des multivers entrainerait une certaine déperdition, une décrédibilisation voire une annihilation totale d’un thème majeur de la philosophie déterministe. L’introduction d’un certain relativisme dans les questions du temps et de la causalité ? Cela entrainerait inévitablement dans le même sillage d’autres mises en question non moins essentielles, comme celles du libre arbitre et de la volonté. On peut penser à l’usage qu’en a fait Borges dans ses nouvelles mais il s’agit bien là de fictions non d’hypothèses scientifiques.
Bien sûr ces théories d’univers multiples paraissent à première vue de la pure spéculation : plus propices apparemment à la SF qu’aux sciences exactes. Il n’empêche que des physiciens américains comme Alan Guth via l’énergie sombre ou Everett via la superposition d’états ont bâti chacun des théories personnelles qui sont considérées comme scientifiques : ne manque plus qu’une confirmation empirique. Comment l’obtenir ? Dilemme majeur… Cette problématique exponentielle des multivers renvoie au fait que dans sa pratique, la physique tend de plus en plus à se mathématiser en s’éloignant toujours davantage du terrain expérimental, son terreau d’origine sur lequel Popper a bâti toute sa théorie épistémologique… Plus l’expérimentation et les moyens techniques se perfectionnent et s’améliorent, plus on découvre des choses de plus en plus bizarres et inexplicables. Comme récemment dans cette troublante expérience à l’université de Jérusalem où il a été démontré que l’intrication quantique persistait même si un des 2 photos disparaissait…
Un des postulats et outils fondamentaux de la physique est que si nous ne pouvons revenir dans le passé — même si Einstein a admis qu’il existait une possibilité grâce aux trous de ver —, la physique peut-elle très bien y parvenir : il suffit pour cela simplement d’inverser le signe du temps dans les équations. Nous pouvons remonter jusqu’au mur de Planck dans le processus de création de l’univers. Mais avant ce mur non, et les physiciens attendent beaucoup de la gravitation quantique à boucles, laquelle unifierait enfin Relativité et mécanique quantique. Le rêve d’Einstein et de beaucoup d’autres, et qui peut-être permettrait de savoir ce qui se cache derrière ce fameux mur…
Lorsqu’on leur demande ce qui se passe au niveau de la singularité d’un trou noir soit en son centre, les scientifiques répondent de la même façon : la courbure de l’espace-temps devenant quasiment nulle d’après les modèles, cela entraîne que des grandeurs jusqu’ici finies deviennent infinies… et justement le problème est que l’infini n’existe pas en sciences physiques ! Avec une nuance cependant, c’est qu’il n’existe pas tant qu’on ne l’aura pas observé.
Au moment d’atteindre la singularité du trou noir et aussi lorsque qu’on tente de remonter le temps avant le mur de Planck, la réponse scientifique est que la théorie, et même toutes les théories s’arrêtent : toutes ces grandeurs communément utilisées en physique devenant infinies, il faut trouver autre chose comme une variable cachée. Ou alors sortir radicalement du domaine de la physique car la physique ne s’intéresse qu’à ce qui est observable et mesurable. Revenons sur cette question : pourquoi pouvons-nous estimer qu’une théorie où l’on renverse le signe du temps nous renseignerait forcément et justement sur ce qui s’est passé avant ? De quel droit ?
Il faut se référer à Popper pour obtenir une forme de réponse laquelle est juridique. Tant que nous ne verrons pas une pomme tomber en haut vers le ciel et non vers le centre de la Terre, la loi de la gravitation découverte par Newton restera vraie : les masses s’attireront toujours en raison inverse du carré de la distance qui les sépare. Einstein bouleversera la physique en introduisant le paradigme révolutionnaire de courbure et d’espace-temps, supplantant celui de masse newtonienne soumise à des forces. Mais sans invalider sa théorie qui est toujours utilisée et même abondamment… Théorie indispensable puisqu’entre autres l’alunissage d’Armstrong en 69 ne s’est quasiment fait qu’à partir des lois de Newton. Sans avoir besoin d’introduire ou de recourir à la Relativité…
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Le falsisficationnisme et/ou vérificationnisme, des critères déterminants pour distinguer les "vraies" sciences des fausses ?
Ces fameuses pseudo-sciences — suivant la terminologie en vigueur — font l’objet d’une inquisition et subissent régulièrement des comparutions devant des tribunaux, lesquelles sont généralement assorties de condamnations… Pseudo-sciences ? Cela permet de distinguer les faux charlatans des autres paraît-il… De vrais charlatans existeraient-ils donc alors ? Ce terme de pseudo-sciences ne serait-il somme toute que la partie émergente d’une stratégie « scientiste » ? Everything goes, dira Feyerabend : tout marche. Certains souligneraient peut-être que cette distinction formelle entre sciences et pseudos- est une prévarication qui renverrait par une sorte de non-dit à un domaine celui du politique, et donc concernerait autant le pouvoir et son usage que la science elle-même : en poussant ce raisonnement jusqu’à ses extrêmes, le but serait de retirer hors du champ de l’investigation scientifique toute une série de faits troublants mais pourtant avérés… Inexpliqués y compris par des scientifiques eux-mêmes.
Une nouvelle élite tiendrait-elle à accaparer le pouvoir celui de la Vérité, mais cette fois au nom de la science et non plus de la religion ? On ne brûlera pas deux fois de suite Galilée proclamera-t-on ! Étudier des faits étranges et déroutants certes, et constatés plus ou moins empiriquement, oui répond-on généralement mais selon quel protocole ?
Mis en pratique maintes et maintes fois depuis des siècles, les sourciers ont pu découvrir des sources d’eau souterraine avec une simple baguette. Les coupeurs de feu aussi ont réussi à faire disparaître des blessures graves chez les grands brûlés : les hôpitaux ont recours parfois à eux en désespoir de cause, ces derniers obtenant parfois des résultats spectaculaires là où des médecins et chirurgiens n’en obtiennent pas ou plus.
Freud a travaillé sur la transmission de pensée avant d’abandonner ce domaine et c’est Jung, plus empreint de mystique et d’intérêt pour les sciences occultes et l’orientalisme qui reprendra le flambeau. Fin de l’acte ? Un pont provisoire s’établira entre psychanalyse et physique quantique lorsque Pauli le physicien entreprendra une analyse avec Jung. Elle sera suivie d’une intense correspondance entre les 2 hommes qui donnera lieu à un livre fort rare.