kercoz, où voulez-vous en venir ?
Desassocego a écrit: Bien sûr, la plupart des élèves se foutent complètement de la philosophie, mais s'il fallait attendre qu'elle intéresse la majorité des élèves, on ne serait pas sorti du sable ! J'ai deux amis qui enseignent la philosophie en Terminale, chacun sait qu'il vaut mieux se réjouir des deux trois élèves qui auront un intérêt réel pour la philosophie et en apprendront quelque chose qu'être désespéré par tous les autres qui s'en moquent. Et quand je dis apprendre, je ne parle pas d'apprendre au sens ou on apprend sa leçon pour la réciter.
Erysimumcheiri a écrit: Comme pour les amis de Desassocego, ce sont peut-être pour ces deux trois élèves que les cours de philosophie prennent leur sens. Évidemment dans une société où le but est la rentabilité, la philosophie n'a pas sa place mais ce n'est pas parce que c'en est le but, que ça doit devenir le nôtre. Si la société façonne les individus, elle est indissociable de ce que nous sommes et des décisions que nous prenons. Malgré l'apparence peu démocratique de la réponse, je préfère voir 24 individus souffrir de leurs cours de philosophie si je peux avoir la joie d'avoir remis les clefs de la réflexion aux mains de 3 élèves
A rebours de l'utilitarisme, le point de vue défendu ici pourrait-il être résumé par le principe du "plus grand bonheur du plus petit nombre" ? Je suppose que l'on a, d'ailleurs, sans doute à l'esprit le lycée public. Autrement dit, il s'agit de justifier la satisfaction de quelques-uns au détriment (et à la charge) du reste de la classe. Nous sommes donc en présence d'une situation sous-optimale en termes d'allocation des ressources. Afin d'y remédier, Jimmy avait proposé de transformer cet enseignement en option, idée qui constitue un bon compromis en vue de la satisfaction du plus grand nombre. Sauf que cette décision (qui pourrait peut-être la rendre attrayante) enverrait le signal suivant : cet enseignement passerait pour élitiste (comme le latin). Or, dans le même temps l'on prétend que cet enseignement a pour tâche de s'adresser à tous au nom de la "démocratisation scolaire" (ce qui explique sans doute pourquoi le même Jimmy parlait d'hypocrisie). De plus, et paradoxalement, la filière littéraire passe (du moins dans les représentations) pour une filière de relégation (alors que l'enseignement en philosophie dans cette section est à la fois gourmand en heures et en coefficient). Quel casse-tête. Pour poursuivre sur les différents cursus du lycée (extrait, je le rappelle, d'un texte de 1962) :
Jean-François Revel a écrit: S'il est un vain débat, c'est bien celui qui met périodiquement aux prises les partisans de l'enseignement secondaire scientifique et ceux de l'enseignement secondaire littéraire, des sciences exactes et de "l'humanisme". On dirait vraiment que c'est au niveau des lycées que la question mérite d'être discutée, et que c'est au niveau de la quatrième qu'il faille choisir entre Shakespeare et Newton. Spécialisation ou culture générale ? Vivace serpent de mer des éditorialistes... Or seul l'égocentrisme des adultes explique l'imputation au second degré de cette responsabilité : préférer le technicien à l' "honnête homme" ou inversement. Le second degré n'a le loisir de fabriquer ni l'un ni l'autre. Faux problème en soi, la conciliation de la spécialisation et de la culture est un problème dépourvu de signification pratique dans le cadre du lycée. Les arguments dirigés contre l'enseignement littéraire et philosophique dans les lycées consistent à en souligner le caractère aristocratique et improductif et à souhaiter un enseignement "orienté vers la vie pratique" mais surtout vers la technique et la science. La France a besoin d'ingénieurs et de savants... Ces arguments, sensés en apparence, reposent en fait sur des informations incomplètes et des raisonnements faux. Premier point, en effet : ce qui peut s'enseigner de littérature et de philosophie dans le second degré ne constitue pas une spécialité. La spécialisation philosophico-littéraire ne commence qu'avec l'entrée en Première Supérieure (khâgne) ou en Faculté. Un élève reçu à la seconde partie du baccalauréat est à peine capable, même lorsqu'il a suivi la section classique A' et Philo-lettres d'écrire quatre pages cohérentes dans sa langue maternelle (ce qui a obligé à créer la Propédeutique) et, s'il possède en outre une très vague idée de la culture où il vit, il devient une brillante exception. D'où peut donc provenir la légende d'un excès de littérature ? Il ne s'agit pas, à vrai dire, de "littérature", mais d'un balbutiement indispensable, en deçà duquel aucun être humain ne pourrait passer pour citoyen d'un pays évolué. Il s'agit d'assurer le niveau culturel minimal d'une société moderne à ceux-là mêmes, précisément et surtout, que leurs occupations et dispositions futures entraîneront loin des livres.
Ces considérations vous paraissent-elles fausses aujourd'hui ?
Dernière édition par Kthun le Ven 9 Jan 2015 - 18:15, édité 1 fois