Le choix d'une traduction pour Nietzsche va souvent avec un parti pris entre littérature et philosophie. C'est ainsi d'ailleurs que s'est constituée sa réception en France : jusque dans les années 1930, sa pensée était considérée comme essentiellement littéraire. Ce n'est qu'après que Nietzsche fut traité comme philosophe à part entière (d'abord irrationaliste, puis à partir des années 70, comme un philosophe avec sa propre logique, ses propres méthodes, etc.). Nous avons donc au moins deux courants, le premier très littéraire (dont les principaux acteurs-traducteurs sont Henri Albert, Alexandre Vialatte et Maurice Betz), le second plus conceptuel (c'est dans ce courant que se situe l'œuvre complète de la collection NRF).
Vous trouverez donc chez les premiers élégance et style, chez les seconds rigueur et exigence conceptuelle. Si vous souhaitez travailler sur Nietzsche dans le cadre d'un mémoire et que vous ne parlez pas allemand, le bon choix n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux, puisque ces deux partis pris ont leur légitimité et passer par les deux est une expérience de lecture riche. Nietzsche aurait peut-être même préféré le premier courant, étant donné l'estime qu'il avait pour la langue française classique (Montaigne, La Bruyère, Rousseau) à l'inverse de la langue allemande qu'il méprisait (on ne compte pas les textes où Nietzsche s'indigne de l'indélicatesse de la langue allemande et du manque de raffinement de la culture allemande). Or, le maître-mot du premier courant de traduction est précisément cette idée que Nietzsche est plus français qu'allemand et qu'une bonne traduction de son œuvre est celle où s'épanouit la pureté de l'esprit français.
Quoiqu'il en soit, les deux courants cohabitent encore de nos jours, puisque les premières traductions ont été rééditées, revues et corrigées, notamment par Jean Lacoste et Jacques Le Rider, dont le travail est publié chez Robert Laffont et accompagné d'un index qui constitue un outil de choix, même pour des spécialistes de Nietzsche. Du reste, la traduction des œuvres de Nietzsche est toujours en marche, puisque Blondel ou encore Wotling ont réalisé de nouvelles versions des œuvres principales, chez Garnier-Flammarion, avec à chaque fois un appareil de notes impressionnant et précieux pour qui souhaite travailler Nietzsche.
En bref, et pour résumer, ne choisissez pas un traducteur, mais plusieurs propositions qui vous permettront d'entrer dans les subtilités du texte. Cela vous demandera beaucoup plus de travail, mais c'est le prix à payer pour ne pas parler allemand :lol:
Silentio a écrit: Je peux juste vous dire qu'il existe déjà des milliers d'études sur Nietzsche et je ne sais pas si c'est un choix pertinent. Si vous sentez que vous avez besoin de lire cet auteur, très bien, mais sinon il peut être plus intéressant de vous intéresser à un auteur moins étudié - cela peut être intellectuellement et professionnellement très valorisant.
Tout dépend de l'angle choisi, non ? On peut parfois étudier un auteur en le mettant en rapport avec un autre, et cela devient original. Il y a par exemple peu d'études sur le rapport entre Nietzsche et Pessoa, et cela aurait pourtant un grand intérêt... Peut-être le ferai-je un jour :D