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descriptionL'art et la morale. EmptyL'art et la morale.

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Notre professeur, qui appréciait particulièrement Le Caravage, jugeait cependant que la présence presque systématiquement de jeunes garçons dans ses peintures était suspecte. Supposant que le peintre avait des tendances pédophiles, elle est désormais totalement réfractaire à son œuvre.

Je me demande par conséquent si le fait d'apprécier les œuvres d'un artiste auquel nous sommes idéologiquement opposés est immoral. Je crois savoir que Le Caravage était l'un des artistes favoris du IIIe Reich. Malgré cela je continue de l'admirer.

Et vous, qu'en pensez-vous ?

[Reformulation du sujet et modification du titre - Euterpe]

descriptionL'art et la morale. EmptyRe: L'art et la morale.

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Bonsoir Yarden,

Avant de répondre, je crois qu'il est d'abord nécessaire, comme vous le suggérez implicitement, de prendre du recul vis-à-vis de cette habitude très actuelle de vouloir nous mettre à la place d'autrui, à travers les époques, en entrant dans les intimités, et en prétendant pouvoir sonder les coeurs et les reins, et tout cela, sous le prétexte que la personne examinée semble mêlée de près ou de loin à des attitudes, politiques, ou personnalités, plus que douteuses.
Ainsi, Le Caravage pouvait bien avoir des tendances pédophiles, mais a-t-il violé, oui ou non ? Ou a-t-il canalisé et exorcisé ses tendances dans la peinture ? L'art peut être un exutoire.
On dit aussi que Nietzsche, sa critique de la démocratie, et de la simple solidarité sociale, son anti-christianisme, ont inspiré le régime Nazi, et aussi la gauche athée actuelle. Tout cela est-il opposable à ce philosophe, ou bien tous ces gens ne font-ils pas de la récupération à bon compte, avec leurs interprétations délirantes de son œuvre ?
Arno Breker a accepté les commandes nazies, et a paradé avec Hitler et ses séides à l'occasion, certes, mais était-il raciste, favorable aux crimes commis, était-il haineux, ou était-il surtout opportuniste et arriviste ? Je ne le crois pas innocent, bien sûr, mais force est de constater qu'il avait apparemment défendu des personnes arrêtées par les nazis, de telle sorte que tout cela est complexe et confus, et qu'il semble qu'il vaille mieux rester prudent au lieu de condamner autrui, surtout que notre période actuelle, cynique, immorale, froide, et destructrice à bien des égards, est à l'évidence, parfois, une héritière de certains comportements hideux de ces époques terribles. Ainsi, nous serions plus avisés d'observer nos propres valeurs, ou non-valeurs, de chercher à savoir d'où elles viennent, avant de prétendre pouvoir juger des morts.
Dans tous les cas, apprécier une œuvre d'art, ce n'est pas s'ériger en magistrat, ni en concierge de quartier.

Cela étant dit, je crois qu'il est également indispensable, pour pouvoir répondre à votre question, de définir l'utilité de l'art, et celle de la morale.

Plutôt que de chercher à savoir si une œuvre est belle ou non dans l'absolu, je pense qu'il est plus judicieux ici de cerner l'utilité de l'art.
En observant les cultures du monde, et les conditions dans lesquelles certaines grandes œuvres ont été créées, et l'effet que ces œuvres produisent sur nous, il apparait immédiatement que l'art sert surtout à panser les blessures de l'âme, et donc à ouvrir le cœur et l'esprit.

La morale, quant à elle, n'a pas pour but de construire des idées dans le vide, de façon inutile, ni des règles pour la règle, et ne sert l'ordonnance de la société que dans un premier temps, car le but final semble là encore de préserver l'intégrité et l'ouverture du cœur.

Ainsi, selon ces considérations, ce qui paraît devoir fondamentalement nous occuper lors de la contemplation d'une œuvre d'art, en dehors des détails techniques, est de discerner si cette œuvre ouvre notre cœur ou non, à l'exclusion de toute considération personnelle sur l'artiste, aussi inutile pour nous que très subjective, la plupart du temps.
(si la contemplation d'une œuvre d'art se transforme en une occasion de juger autrui, de rejeter et de se fermer, en augmentant nos propres tendances négatives, c'est alors qu'on n'a pas atteint l'objet de l'art, ni celui de la morale).
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