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Critique de la raison pure

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descriptionCritique de la raison pure - Page 10 EmptyRe: Critique de la raison pure

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4) De la différence des jugements analytiques et des jugements synthétiques (page 100).

Soit un jugement quelconque, composé d'un sujet, d'un verbe et d'un prédicat, le prédicat étant une propriété, une caractéristique, une qualité qualifiant le sujet.

Nous appellerons jugement analytique tout jugement tel que le prédicat peut être tiré du sujet par simple analyse.

Par exemple le jugement "une table possède un plateau" est un jugement analytique, puisque toute table est définie par le fait qu'elle a au moins un plateau.
"Tous les corps sont étendus" est un jugement analytique, puisque tout corps a une spatialité (l'étendue : volume, espace occupé par un corps).

Nous appellerons jugement synthétique tout jugement dans lequel le prédicat apporte une information supplémentaire quant au sujet, information non comprise dans la définition, l'être même du sujet.

Par exemple "la table est verte" est un jugement synthétique, puisque la couleur verte n'est pas une caractéristique propre aux tables en général. Il y a apport d'une information supplémentaire.

L'exemple donné par Kant est un peu plus difficile à saisir : "tous les corps sont pesants" peut dans une première approche être pris pour un jugement analytique; mais  si j'analyse un corps, il ne contient pas en lui la qualité de peser; nulle part il est possible de trouver "la pesance", "le poids" comme constituant de son
 être; l'exemple employé par Kant est un peu obscur car  "être pesant" est en fait une relation spécifique entre deux corps (il n' y a pas de poids s'il n' y a qu'un corps). Le prédicat "pesant" désigne une certaine façon pour chaque corps d'entrer en relation avec un autre corps. Nous sommes donc dans un registre complètement différent de celui  de la nature d'un corps.


Un jugement analytique est aussi appelé explicatif et un jugement synthétique est aussi appelé extensif.

Les jugements d'expérience sont tous synthétiques.


En effet si je recours à l'expérience c'est bien pour apprendre quelque chose de supplémentaire quant à l'objet étudié.

Il existe enfin des jugements synthétiques a priori, c'est-à-dire de jugements synthétiques qui ne s'appuient pas sur l'expérience pour apporter une information supplémentaire quant à un sujet (le sujet du jugement).

Par exemple le jugement "tout ce qui arrive  possède sa cause" est un jugement synthétique a priori car le concept de cause n'est pas constitutif du concept "tout ce qui arrive" et pourtant il lui appartient, et même il lui appartient avec nécessité (critère permettant de désigner une connaissance a priori, voir ci dessus). 

Sur quoi l'entendement s'appuie-t-il pour émettre un tel jugement? Ce ne peut être sur l'expérience car la certitude liée à cet a priori est universelle (pour l'entendement) et non liée à telle ou telle expérience. C'est ce qui sera étudié par Kant dans les développements à venir.

descriptionCritique de la raison pure - Page 10 EmptyRe: Critique de la raison pure

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Je reviens sur ces notions de jugements analytiques et jugements synthétiques sur lesquels je suis passé beaucoup trop vite.
Kant structure ainsi sa pensée :
Existence d'un jugement affirmatif  composé d'un sujet A  et d'un prédicat B, les deux  concepts étant reliés par un connecteur, un lien, un verbe (attributif).
Jugement analytique : le concept B est inclut dans le concept A, il appartient au concept A implicitement.
Jugement synthétique : le concept B n'est pas inclut dans le concept A, il lui est extérieur (bien qu'en connexion avec le concept A par le truchement du lien : verbe, connecteur, etc.). Un tel jugement ajoute une connaissance au concept A.

Dans un jugement analytique je peux extraire le prédicat B  conformément au principe de contradiction (page 101).

Qu'est ce que le principe de contradiction? (Kant emploie cette notion à la page 101 mais il ne le définit qu'à la page 232!).

Je ne vais pas reprendre la définition de Kant à ce stade-là mais faire simplement remarquer que le principe de contradiction est le principe du tiers exclu en mathématique. Est ce que la négation du jugement que je viens d'émettre est possible ? Est-elle vraie dira-t-on en mathématique? Si la réponse est absolument non, alors ma proposition d'origine est vraie.

Tout paraît simple au vu des définitions.

Mais rien n'est si simple en fait!

En effet je peux être tenté de dire :

"Une table possède un plateau" est un jugement analytique puisque le concept "plateau" est inclut dans celui de "table" par définition.

Mais un contradicteur avisé pourra me rétorquer, "oui mais le concept de table est déjà lui même une construction!", un lien opéré entre divers éléments, un lien synthétique opéré préalablement entre le plateau et les pieds d'une table. J'ai donc ici un jument analytique fondé sur un concept dont je connais les éléments par construction préalable.  Comme Kant affirme ensuite que tous les jugements  mathématiques sont synthétiques justement en arguant de constructions préalables de concepts il faut bien que j'étende sa remarque aux concepts construits empiriquement, pour dire que, si je les construits au préalable, il y a peut être quelque abus d'en tirer ensuite des jugements analytiques (ce qu'il argue nous le verrons pour les jugements mathématiques).

D'ailleurs à bien regarder les exemple donnés par Kant quant aux jugements analytiques nous n'avons aucun jugement analytique du style "une table possède un plateau". Non il avance comme jugements analytiques des jugements qui rapportent à un concept donné des concepts tels que l'étendue, l'impénétrabilité ou la figure...

A se demander si nous ne pourrions pas aussi nous poser la question : "comment des jugements analytiques, fondés sur aucun concept au préalable construit, sont-ils possibles?". Il est possible de répondre à cette question mais il faut au préalable étudier l'esthétique transcendantale, et nous ne sommes là qu'au niveau de l'introduction.

Enfin dernière précision le jugement "tout ce qui arrive a une cause" est bien sûr un jugement synthétique. La cause, en tant  que concept, n'est pas implicitement inclut dans le concept "tout ce qui arrive" mais elle lui est nécessairement liée. Kant emploie le mot "appartient" qui peut prêter à confusion comme étant un concept inclut dans le concept : "tout ce qui arrive". Non, ce jugement est bien synthétique. 

Enfin ultime précision, le mot concept chez Kant désigne tout ce qui peut être pensé. Ce qui le conduit à des expressions savoureuses, du style : démontrons que le concept "espace" n'est pas un concept! Dans le premier emploi il s'agit de l'espace en tant qu'il peut être pensé, dans le second emploi il s'agit du concept empirique. Nous verrons cela ultérieurement.

descriptionCritique de la raison pure - Page 10 EmptyRe: Critique de la raison pure

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5) Dans toutes les sciences théoriques de la raison sont contenus des jugements synthétiques a priori faisant fonction de principes (page 103)

a) Les jugements mathématiques sont tous synthétiques.


Cette affirmation surprenante Kant la limite ici à la mathématique pure c'est-à-dire à toute mathématique employée dans le seul cadre de la mathématique (bien qu'il affirme que tous jugements mathématiques sont des jugements a priori; mais il renonce à défendre ici ce point de vue pour ne parler que des concepts de la mathématique pure, c'est-à-dire celle qui est totalement a priori, sans lien donc avec l'expérience).

Il prend pour exemple de jugement synthétique la proposition suivante : 
7 + 5 = 12.
Pour un mathématicien cette proposition est analytique.
Pour bien expliquer cette assertion, citons  Jean-Michel Muglioni, "Apprendre à philosopher avec Kant", collection Ellipses, page 74 :
"il peut sembler comme le voulait Leibniz, que 1+1 = 2 soit une proposition analytique. Kant veut dire que la définition elle-même est la construction du concept 2 : nous ne trouvons en nous le concept de deux et ne pouvons l'analyser que parce que nous l'avons construit".

Et, bien sûr, tout mathématicien sait qu'il faut au préalable construire l'ensemble des nombres naturels avec l'opérateur + (l'ensemble des entiers naturels, muni de la loi de composition + est un monoïde). Mais une fois cet ensemble construit, une fois donc cet ensemble défini, le mathématicien s'appuie sur la construction , la définition de l'ensemble des nombres naturels, comme d'une nouvelle base en soi, une base  de calcul donnée, sur laquelle il ne revient plus, sur laquelle il ne réfléchit plus (sauf cas bien particuliers). Bien sûr si nous revenons sans cesse sur la construction même des concepts, alors nous retrouvons sans cesse des propositions synthétiques. Dans ce cas alors la proposition 7 + 5 = 12 peut être considérée comme une proposition synthétique, car il a fallu au préalable construire de proche en proche (avec un pas de 1) chaque nombre des entiers naturels.

Pourquoi alors l'exemple de Kant suscite-t-il une certaine critique chez nombre de mathématiciens? 

C'est que sa proposition s'écarte assez de sa définition du jugement pris dans la paragraphe précédent, le jugement étant un concept ainsi construit :
Un concept A, un lien (verbe attributif) et un prédicat formé par un concept B.

Ici le lien est le signe = qui est loin d'être équivalent à un verbe attributif puisqu'il s'agit d'une relation d'équivalence, dont l'une des caractéristiques est d'être symétrique (si A = B, alors B = A). Est-ce que les jugements dont parlent Kant ont ce caractère de symétrie? Est ce que le lien employé, le verbe attributif, a ce caractère de symétrie (est ce que  : concept A, lien, concept B est identique à concept B, lien (le même), concept A?). La réponse est non.

Car nous voyons bien que si nous retournons la proposition de Kant ainsi (et le signe = l'autorise) nous avons alors 12 = 5 + 7, et la question doit maintenant être posée ainsi : est ce que les concepts de 5 et de 7 peuvent être trouvés dans le concept 12? (la question posée par Kant est : est ce que le concept 12 peut être trouvé dans les concepts 5 et 7, question qui, posée ainsi, entraîne la réponse  : non!).

Bien sûr il reste l'opérateur + qui est un opérateur de construction! donc dire qu'un jugement qui emploie un opérateur de construction est une construction paraît aller de soi...

Donc l'exemple choisi par Kant est un peu limite! mais nous comprenons ce qu'il veut dire et nous pouvons donc le suivre dès lors qu'il fait remarquer que tout concept mathématique est déjà en lui même une construction. Mais n' y a t il pas alors des "briques" originelles, des concepts originaux que ne soient pas des constructions? Nous arrêterons là notre propre critique ( critique destinée ici à provoquer la réflexion du lecteur).

L'autre critique avancé par le mathématicien c'est qu' une construction fondée sur un acte de volonté est une définition, tandis qu'une construction fondée sur un raisonnement est l'œuvre non pas de la volonté mais de la raison, ou de l'entendement pour reprendre les mots de Kant.

Prenons cet exemple :

Un rectangle a ses diagonales d'une égale longueur et se coupant en leur milieu.

Le concept "rectangle" est une définition, tandis que "diagonales d'égale mesure et se coupant en leur milieu", est l'œuvre d'un raisonnement.
D'un côté une définition, de l'autre un raisonnement. Mais pour Kant les deux concepts sont des constructions (jugements synthétiques).
En effet le rectangle est un quadrilatère qui a quatre angles droits (il faut construire dans son esprit ou sur la feuille un quadrilatère quelconque de telle manière qu'il ait quatre angles droits). Le mathématicien range cette proposition dans un coin de sa mémoire auquel il ne recourt plus et il affirme un rectangle a, en soi, 4 angles droits.

Pourtant nous voyons qu'il y a une différence essentielle dans les deux constructions, l'une est un effet de la volonté, l'autre est l'effet d'un raisonnement. Ce n'est pas une différence anodine. Quand il s'agit d'enseigner un enfant il est nécessaire de lui dire la différence. Si la différence n'est pas faite, et dans certains manuels elle n'est pas faite, l'enfant prenant la définition pour un raisonnement, va se mettre à réfléchir, à chercher le raisonnement qui conduit à faire d'un quadrilatère un rectangle. Il faut vite l'arrêter, et lui dire, non, ne cherche pas un raisonnement, une rectangle a quatre angles droits par définition, par volonté. Libéré d'une recherche de raisonnement (qui n'a pas lieu d'être) alors il peut se donner tout entier au raisonnement qui conduit à trouver que les diagonales sont d'égale mesure et se coupent en leur milieu.

descriptionCritique de la raison pure - Page 10 EmptyRe: Critique de la raison pure

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Page 105, Kant affirme que tout axiome de la géométrie pure est un jugement synthétique (ce qui répond à l'interrogation précédente: existe-t-il des concepts de base qui ne soient pas eux-mêmes des constructions? oui, mais dans un jugement il y a deux parties, la partie A (sujet) et la partie B (prédicat), et si aucun des concepts n'est une construction, une réunion de briques, alors il n'est pas possible de trouver B dans A! Le fait que des concepts soient des briques élémentaires n'empêche pas les jugements mathématiques d'être des jugements synthétiques, au contraire).
Kant s'intéresse ici à la géométrie pure car il divise les mathématiques en arithmétique et géométrie (dans le paragraphe précédent il parlait des jugements arithmétiques).
Son exemple : la ligne droite est, entre deux points, la plus courte, est une proposition synthétique. Cela saute aux yeux. En effet la distance n'est pas comprise dans le concept ligne droite; le concept de distance est bien bien ajoutée au concept ligne droite.

descriptionCritique de la raison pure - Page 10 EmptyRe: Critique de la raison pure

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Page 105 Kant reconnaît le caractère analytique de quelques propositions mathématiques fondamentales mais pour en réduire aussitôt la portée en affirmant que, dans ces jugements, le prédicat n'est pas pensé comme étant inclus dans le concept sujet mais qu'il est en fait intuitionné comme étant dans ce concept. Kant respecte là sa logique de pensée car il démontrera ensuite dans l'esthétique transcendantale que la possibilité des jugements synthétiques résulte de ce fait qu' espace et temps sont deux formes a priori de l'intuition, et que les jugements synthétiques sont possibles dans ces formes pures de l'intuition.
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