Hegel nierait-il l'évolution ?
Dans la Phénoménologie de l'esprit (1807), Hegel se livre à une critique de la physiognomonie, en citant plusieurs fois Georg Christoph Lichtenberg, auteur du livre Über Physiognomonik (Göttingen, 1788).
Hegel reproche à la physiognomonie de chercher la conscience de soi là où elle ne peut pas être, à savoir dans le sensible, dans le corporel, autrement dit, ses manifestations extérieures. Or, il n'y a pas de stricte équivalence nécessaire entre la conscience et ses manifestations :
« Il s'agit certes d'une expression, mais en même temps aussi uniquement en tant que signe, si bien que ce à quoi ressemble ce qui exprime le contenu exprimé est parfaitement indifférent à ce dernier. Certes, dans cette apparition phénoménale, l'intérieur est un Invisible visible, mais sans être rattaché à elle ; il peut tout aussi bien être dans un autre phénomène, qu'un autre intérieur peut être dans le même phénomène. Lichtenberg a donc raison de dire : quand bien même le physiognomoniste mettrait un jour la main sur l'homme, il suffirait à celui-ci d'une seule brave petite décision pour se rendre de nouveau incompréhensible pendant des millénaires. »
— Phénoménologie de l'esprit, Aubier, 1991, trad. Lefebvre, p. 228
Le corps n'est que le signe de l'âme : par conséquent, la manifestation est arbitraire. Il peut renvoyer à tout et à son contraire, ce qui rend impossible tout constitution d'une science s'efforçant de dégager des lois universelles. L'âme n'est pas réductible à ses manifestations corporelles : l'intérieur, c'est-à-dire la conscience de soi, n'est pas et ne sera jamais visible. C'est pourquoi :
un même état de la conscience peut avoir des manifestations diverses : l'intérieur peut tout aussi bien être dans un autre phénomène ;
deux états différents de la conscience peuvent avoir la même manifestation : un autre intérieur peut être dans le même phénomène.
Ce jeu arbitraire entre l'intérieur et son phénomène (c'est-à-dire ce qui en apparaît) interdit la constitution d'une science, dans la mesure où celle-ci essaye au contraire de montrer des corrélations entre chaque état de la conscience et chacun de ses phénomènes. Ces corrélations ne peuvent pas exister, et ce en vertu de la seule nature de la conscience, qui est d'être un phénomène intérieur, qui entretient avec son phénomène une relation indifférente, c'est-à-dire arbitraire.
Euterpe a écrit:La physiognomonie a-t-elle à voir avec la physiologie ?
Schopenhauer et Nietzsche étaient quand même extrêmement, voire anormalement intuitifs, par rapport à la moyenne. Ils ne devaient pas être nombreux, à l'époque, les penseurs qui estimaient devoir introduire les découvertes des sciences naturelles dans la philosophie
Je crois par exemple qu'on pourrait dire à peu près que l'évolution est à Nietzsche ce que l'histoire est à Hegel, celui-ci s'occupant de politique, celui-là de morale ; l'histoire permettant une construction achevée du savoir, l'évolution permettant une déconstruction définitive de la morale.