Comme le dit Heidegger quelque part, l'ignorant ne sait pas qu'il est ignorant et, quand on le lui dit, il est scandalisé de constater que son Moi n'est pas le totem ni le tabou qu'il pensait qu'il était. Comment un "philosophe" peut-il faire comprendre le plus simplement du monde que la part de son ignorance est irréductible, quel que soit son savoir ? Je n'en sais rien. L'ignorance du philosophe lui paraît évidente : elle n'est ni feinte, ni une fantaisie d'intellectuel, elle est constitutive et le met en demeure de s'interroger, d'apprendre et de comprendre, encore et encore.
Mais, chez les jeunes étudiants, on constate qu'à peine ont-ils commencé à découvrir la philosophie, ils veulent faire la leçon. Il y a deux choses, ici. Le "besoin", naturel, légitime, à condition d'être intelligemment mis en branle, de s'exercer à savoir ce qu'on sait vraiment. Les étudiants doivent pouvoir écrire (de manière réglée !) pour organiser ce qu'ils apprennent, pour savoir qu'ils savent et savoir ce qu'ils savent. On peut donc accueillir avec bienveillance le côté naïf et "récitation" de ce qu'ils rédigent. Mais je constate avec désolation que le questionnement n'est guère pratiqué. Leur apprend-on la digestion, la rumination, la patience (savoir souffrir) ?
Dans les forums politiques, presque personne ne cite les auteurs, dans les forums de discussion générale également, mais dans certains forums d'histoire, on cite abondamment tout en discutant. Pourquoi ? Parce qu'en histoire, dès qu'on s'abandonne à ses opinions, on se fait nécessairement rattraper par les autres, qui ne manquent pas de vous citer telle ou telle source, tel ou tel document pour vous corriger. Face à cela, vous ne pouvez pas bluffer, louvoyer, faire le paon : un fait est un fait. Dès lors, même les disputes y prennent des proportions plus raisonnables. Et, quand un demeuré persiste et signe en disant, par exemple qu'Hitler rencontra plusieurs fois Gandhi, et qu'il buvait des concoctions de Bacillus thuringiensis israelensis tous les mercredis à 9h08, un administrateur l'éjecte sans préavis. Dans un forum de philosophie, assez rares sont ceux qui discutent des textes, qui en citent, etc. Non ! il faut absolument foncer tête baissée (fi des références ! - et quand on vous le rappelle, on vous répond ce que jamais on n'oserait répondre à un historien : les références, c'est pour frimer, c'est pour écraser l'autre, etc.). Diable ! Mais si les ignorants étaient aussi savants et doués qu'ils le prétendent, qu'ils nous sortent les références ! Pas pour frimer : par politesse. La raison exige que chacun puisse vérifier par lui-même (autonomie de la raison) si ce qu'on lui dit est fondé. Comme si le seul fait de citer interdisait de s'exprimer, d'exprimer son opinion.
Dernière édition par Euterpe le Jeu 21 Juil 2022 - 9:34, édité 9 fois
Mais, chez les jeunes étudiants, on constate qu'à peine ont-ils commencé à découvrir la philosophie, ils veulent faire la leçon. Il y a deux choses, ici. Le "besoin", naturel, légitime, à condition d'être intelligemment mis en branle, de s'exercer à savoir ce qu'on sait vraiment. Les étudiants doivent pouvoir écrire (de manière réglée !) pour organiser ce qu'ils apprennent, pour savoir qu'ils savent et savoir ce qu'ils savent. On peut donc accueillir avec bienveillance le côté naïf et "récitation" de ce qu'ils rédigent. Mais je constate avec désolation que le questionnement n'est guère pratiqué. Leur apprend-on la digestion, la rumination, la patience (savoir souffrir) ?
Dans les forums politiques, presque personne ne cite les auteurs, dans les forums de discussion générale également, mais dans certains forums d'histoire, on cite abondamment tout en discutant. Pourquoi ? Parce qu'en histoire, dès qu'on s'abandonne à ses opinions, on se fait nécessairement rattraper par les autres, qui ne manquent pas de vous citer telle ou telle source, tel ou tel document pour vous corriger. Face à cela, vous ne pouvez pas bluffer, louvoyer, faire le paon : un fait est un fait. Dès lors, même les disputes y prennent des proportions plus raisonnables. Et, quand un demeuré persiste et signe en disant, par exemple qu'Hitler rencontra plusieurs fois Gandhi, et qu'il buvait des concoctions de Bacillus thuringiensis israelensis tous les mercredis à 9h08, un administrateur l'éjecte sans préavis. Dans un forum de philosophie, assez rares sont ceux qui discutent des textes, qui en citent, etc. Non ! il faut absolument foncer tête baissée (fi des références ! - et quand on vous le rappelle, on vous répond ce que jamais on n'oserait répondre à un historien : les références, c'est pour frimer, c'est pour écraser l'autre, etc.). Diable ! Mais si les ignorants étaient aussi savants et doués qu'ils le prétendent, qu'ils nous sortent les références ! Pas pour frimer : par politesse. La raison exige que chacun puisse vérifier par lui-même (autonomie de la raison) si ce qu'on lui dit est fondé. Comme si le seul fait de citer interdisait de s'exprimer, d'exprimer son opinion.
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