Y a-t-il des droits des animaux ?
Le droit français accorde aujourd’hui aux animaux le statut d’objet, par opposition au statut de personne. C’est-à-dire qu’à l’instar d’un meuble, l’animal peut être la propriété d’une personne. Il bénéficie toutefois d’un régime particulier : la loi cherche à le protéger de tout acte dit de cruauté perpétré à son encontre ; ce ne sera pas le cas avec une armoire. Le droit, sans le dire ouvertement, reconnaît ainsi la qualité d’être "sentients" aux animaux - du moins, à certains animaux ; il reconnaît que l’animal connaît la douleur, entre autres. Néanmoins l’idée qu’un animal puisse être un sujet de droit, au même titre qu’une personne, est loin d’être unanimement admise.
A travers l’idée d’environnement, et toutes les problématiques qui lui ont trait, les êtres humains, forcément au centre (environnement… de qui ?), reconnaissent que leurs ressources soient limitées et que les éléments qui composent leur cadre de vie soient interdépendants, en sorte qu’il n’est pas possible d’affecter un élément de ce cadre sans que cela modifie d’autres éléments. Éradiquer ou chercher à éradiquer une espèce nuisible à certaines cultures peut, par exemple, cela s’est vu, produire des effets souvent inattendus et parfois néfastes eux aussi. Dans la mesure où il tient un rôle qui participe de cet environnement de l’homme, l’animal a une valeur pour les hommes relative à leur qualité de vie, à leur bien-être. Un exemple emblématique serait la disparition des abeilles qui ne tarderait pas à provoquer la disparition de bon nombre de végétaux et l’effondrement de tout un pan de l’environnement. Autant de sinistres conséquences pour les hommes eux-mêmes, leurs technologies étant en l’état incapables de palier à cela.
Ainsi les animaux ont une valeur selon la place qu’ils occupent dans l’environnement des hommes. Cela ne fait pas d’eux des sujets de droit pour autant. L’enjeu que représente la préservation de la flore et de la faune est directement porté sur les hommes, il s’agit finalement de les protéger d’eux-mêmes et de leurs pratiques. La valeur d’un animal dépendra de sa place dans l’écosystème et, dans ce cadre, malgré qu’il soit un être sentient, un animal peut ne représenter strictement aucune valeur dans la mesure où sa disparition n’entraînerait pas ou peu de conséquences pour les hommes. Il faut toutefois noter que notre connaissance des chaînes de causalités liant entre eux les éléments de notre environnement est limitée sinon faible : loin s’en faut que nous sachions prévoir les conséquences de nos actes à une échelle globale. Nous pourrions invoquer un "principe de précaution" voulant que nous ne laissions pas certaines espèces disparaître sans savoir encore précisément les conséquences que leur extinction engendrerait. Pour rappel, l’extinction des espèces est actuellement plus rapide qu’après le cataclysme qui provoqua la disparition des dinosaures.
Voilà ce qui conduit certains théoriciens et idéologues militant pour les droits des animaux à utiliser le néologisme « êtres sentients ». Ils désignent par-là la sensibilité des animaux les rapprochant d'êtres humains en ce sens qu’ils connaissent également la douleur, qu’ils fuient, le plaisir qu’ils recherchent. En somme, il s’agit de reconnaître à l’animal une "valeur intrinsèque". L’expression peut prêter à sourire ; par valeur intrinsèque nous entendons que sa propre existence n’est pas indifférente à l’animal, les événements qui adviennent ne le laissent pas indifférent, il a des intérêts. Cela dit, rien n’oblige les hommes à valoriser cette valeur intrinsèque qu’a l’animal par et pour lui-même. Mais enfin, reconnaître cette valeur n'implique pas non plus de faire des animaux des sujets de droit dans la mesure où ils sont incapables de connaître les notions nécessaires à ces derniers. Un enfant non plus n'en est pas capable, il en est toutefois capable en puissance. Ainsi une condition au statut de personne est la capacité en puissance de comprendre les notions indispensables au sujet de droit, en conséquence de quoi les animaux ne peuvent pas se voir attribuer un tel statut. De plus, faire des animaux des sujets de droit conduirait inévitablement à des absurdités, nous devrions par exemple réparer le préjudice causé par un chien lors de son affrontement avec un renard...
En revanche, les espèces (et non les individus) et certaines puissances naturelles telles les cours d'eau ou les forêts peuvent se voir reconnaître des droits que la loi devra protéger. Bien que cela revienne in fine à formuler des devoirs et reconnaître la responsabilité des hommes, ces puissances naturelles pourraient tout à fait être des personnes morales. Mais ce statut correspondrait en fait, soit à la valeur qu'ils incarnent dans l'environnement des hommes, soit à la valeur qu'ils incarnent par défaut à travers le principe de précaution dont nous parlions plus haut. Néanmoins, est-il possible de reconnaître et de valoriser par l'intermédiaire du droit, la valeur intrinsèque des êtres sentients ?
Pour ma part je pense qu’il faut valoriser cette "valeur intrinsèque". Je pense qu’il est inacceptable que des millions de bêtes naissent vivent et meurent dans des conditions infâmes afin de nourrir des millions de bouches qui pourraient aisément s’en passer. Tuer pour se nourrir ne me pose aucun problème, mais les conditions d’élevage de ces bêtes me rendent malade. Surtout lorsque je pense que la plupart des consommateurs de viande mangent bien plus que de besoin et sont parfaitement indifférents à ce qu’il y a derrière leur steak. J’aimerais que l’on me dise ici si ces "raisonnements" sont erronés en regard du droit et que l’on m’explique pourquoi. J’aimerais également que l’on raisonne sur des aspects peut-être plus philosophiques, relatifs à la valeur de la question elle-même, car se sont opposés à cette réflexion de nombreux individus qui se revendiquent de Nietzsche et qui ont affirmé que cette réflexion n’avait pas même lieu d’exister, qu’elle trahissait la faiblesse de leurs auteurs. J’aimerais comprendre en quoi ces réflexions sont ou ne sont pas dignes d’un philosophe.