Analogique : qu’il s’agisse de « l’attention en égal suspens » on de « l’attention intentionnelle » (sélective) ?
Je ne comprends pas la question.
Quelle relation peut-on faire entre la pensée non discursive et cette perception/mémorisation analogique ?
Il y a tout Proust pour répondre à cette question. Dans l'Enjeu Éthique de la Littérature, j'écrivais que
seul le hasard des rencontres est à même d'établir cette relation, pourtant si essentielle, entre le temps présent mais perdu et donc sans valeur (l'expérience d'une dalle, d'une serviette, d'une madeleine) et le temps passé retrouvé et valorisé et, donc, constitutif d'une connaissance de soi comme sujet métaphysique. Valorisé par quoi, dira-t-on, si la mémoire volontaire ne nous est, en l'occurrence, d'aucun secours ? Eh bien par le hasard d'une autre rencontre, avec ce que Deleuze appelle un "signe". Lorsque le Narrateur, dans Sodome et Gomorrhe, en laçant sa bottine, pense brusquement à sa grand-mère récemment disparue, qu'est-ce qui donne de la valeur à ce banal fait de la vie quotidienne ? C'est le fait qu'un simple objet usuel (une bottine) fasse spontanément surgir à la mémoire du sujet un tel flot de souvenirs qui le replongent dans son propre passé, donc dans son être possible, qui joue le rôle de signe, qui est en fait un signal, mais un signal de circonstance, non biologiquement institué. Ce qui explique que l'être ainsi signifié soit simplement possible. Car si l'attitude éthique doit consister, in fine, à prendre conscience de soi, alors cette connaissance est irrémédiablement suspendue à la fois au hasard des rencontres de la vie quotidienne, à l'improbabilité des rencontres avec les signes et, bien entendu, à la fragilité de l'interprétation subjective de "l'impression, si chétive qu'en semble la matière, si invraisemblable la trace, [comme] critérium de vérité et [qui] à cause de cela mérite seule d'être appréhendée par l'esprit"(Proust, le Temps Retrouvé, 2273) qui s'ensuivra. D'où, quatrième et dernier problème, si, comme c'est le cas pour le Narrateur de la Recherche, nous n'avons accès, dans le meilleur des cas, qu'à une connaissance subjective et aléatoire de nous-même, combien plus improbable doit être cette prise de conscience lorsqu'elle dépend, en plus, d'un hasard supplémentaire, celui de la représentation littéraire de situations contrefactuelles susceptibles de réactiver en nous des souvenirs latents. Eh bien non, nous dit Proust, c'est le contraire qui se produit. Car, pour lui, la raison d'être et donc l'enjeu éthique de l'art en général, c'est justement de concentrer le hasard, d'augmenter la probabilité de telles rencontres.
Je vous invite à lire la suite dans l'article cité ainsi que, sur le même sujet, Éthique, Identité Narrative et Conscience de soi.
Pourquoi ne citez-vous pas les ordinateurs/calculateurs analogiques ? Que peut-on en penser ?
Il n'y a pas d'"ordinateurs analogiques". Pas plus que d'"intelligence artificielle". L'analogie est un processus intelligent, c'est-à-dire non seulement naturel, mais, plus encore, nécessairement biologique en ce qu'il suppose sensibilité perceptive et intériorité à la fois auto-créative et auto-défensive (ce que Varela appelle l'"auto-poïèse"). Ce dont, par définition, sont dépourvues les machines.
Où se situe le mieux notre fil de discussion dans la bibliographie donnée, par exemple, par PhilPapers ?
A votre avis ?