Bonjour Shub22.
Votre article est très riche aussi ne vais-je pas le commenter tout d'un coup mais par petit morceau.
D'abord un coup de chapeau pour l'entreprise intellectuellement courageuse consistant à écrire quelque chose de
philosophique sur la mécanique quantique. Peu s'y sont risqués et l'on comprend pourquoi. Déjà la physique classique n'intéresse plus les philosophes depuis Kant (à quelques exceptions près comme Russell, Bachelard, Canguilhem, Kuhn, Feyerabend, Quine, ...) en raison de sa complexité mathématique croissante. Alors la mécanique quantique (celle dont Einstein disait qu'elle "
est si habilement échafaudée qu'elle permet aux vrais croyants de se reposer sur un oreiller si doux qu'il n'est pas facile de les réveiller", et qu'il qualfifiait volontiers de "religion" !) ...
D'abord, dans votre "remarque générale", vous écrivez :
Quelqu’un a dit que la métaphysique provenait d’une erreur de la langue grecque qui a introduit la première le verbe εινάι qui n’existait pas auparavant. Toute la tension entre être et exister atteint une sorte d’acmé paradoxale avec la mécanique quantique, si l’on considère que exister provient étymologiquement du latin ex-sistere qui signifie « se tenir en dehors ». Nous ex-sistons signifierait étymologiquement du point de vue de la racine linguistique que nous nous tenons en dehors de la terre. Certains linguistes ont pointé le fait que d’autres langues comme le chinois partent d’autres concepts centraux vécus comme essentiellement relationnels, par exemple celui issu de l’adverbe "entre" pour définir non plus les objets par eux-mêmes mais par les relations qu’ils entretiennent
La métaphysique ne provient pas d'une "erreur".
D'abord parce qu'on ne voit pas en quoi ce serait une "erreur" d'introduire le verbe
être, même si, vous avez raison, nombreuses sont les langues qui s'en passent très bien (parmi celles que je connais un peu, le chinois et l'arabe). Ce verbe rend de nombreux services, entre autres (mais pas exclusivement) celui de servir de lien (copule) entre un sujet et son prédicat. Le problème est que, très tôt (dès la période pré-socratique)
- ce verbe a connu le sort de presque tous les termes des langues naturelles, à savoir la
polysémie- il a fait l'objet d'une
hypostase au sens où on est passé du verbe
être au substantif
l'être puis, naturellement, à l'idée que ce substantif devait nécessairement désigner une "chose", enfin (je suis là le raisonnement de Wittgenstein), comme ladite "chose" n'était manifestement pas une "chose" matérielle", il devait être le nom d'une chose
éthérée.
Ensuite parce que la "métaphysique" est le nom que les commentateurs tardifs d'Aristote ont donné à son ouvrage principal, lequel venant après un autre déjà nommé "Physique", l'ont intitulé
méta ta phusika, littéralement "après les choses physiques". Ce terme était donc, à l'origine, synonyme de "philosophie spéculative à la manière d'Aristote" (la préposition
méta prenant alors le sens d'
au-delà de ). Beaucoup plus tard (vers l'époque des Lumières) qualifier un ouvrage de "métaphysique" commença à devenir péjoratif (synonyme d'abscons, par exemple chez Hume). Et, surtout, à partir de Kant, le sens de ce terme fut (à peu près) définitivement fixé en étant attribué à un ouvrage de l'esprit ne se fondant que sur le raisonnement
a priori sans jamais se prévaloir de quelque lien que ce soit avec l'expérience sensible.
Par ailleurs, vous établissez un lien de parenté entre
être et
exister. Il est pertinent de le faire mais pas de la manière dont vous le faites. C'est que le verbe
exister est, tout comme son glorieux ancêtre, victime de sa
polysémie. Or, le sens (étymologique) que vous avancez est celui qui a été popularisé par l'existentialisme (en particulier Heidegger). Comme l'ont développé Frege ou Russell, en épistémologie, ce verbe a la fonction d'un
connecteur existentiel niant le nombre zéro attribué à l'extension d'un concept. Dire, "il existe un
x ", c'est dire que le concept de
x n'est pas vide. Dire "Dieu existe" (ou "il y a un Dieu"), c'est affirmer qu'au moins un
objet satisfait le concept de "Dieu".
Voilà. C'est tout pour aujourd'hui.