Chrome a écrit:BOUDOU a écrit:Votre question aurait pu être "la conscience est-elle un obstacle au bonheur". A ce sujet on peut citer :André Comte-Sponville a écrit:
Traité du désespoir et de la béatitude
la positivité de vivre : la plénitude (plus de manque : le plaisir), la paix (plus d’angoisse : le désespoir), le silence (plus de sens : le réel), l’éternité (plus de temps : le présent), enfin ce que, faute d’un mot suffisant – pour dire l’anatta des bouddhistes –, je désignerai triplement comme la solitude, la grande solitude, à perte d’âme et d’égoïsme (plus de moi : la vérité), l’amour (plus de moi : la joie) et la compassion (plus de moi : la souffrance). Oui, tels sont les biens immortels du sage : la plénitude, la paix, le silence, l’éternité, la solitude, l’amour et la compassion. Soit, en deux mots comme en cent : le désespoir et la béatitude.
Bonjour BOUDOU,
Pourriez-vous s'il-vous-plaît expliciter le passage que j'ai mis en gras ? Car je ne comprends pas la construction des phrases. Plus (au sens d'une addition ?) de manque provoquerait du plaisir ? Pourquoi ? Y-a-t'il un rapport avec la conception freudienne du plaisir (qui proviendrait de la cessation) ?
De la même façon je ne saisis pas les associations formulées pour la paix, le silence, l'égoïsme, l'amour, la compassion...
Selon Comte-Sponville, « La philosophie est une pratique discursive qui procède par des discours et des raisonnements, qui a la vie pour objet, la raison pour moyen, et le bonheur pour but.». Pour CS, il est impossible d'être heureux en espérant. Nous vivons surtout pour ce qui n’existe pas (l’espérance), alors qu’il n’est de salut qu’à renoncer au salut - on ne sort pas de soi, ni de sa société, ni du monde. Le tout est de désespérer du labyrinthe du libre arbitre. On peut se déplacer dans le labyrinthe, mais point en sortir (cf. caractère chimérique de la liberté ontologique). Il faut cesser d'espérer (d’en sortir) le plus possible (désespoir), et plutôt désirer le réel. Platon, Pascal, Schopenhauer, etc. confondent le désir et l'espérance alors qu’il est possible de désirer quelque chose que l'on a. Le bonheur en acte est un bonheur qui, paradoxalement, ne comprend aucun espoir. Autrement dit pour être heureux il faut se contenter de ce que l’on peut avoir, recevoir ou vouloir : la plénitude, la paix, le silence, l’éternité, la solitude, l’amour, la compassion, etc.
Comte Sponville partage le point de vue de Nietzsche sur le libre arbitre : pour Nietzsche c’est seulement dans la création qu’il y a liberté.
Comte-Sponville a écrit:Nietzsche le briseur d’idoles - Le Figaro Culture, 15 octobre 2013
Mes points d'accord avec Nietzsche sont beaucoup plus nombreux que mes points de divergence! Je partage la plupart de ses refus: refus de la transcendance et de l'idéalisme, certes, mais aussi du positivisme, du nihilisme, de la veulerie... J'approuve sa critique du libre arbitre comme celle, qui en découle, de toute morale qui se prétendrait absolue. Je me reconnais dans sa revendication d'une philosophie servant à vivre - et pas seulement à penser - et qui débouche sur une éthique «tragique», «affirmative», «créatrice», sans autre monde que celui-ci, sans autre récompense qu'elle-même. J'essaie comme lui, et parfois avec lui, de penser contre le sujet, de démasquer ses illusions. J'ai souvent les mêmes admirations que lui (Montaigne, Spinoza, Pascal), comme les mêmes adversaires (Platon, Descartes, Kant).