J'ai beaucoup délibéré avec mes habitudes et mes principes, avant de proposer ce sujet. Commenter l'actualité est un exercice plus périlleux qu'il ne semble à beaucoup, et c'est typiquement le genre d'exercice que j'abhorre, tant il montre que nos sociétés démocratiques, toujours la bave aux lèvres, sont de vraies conciergeries. Mais cette fois, personnellement, et à mon propre étonnement, je suis scandalisé (je ne suis pas socialiste, et n'ai jamais eu la moindre sympathie pour DSK, plutôt même de l'antipathie).
Scandalisé par quoi ? me demanderez-vous. Par DSK ? Non. Comme souvent, il n'y a pas d'événement, il n'y a pas de réel, il n'y a pas de factualité qu'on puisse établir. Mais d'abord, deux remarques. Première remarque. Quand Sarkozy, pendant sa campagne présidentielle de 2007, disait vouloir défendre les victimes, qu'on avait souvent tendance à oublier à propos des crimes et délits, je le soutenais. On ne peut nier qu'en France on en vient très vite aux conditions de détention des criminels et autres polissons, soucieux de préserver l'humanitude même de certains barbares. Il fallait rééquilibrer les choses. Mais, concernant DSK, j'y reviendrai plus bas, je trouve scandaleux que la presse ne propose que des images de lui, quand on n'en a pas vu même une seule de son accusatrice. Deuxième remarque. Je n'ai jamais supporté l'anti-américanisme primaire, depuis longtemps inscrit au patrimoine génétique de moult Français. On découvre aujourd'hui pour la énième fois à quel point les Français ne comprennent décidément rien aux mœurs américaines, tant ceux-là mêmes qui disent que filmer un accusé est une banalité aux États-Unis, surtout un personnage public, ne voient pas où est le problème, dans cette affaire.
Venons-en maintenant à DSK. De quoi s'agit-il ? De rien. Nous ne savons rien quant aux faits dont la femme de chambre de Sofitel l'accuse. Rien. Les informations nous sont jetées à la figure à la petite minute, sans distance, sans analyse, sans contexte. Un vomissement, ni plus ni moins. Comme d'habitude, c'est à chacun d'aller piocher les informations en multipliant les sources (les sources ! ceux qui les détiennent, plutôt). Or combien font ce travail ? Lorsqu'on associe ce qu'on peut trouver ici ou là, on tombe des nues. Et puis, on se laisse ranimer par un sentiment de révolte. Mais il faut garder raison. En attendant, un homme vient de subir quelque chose qui disqualifie nos sociétés modernes. Ce qu'il a subi vaut des années de prison : le monde entier l'a vu, sans voir les menottes certes, mais menotté. Qu'a-t-on vu en voyant cela ? Quelque chose qui, d'emblée, irrémédiablement, tue l'information. Comme toujours, non seulement l'image déréalise, mais dispense de s'informer, en raison de son semblant d'évidence. C'est dans le hors-champ qu'une image montre ce qu'elle montre. Ici, le hors-champs est implacable : nous voyons un homme coupable avant d'être jugé, un condamné, un monstre (du verbe montrer, je le rappelle). Cela signifie que ces abrutis de photographes et de journalistes (et qu'ils ne viennent pas dire qu'il faut éviter de généraliser...) ont déshumanisé un homme, qu'ils concourent à ce que des milliards de personnes refusent à un homme son humanité. Avant de poursuivre, je balaie d'un revers de main l'unanimité qui semble prendre forme depuis hier soir, à partir du travail de recoupement qui a commencé, et qui concerne le DSK libidineux et inélégant que d'aucuns nous décrivent. Rien de nouveau, affirmerons certains. Admettons. Dans ce cas, il faut admettre que beaucoup ont la mémoire courte, ou qu'ils sont opportunistes, voire cyniques. Le cynisme comme parangon de la vertu. Voilà où nous embarque la transparence à la Rousseau.
Essayons de construire un semblant d'information. D'abord, on apprend aujourd'hui seulement que, le 28 avril dernier, DSK déjeuna avec un journaliste de Libération, et lui dit qu'il craignait une affaire de ce genre s'il devait faire campagne. Mais la manière de relayer cette information est révélatrice de ce qu'est le journalisme : fi de l'objectivité, fi de la déontologie. Antoine Guiral, puisque c'est de lui qu'il s'agit, déjecte un article dont la facture est toute dans le titre : «Oui, j’aime les femmes, et alors ? » (à noter qu'on trouve l'article dans la rubrique politique, quand il eût fallu le trouver dans la rubrique de la conciergerie). C'eût été tout autre chose, si ce journaliste avait choisi de titrer, par exemple : « Les prémonitions de DSK », « DSK craignait un scandale de ce genre », etc. Du coup, Jean Quatremer, autre journaliste de Libération, revient au devant de la meute, et rappelle certaines de ses remarques de 2007 à propos de DSK, par exemple :
Du coup, venons-en à Mme Mansouret, et plus particulièrement à sa fille, Tristane Banon. Ici, l'affaire est plus grave, dans la mesure où elle semble accabler DSK. Je ne reviendrai pas sur le témoignage de T.B. chez Ardisson. Nous n'avons pas de raison de mettre en doute ce qu'elle et sa mère affirment. Pourtant, un point me paraît troublant. C'est la raison invoquée par M. pour dissuader sa fille de porter plainte. Les explications données sont plus que crédibles. Mais ça ressemble quand même à un dossier incomplet. Incomplet parce qu'il y manque les raisons purement juridiques de cette autocensure. S'il s'agit d'une agression sexuelle, T.B. disposait d'un délai de trois ans pour porter plainte. L'agression dont elle affirme avoir été victime ayant eu lieu en 2002, il y a prescription depuis 2005. Mais T.B. déclare aujourd'hui, par la voix de son avocat, qu'elle hésite à porter plainte. Ne reste alors qu'un seul motif : le viol, puisqu'il lui reste un an pour porter plainte, dans ce cas, la prescription n'intervenant qu'à partir de la dixième année. Curieux. Ça ressemble à une difficulté réelle, celle, autant pour T.B. que pour son avocat, de définir exactement ce qu'elle a subi, autrement dit d'en établir la nature juridique pour savoir si ça tombe sous la loi, et quelle loi.
Cette fois, débarquons à New York. Commençons par le témoignage de la direction de Sofitel.
Mais revenons à ce qui se disait hier dans la presse, qui porte mal son nom, tant elle s'empresse pour tout à propos de tout. Nous entendions, plus qu'à demi-mot, que DSK avait quitté précipitamment l'hôtel, qu'il y avait oublié des affaires, et pas seulement son portable. On apprend officiellement aujourd'hui qu'il n'avait rien oublié. DSK, donc, était en fuite. On apprend aujourd'hui que son billet retour était déjà réservé depuis lurette. On apprend également qu'il a téléphoné à l'hôtel une heure avant de prendre l'avion, pour demander qu'on lui apporte les affaires qu'il pensait avoir oubliées. L'homme semblait beaucoup plus serein que ne le laissait entendre la presse hier. De plus, Sofitel a formellement démenti les propos odieux de Bernard Debré, qui a fait son Jean Quatremer de Libération : des allégations ; aucun fait. Que d'allégations pour un homme dont une foule de concierges, par une anamnèse collective miraculeuse, puisqu'il ne lui aura fallu qu'un jour pour s'en resouvenir, prétend qu'il a toujours été comme ça.
Enfin, qu'un homme qu'on accuse de tels crimes dans un pays dont il connaît parfaitement le système judiciaire, choisisse de plaider non coupable, sachant que ce choix serait un désastre s'il était avéré qu'il est bel et bien coupable, cela devrait inviter à plus de circonspection de la part des journalistes, et à réfléchir.
Les membres du P.S., même quand ils s'expriment sincèrement à ce sujet, auront du mal à cacher longtemps leur satisfaction de disposer d'un événement qui leur permet de décider unilatéralement que le seul candidat du parti qui n'était pas un candidat officiel ou déclaré, mais que les adhérents avaient élu d'avance (c'est dire comme ils se contrefichent des primaires), ne peut pas se présenter aux primaires de l'automne.
On entend dire, aussi efficacement qu'aux grandes heures de la propagande, que DSK est fini. Pour le FMI, c'est vrai que ce sera compliqué, mais on ne l'y appréciait guère, quoiqu'on y reconnaissait volontiers ses compétences. Mais pour sa carrière politique française ? S'il est disculpé, les effets seront exactement les effets inverses de ceux que la presse prophétise. DSK, dès hier, a sans doute trouvé des dizaines, voire des centaines de milliers de citoyens français près à le soutenir, et voteront pour lui s'il est innocenté et s'il se présente.
Concernant les mœurs américaines. Certes, il est banal de filmer un accusé, surtout quand il est célèbre. Certes, la nature psychosociale du rapport qu'entretiennent les Américains avec le genre d'images qui défilent depuis hier n'est pas la même que la nature de notre rapport aux mêmes images. Mais la question n'est pas là. J'ai une très bonne opinion des États-Unis, mais dans le cas qui nous occupe, j'estime que les autorités locales auraient pu et dû considérer que le directeur du FMI est français, et même et surtout européen, pour en tirer cette conséquence qui ne relève que du bon sens, pas d'un diplôme en sciences humaines : interdire à la presse d'être présente sur les lieux, au moins une heure avant que DSK ne sorte du commissariat ; quadriller la zone pour assurer une discrétion qui ne contrevient nullement aux mœurs américaines. Que la procédure judiciaire, aux États-Unis, commence par un travail à charge, ça peut se défendre au moins autant que nos propres habitudes en la matière, mais la précipitation avec laquelle l'affaire a été menée, cela me semble desservir les Américains qui, en de telles circonstances, montrent à quel point ils s'exposent aux bavures. Quand une personne va trouver la police pour en accuser une autre, la moindre des choses, même quand on n'adopte pas un système à la française, voudrait qu'une confrontation contradictoire ait lieu.
Scandalisé par quoi ? me demanderez-vous. Par DSK ? Non. Comme souvent, il n'y a pas d'événement, il n'y a pas de réel, il n'y a pas de factualité qu'on puisse établir. Mais d'abord, deux remarques. Première remarque. Quand Sarkozy, pendant sa campagne présidentielle de 2007, disait vouloir défendre les victimes, qu'on avait souvent tendance à oublier à propos des crimes et délits, je le soutenais. On ne peut nier qu'en France on en vient très vite aux conditions de détention des criminels et autres polissons, soucieux de préserver l'humanitude même de certains barbares. Il fallait rééquilibrer les choses. Mais, concernant DSK, j'y reviendrai plus bas, je trouve scandaleux que la presse ne propose que des images de lui, quand on n'en a pas vu même une seule de son accusatrice. Deuxième remarque. Je n'ai jamais supporté l'anti-américanisme primaire, depuis longtemps inscrit au patrimoine génétique de moult Français. On découvre aujourd'hui pour la énième fois à quel point les Français ne comprennent décidément rien aux mœurs américaines, tant ceux-là mêmes qui disent que filmer un accusé est une banalité aux États-Unis, surtout un personnage public, ne voient pas où est le problème, dans cette affaire.
Venons-en maintenant à DSK. De quoi s'agit-il ? De rien. Nous ne savons rien quant aux faits dont la femme de chambre de Sofitel l'accuse. Rien. Les informations nous sont jetées à la figure à la petite minute, sans distance, sans analyse, sans contexte. Un vomissement, ni plus ni moins. Comme d'habitude, c'est à chacun d'aller piocher les informations en multipliant les sources (les sources ! ceux qui les détiennent, plutôt). Or combien font ce travail ? Lorsqu'on associe ce qu'on peut trouver ici ou là, on tombe des nues. Et puis, on se laisse ranimer par un sentiment de révolte. Mais il faut garder raison. En attendant, un homme vient de subir quelque chose qui disqualifie nos sociétés modernes. Ce qu'il a subi vaut des années de prison : le monde entier l'a vu, sans voir les menottes certes, mais menotté. Qu'a-t-on vu en voyant cela ? Quelque chose qui, d'emblée, irrémédiablement, tue l'information. Comme toujours, non seulement l'image déréalise, mais dispense de s'informer, en raison de son semblant d'évidence. C'est dans le hors-champ qu'une image montre ce qu'elle montre. Ici, le hors-champs est implacable : nous voyons un homme coupable avant d'être jugé, un condamné, un monstre (du verbe montrer, je le rappelle). Cela signifie que ces abrutis de photographes et de journalistes (et qu'ils ne viennent pas dire qu'il faut éviter de généraliser...) ont déshumanisé un homme, qu'ils concourent à ce que des milliards de personnes refusent à un homme son humanité. Avant de poursuivre, je balaie d'un revers de main l'unanimité qui semble prendre forme depuis hier soir, à partir du travail de recoupement qui a commencé, et qui concerne le DSK libidineux et inélégant que d'aucuns nous décrivent. Rien de nouveau, affirmerons certains. Admettons. Dans ce cas, il faut admettre que beaucoup ont la mémoire courte, ou qu'ils sont opportunistes, voire cyniques. Le cynisme comme parangon de la vertu. Voilà où nous embarque la transparence à la Rousseau.
Essayons de construire un semblant d'information. D'abord, on apprend aujourd'hui seulement que, le 28 avril dernier, DSK déjeuna avec un journaliste de Libération, et lui dit qu'il craignait une affaire de ce genre s'il devait faire campagne. Mais la manière de relayer cette information est révélatrice de ce qu'est le journalisme : fi de l'objectivité, fi de la déontologie. Antoine Guiral, puisque c'est de lui qu'il s'agit, déjecte un article dont la facture est toute dans le titre : «Oui, j’aime les femmes, et alors ? » (à noter qu'on trouve l'article dans la rubrique politique, quand il eût fallu le trouver dans la rubrique de la conciergerie). C'eût été tout autre chose, si ce journaliste avait choisi de titrer, par exemple : « Les prémonitions de DSK », « DSK craignait un scandale de ce genre », etc. Du coup, Jean Quatremer, autre journaliste de Libération, revient au devant de la meute, et rappelle certaines de ses remarques de 2007 à propos de DSK, par exemple :
Les faits dont il s'agit dateraient du ministère Jospin, quand DSK était ministre des finances. Sans blague ! J.Q. se dit scandalisé par le silence qui entourait les activités libidineuses de DSK. Que ne dénonçait-il pas, haut et fort, les crimes qu'on faisait retentir à ses oreilles ! Que n'invitait-il pas ses consœurs à faire entendre la Voix de la Justice ! Mais non. On savait sans savoir. Et maintenant, on ne sait pas, mais en sachant.« j'ai pu assister à plusieurs reprises à son comportement à l'égard de certaines femmes qui m'a particulièrement choqué, et je disposais de plusieurs témoignages de consœurs qui avaient fait l'objet de comportements «inappropriés» de DSK. Ce que je n'arrive toujours pas à comprendre, c'est pourquoi personne n'en a parlé avant moi. »
Du coup, venons-en à Mme Mansouret, et plus particulièrement à sa fille, Tristane Banon. Ici, l'affaire est plus grave, dans la mesure où elle semble accabler DSK. Je ne reviendrai pas sur le témoignage de T.B. chez Ardisson. Nous n'avons pas de raison de mettre en doute ce qu'elle et sa mère affirment. Pourtant, un point me paraît troublant. C'est la raison invoquée par M. pour dissuader sa fille de porter plainte. Les explications données sont plus que crédibles. Mais ça ressemble quand même à un dossier incomplet. Incomplet parce qu'il y manque les raisons purement juridiques de cette autocensure. S'il s'agit d'une agression sexuelle, T.B. disposait d'un délai de trois ans pour porter plainte. L'agression dont elle affirme avoir été victime ayant eu lieu en 2002, il y a prescription depuis 2005. Mais T.B. déclare aujourd'hui, par la voix de son avocat, qu'elle hésite à porter plainte. Ne reste alors qu'un seul motif : le viol, puisqu'il lui reste un an pour porter plainte, dans ce cas, la prescription n'intervenant qu'à partir de la dixième année. Curieux. Ça ressemble à une difficulté réelle, celle, autant pour T.B. que pour son avocat, de définir exactement ce qu'elle a subi, autrement dit d'en établir la nature juridique pour savoir si ça tombe sous la loi, et quelle loi.
Cette fois, débarquons à New York. Commençons par le témoignage de la direction de Sofitel.
Aucune différence avec le Yéti surgissant de nulle part dans la montagne tibétaine.Selon la direction de l'hôtel new-yorkais, c'est par un enchaînement de hasards que DSK et la femme de chambre se sont retrouvés face à face.
La femme de chambre et Dominique Strauss-Kahn ne s'étaient jamais rencontrés avant le 14 mai. Selon la direction du Sofitel de New York, DSK devait occuper, pour la nuit du 13 au 14 mai une chambre classique. Ce n'est qu'au dernier moment qu'il a bénéficié d'un surclassement gratuit dans une suite inoccupée. Habituellement, Ophelia, une Ghanéenne de 32 ans, ne faisait pas le ménage à cet étage de l'hôtel. Ce n'est qu'à la suite d'un problème d'effectifs qu'elle a été amenée à s'occuper de la suite 2806 attribuée à DSK.
D'après le récit de la jeune femme, lorsque celle-ci arrive, la porte est entrouverte et, à l'intérieur, un serveur d'étage débarrasse un plateau. Le client est parti, précise-t-il avant de s'en aller. C'est alors qu'un homme nu sortant de la salle de bains l'agresse violemment.
Les responsables de l'hôtel et du groupe Accor affirment que cette employée, mère célibataire d'une adolescente de 15 ans, n'a jamais posé le moindre problème en trois ans de service, ni dans son travail, ni dans ses contacts avec les clients.
Selon la chronologie de l'enquête de la police, à 12h28, DSK règle sa facture par carte à la réception. Un peu plus tard, il appelle l'hôtel pour demander si un portable n'a pas été retrouvé dans la suite. Vérification faite, ni téléphone, ni effets personnels n'ont été oubliés. Cet appel permet à la police de localiser DSK et de l'arrêter à bord de l'avion d'Air France quelques minutes avant le décollage.
Par ailleurs, la direction d'Accor s'incrit en faux contre les accusations répétées du député UMP de Paris, Bernard Debré, qui évoquait des précédents. Si, en 2010, le patron du FMI est descendu à cinq reprises au Sofitel de New York, dont une fois en septembre, une en octobre et une en novembre, aucun incident n'a été signalé.
L'Express. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/affaire-dsk-la-version-du-sofitel_993363.html
Mais revenons à ce qui se disait hier dans la presse, qui porte mal son nom, tant elle s'empresse pour tout à propos de tout. Nous entendions, plus qu'à demi-mot, que DSK avait quitté précipitamment l'hôtel, qu'il y avait oublié des affaires, et pas seulement son portable. On apprend officiellement aujourd'hui qu'il n'avait rien oublié. DSK, donc, était en fuite. On apprend aujourd'hui que son billet retour était déjà réservé depuis lurette. On apprend également qu'il a téléphoné à l'hôtel une heure avant de prendre l'avion, pour demander qu'on lui apporte les affaires qu'il pensait avoir oubliées. L'homme semblait beaucoup plus serein que ne le laissait entendre la presse hier. De plus, Sofitel a formellement démenti les propos odieux de Bernard Debré, qui a fait son Jean Quatremer de Libération : des allégations ; aucun fait. Que d'allégations pour un homme dont une foule de concierges, par une anamnèse collective miraculeuse, puisqu'il ne lui aura fallu qu'un jour pour s'en resouvenir, prétend qu'il a toujours été comme ça.
Enfin, qu'un homme qu'on accuse de tels crimes dans un pays dont il connaît parfaitement le système judiciaire, choisisse de plaider non coupable, sachant que ce choix serait un désastre s'il était avéré qu'il est bel et bien coupable, cela devrait inviter à plus de circonspection de la part des journalistes, et à réfléchir.
Les membres du P.S., même quand ils s'expriment sincèrement à ce sujet, auront du mal à cacher longtemps leur satisfaction de disposer d'un événement qui leur permet de décider unilatéralement que le seul candidat du parti qui n'était pas un candidat officiel ou déclaré, mais que les adhérents avaient élu d'avance (c'est dire comme ils se contrefichent des primaires), ne peut pas se présenter aux primaires de l'automne.
On entend dire, aussi efficacement qu'aux grandes heures de la propagande, que DSK est fini. Pour le FMI, c'est vrai que ce sera compliqué, mais on ne l'y appréciait guère, quoiqu'on y reconnaissait volontiers ses compétences. Mais pour sa carrière politique française ? S'il est disculpé, les effets seront exactement les effets inverses de ceux que la presse prophétise. DSK, dès hier, a sans doute trouvé des dizaines, voire des centaines de milliers de citoyens français près à le soutenir, et voteront pour lui s'il est innocenté et s'il se présente.
Concernant les mœurs américaines. Certes, il est banal de filmer un accusé, surtout quand il est célèbre. Certes, la nature psychosociale du rapport qu'entretiennent les Américains avec le genre d'images qui défilent depuis hier n'est pas la même que la nature de notre rapport aux mêmes images. Mais la question n'est pas là. J'ai une très bonne opinion des États-Unis, mais dans le cas qui nous occupe, j'estime que les autorités locales auraient pu et dû considérer que le directeur du FMI est français, et même et surtout européen, pour en tirer cette conséquence qui ne relève que du bon sens, pas d'un diplôme en sciences humaines : interdire à la presse d'être présente sur les lieux, au moins une heure avant que DSK ne sorte du commissariat ; quadriller la zone pour assurer une discrétion qui ne contrevient nullement aux mœurs américaines. Que la procédure judiciaire, aux États-Unis, commence par un travail à charge, ça peut se défendre au moins autant que nos propres habitudes en la matière, mais la précipitation avec laquelle l'affaire a été menée, cela me semble desservir les Américains qui, en de telles circonstances, montrent à quel point ils s'exposent aux bavures. Quand une personne va trouver la police pour en accuser une autre, la moindre des choses, même quand on n'adopte pas un système à la française, voudrait qu'une confrontation contradictoire ait lieu.