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L'affaire DSK

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J'ai beaucoup délibéré avec mes habitudes et mes principes, avant de proposer ce sujet. Commenter l'actualité est un exercice plus périlleux qu'il ne semble à beaucoup, et c'est typiquement le genre d'exercice que j'abhorre, tant il montre que nos sociétés démocratiques, toujours la bave aux lèvres, sont de vraies conciergeries. Mais cette fois, personnellement, et à mon propre étonnement, je suis scandalisé (je ne suis pas socialiste, et n'ai jamais eu la moindre sympathie pour DSK, plutôt même de l'antipathie).

Scandalisé par quoi ? me demanderez-vous. Par DSK ? Non. Comme souvent, il n'y a pas d'événement, il n'y a pas de réel, il n'y a pas de factualité qu'on puisse établir. Mais d'abord, deux remarques. Première remarque. Quand Sarkozy, pendant sa campagne présidentielle de 2007, disait vouloir défendre les victimes, qu'on avait souvent tendance à oublier à propos des crimes et délits, je le soutenais. On ne peut nier qu'en France on en vient très vite aux conditions de détention des criminels et autres polissons, soucieux de préserver l'humanitude même de certains barbares. Il fallait rééquilibrer les choses. Mais, concernant DSK, j'y reviendrai plus bas, je trouve scandaleux que la presse ne propose que des images de lui, quand on n'en a pas vu même une seule de son accusatrice. Deuxième remarque. Je n'ai jamais supporté l'anti-américanisme primaire, depuis longtemps inscrit au patrimoine génétique de moult Français. On découvre aujourd'hui pour la énième fois à quel point les Français ne comprennent décidément rien aux mœurs américaines, tant ceux-là mêmes qui disent que filmer un accusé est une banalité aux États-Unis, surtout un personnage public, ne voient pas où est le problème, dans cette affaire.

Venons-en maintenant à DSK. De quoi s'agit-il ? De rien. Nous ne savons rien quant aux faits dont la femme de chambre de Sofitel l'accuse. Rien. Les informations nous sont jetées à la figure à la petite minute, sans distance, sans analyse, sans contexte. Un vomissement, ni plus ni moins. Comme d'habitude, c'est à chacun d'aller piocher les informations en multipliant les sources (les sources ! ceux qui les détiennent, plutôt). Or combien font ce travail ? Lorsqu'on associe ce qu'on peut trouver ici ou là, on tombe des nues. Et puis, on se laisse ranimer par un sentiment de révolte. Mais il faut garder raison. En attendant, un homme vient de subir quelque chose qui disqualifie nos sociétés modernes. Ce qu'il a subi vaut des années de prison : le monde entier l'a vu, sans voir les menottes certes, mais menotté. Qu'a-t-on vu en voyant cela ? Quelque chose qui, d'emblée, irrémédiablement, tue l'information. Comme toujours, non seulement l'image déréalise, mais dispense de s'informer, en raison de son semblant d'évidence. C'est dans le hors-champ qu'une image montre ce qu'elle montre. Ici, le hors-champs est implacable : nous voyons un homme coupable avant d'être jugé, un condamné, un monstre (du verbe montrer, je le rappelle). Cela signifie que ces abrutis de photographes et de journalistes (et qu'ils ne viennent pas dire qu'il faut éviter de généraliser...) ont déshumanisé un homme, qu'ils concourent à ce que des milliards de personnes refusent à un homme son humanité. Avant de poursuivre, je balaie d'un revers de main l'unanimité qui semble prendre forme depuis hier soir, à partir du travail de recoupement qui a commencé, et qui concerne le DSK libidineux et inélégant que d'aucuns nous décrivent. Rien de nouveau, affirmerons certains. Admettons. Dans ce cas, il faut admettre que beaucoup ont la mémoire courte, ou qu'ils sont opportunistes, voire cyniques. Le cynisme comme parangon de la vertu. Voilà où nous embarque la transparence à la Rousseau.

Essayons de construire un semblant d'information. D'abord, on apprend aujourd'hui seulement que, le 28 avril dernier, DSK déjeuna avec un journaliste de Libération, et lui dit qu'il craignait une affaire de ce genre s'il devait faire campagne. Mais la manière de relayer cette information est révélatrice de ce qu'est le journalisme : fi de l'objectivité, fi de la déontologie. Antoine Guiral, puisque c'est de lui qu'il s'agit, déjecte un article dont la facture est toute dans le titre : «Oui, j’aime les femmes, et alors ? » (à noter qu'on trouve l'article dans la rubrique politique, quand il eût fallu le trouver dans la rubrique de la conciergerie). C'eût été tout autre chose, si ce journaliste avait choisi de titrer, par exemple : « Les prémonitions de DSK », « DSK craignait un scandale de ce genre », etc. Du coup, Jean Quatremer, autre journaliste de Libération, revient au devant de la meute, et rappelle certaines de ses remarques de 2007 à propos de DSK, par exemple :
« j'ai pu assister à plusieurs reprises à son comportement à l'égard de certaines femmes qui m'a particulièrement choqué, et je disposais de plusieurs témoignages de consœurs qui avaient fait l'objet de comportements «inappropriés» de DSK. Ce que je n'arrive toujours pas à comprendre, c'est pourquoi personne n'en a parlé avant moi. »
Les faits dont il s'agit dateraient du ministère Jospin, quand DSK était ministre des finances. Sans blague ! J.Q. se dit scandalisé par le silence qui entourait les activités libidineuses de DSK. Que ne dénonçait-il pas, haut et fort, les crimes qu'on faisait retentir à ses oreilles ! Que n'invitait-il pas ses consœurs à faire entendre la Voix de la Justice ! Mais non. On savait sans savoir. Et maintenant, on ne sait pas, mais en sachant.

Du coup, venons-en à Mme Mansouret, et plus particulièrement à sa fille, Tristane Banon. Ici, l'affaire est plus grave, dans la mesure où elle semble accabler DSK. Je ne reviendrai pas sur le témoignage de T.B. chez Ardisson. Nous n'avons pas de raison de mettre en doute ce qu'elle et sa mère affirment. Pourtant, un point me paraît troublant. C'est la raison invoquée par M. pour dissuader sa fille de porter plainte. Les explications données sont plus que crédibles. Mais ça ressemble quand même à un dossier incomplet. Incomplet parce qu'il y manque les raisons purement juridiques de cette autocensure. S'il s'agit d'une agression sexuelle, T.B. disposait d'un délai de trois ans pour porter plainte. L'agression dont elle affirme avoir été victime ayant eu lieu en 2002, il y a prescription depuis 2005. Mais T.B. déclare aujourd'hui, par la voix de son avocat, qu'elle hésite à porter plainte. Ne reste alors qu'un seul motif : le viol, puisqu'il lui reste un an pour porter plainte, dans ce cas, la prescription n'intervenant qu'à partir de la dixième année. Curieux. Ça ressemble à une difficulté réelle, celle, autant pour T.B. que pour son avocat, de définir exactement ce qu'elle a subi, autrement dit d'en établir la nature juridique pour savoir si ça tombe sous la loi, et quelle loi.

Cette fois, débarquons à New York. Commençons par le témoignage de la direction de Sofitel.
Selon la direction de l'hôtel new-yorkais, c'est par un enchaînement de hasards que DSK et la femme de chambre se sont retrouvés face à face.

La femme de chambre et Dominique Strauss-Kahn ne s'étaient jamais rencontrés avant le 14 mai. Selon la direction du Sofitel de New York, DSK devait occuper, pour la nuit du 13 au 14 mai une chambre classique. Ce n'est qu'au dernier moment qu'il a bénéficié d'un surclassement gratuit dans une suite inoccupée. Habituellement, Ophelia, une Ghanéenne de 32 ans, ne faisait pas le ménage à cet étage de l'hôtel. Ce n'est qu'à la suite d'un problème d'effectifs qu'elle a été amenée à s'occuper de la suite 2806 attribuée à DSK.

D'après le récit de la jeune femme, lorsque celle-ci arrive, la porte est entrouverte et, à l'intérieur, un serveur d'étage débarrasse un plateau. Le client est parti, précise-t-il avant de s'en aller. C'est alors qu'un homme nu sortant de la salle de bains l'agresse violemment.

Les responsables de l'hôtel et du groupe Accor affirment que cette employée, mère célibataire d'une adolescente de 15 ans, n'a jamais posé le moindre problème en trois ans de service, ni dans son travail, ni dans ses contacts avec les clients.

Selon la chronologie de l'enquête de la police, à 12h28, DSK règle sa facture par carte à la réception. Un peu plus tard, il appelle l'hôtel pour demander si un portable n'a pas été retrouvé dans la suite. Vérification faite, ni téléphone, ni effets personnels n'ont été oubliés. Cet appel permet à la police de localiser DSK et de l'arrêter à bord de l'avion d'Air France quelques minutes avant le décollage.

Par ailleurs, la direction d'Accor s'incrit en faux contre les accusations répétées du député UMP de Paris, Bernard Debré, qui évoquait des précédents. Si, en 2010, le patron du FMI est descendu à cinq reprises au Sofitel de New York, dont une fois en septembre, une en octobre et une en novembre, aucun incident n'a été signalé.

L'Express. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/affaire-dsk-la-version-du-sofitel_993363.html
Aucune différence avec le Yéti surgissant de nulle part dans la montagne tibétaine.

Mais revenons à ce qui se disait hier dans la presse, qui porte mal son nom, tant elle s'empresse pour tout à propos de tout. Nous entendions, plus qu'à demi-mot, que DSK avait quitté précipitamment l'hôtel, qu'il y avait oublié des affaires, et pas seulement son portable. On apprend officiellement aujourd'hui qu'il n'avait rien oublié. DSK, donc, était en fuite. On apprend aujourd'hui que son billet retour était déjà réservé depuis lurette. On apprend également qu'il a téléphoné à l'hôtel une heure avant de prendre l'avion, pour demander qu'on lui apporte les affaires qu'il pensait avoir oubliées. L'homme semblait beaucoup plus serein que ne le laissait entendre la presse hier. De plus, Sofitel a formellement démenti les propos odieux de Bernard Debré, qui a fait son Jean Quatremer de Libération : des allégations ; aucun fait. Que d'allégations pour un homme dont une foule de concierges, par une anamnèse collective miraculeuse, puisqu'il ne lui aura fallu qu'un jour pour s'en resouvenir, prétend qu'il a toujours été comme ça.

Enfin, qu'un homme qu'on accuse de tels crimes dans un pays dont il connaît parfaitement le système judiciaire, choisisse de plaider non coupable, sachant que ce choix serait un désastre s'il était avéré qu'il est bel et bien coupable, cela devrait inviter à plus de circonspection de la part des journalistes, et à réfléchir.

Les membres du P.S., même quand ils s'expriment sincèrement à ce sujet, auront du mal à cacher longtemps leur satisfaction de disposer d'un événement qui leur permet de décider unilatéralement que le seul candidat du parti qui n'était pas un candidat officiel ou déclaré, mais que les adhérents avaient élu d'avance (c'est dire comme ils se contrefichent des primaires), ne peut pas se présenter aux primaires de l'automne.

On entend dire, aussi efficacement qu'aux grandes heures de la propagande, que DSK est fini. Pour le FMI, c'est vrai que ce sera compliqué, mais on ne l'y appréciait guère, quoiqu'on y reconnaissait volontiers ses compétences. Mais pour sa carrière politique française ? S'il est disculpé, les effets seront exactement les effets inverses de ceux que la presse prophétise. DSK, dès hier, a sans doute trouvé des dizaines, voire des centaines de milliers de citoyens français près à le soutenir, et voteront pour lui s'il est innocenté et s'il se présente.

Concernant les mœurs américaines. Certes, il est banal de filmer un accusé, surtout quand il est célèbre. Certes, la nature psychosociale du rapport qu'entretiennent les Américains avec le genre d'images qui défilent depuis hier n'est pas la même que la nature de notre rapport aux mêmes images. Mais la question n'est pas là. J'ai une très bonne opinion des États-Unis, mais dans le cas qui nous occupe, j'estime que les autorités locales auraient pu et dû considérer que le directeur du FMI est français, et même et surtout européen, pour en tirer cette conséquence qui ne relève que du bon sens, pas d'un diplôme en sciences humaines : interdire à la presse d'être présente sur les lieux, au moins une heure avant que DSK ne sorte du commissariat ; quadriller la zone pour assurer une discrétion qui ne contrevient nullement aux mœurs américaines. Que la procédure judiciaire, aux États-Unis, commence par un travail à charge, ça peut se défendre au moins autant que nos propres habitudes en la matière, mais la précipitation avec laquelle l'affaire a été menée, cela me semble desservir les Américains qui, en de telles circonstances, montrent à quel point ils s'exposent aux bavures. Quand une personne va trouver la police pour en accuser une autre, la moindre des choses, même quand on n'adopte pas un système à la française, voudrait qu'une confrontation contradictoire ait lieu.

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Nous en savons un peu plus aujourd'hui sur la victime supposée de DSK.

Rappelons brièvement ce que vous devez déjà vous-mêmes savoir. Nafissatou Diallo est âgée de 32 ans, habite New York, et travaille depuis bientôt trois ans, comme femme de ménage donc, à l'hôtel Sofitel. Originaire du Sénégal ou de Guinée, ça dépend des sources, le français est la langue officielle de ces deux pays (bien que cela ne soit inscrit dans la Constitution du Sénégal que depuis 2001). Ça pourrait avoir de l'importance.

Quelles infos pouvons-nous retenir aujourd'hui ? D'abord celle, discrète, qui n'a été que peu relayée par les grands médias, qu'on trouve par exemple sur le site de Rue89 (http://www.rue89.com/2011/05/16/le-texte-plainte-deposee-contre-strauss-kahn-traduction-204138), qui propose le téléchargement et la traduction du rapport de police révélé par ABCNews. On peut lire en bas de page une correction apportée à 13h24 aujourd'hui : Nafissatou Diallo n'a pas formellement porté plainte, elle est désignée comme "informatrice".

Ensuite, cette double information qu'on trouve dans un article du Figaro (http://www.lefigaro.fr/politique/2011/05/17/01002-20110517ARTFIG00697-sofitel-new-york-etrange-scene-de-crime.php) : « DSK : Sofitel New York, étrange scène de crime ». Renaud Girard, l'auteur de l'article, qui s'est rendu sur place, et qui juge que le personnel de l'hôtel, étrangement, est peu disert, cite un avocat américain, Bradley Simon, lequel affirme que la police américaine pratique systématiquement l'intimidation auprès des témoins dont les déclarations ne permettent pas d'instruire un dossier à charge (je rappelle que la justice américaine instruit à charge d'abord, la défense ayant pour tâche d'apporter elle-même les preuves permettant d'instruire à décharge). Or c'est par hasard qu'il apprend quelque chose d'essentiel concernant cette affaire. Il engage la conversation avec la femme de ménage qui s'occupe de sa chambre, et qui lui dit qu'elle ne connaissait ni le FMI, ni DSK. Elle savait seulement qu'il s'agissait d'un VIP d'origine française. Renaud Girard lui demande comment elle savait cela. Réponse instantanée : « Mais parce que sa photo avait été, dans le local où nous nous changeons, affichée avant sa venue dans l'hôtel ! »

Étrange. En effet, RMC annonçait en début de journée avoir interrogé un ami proche de Nafissatou Diallo (http://www.rmc.fr/editorial/161859/exclusif-la-femme-de-chambre-ne-savait-pas-qui-etait-dsk/), qui prétend « qu'elle ne savait pas qui était le directeur du FMI au moment des faits ». Ce proche a donc menti. Elle savait, pour la bonne raison que l'hôtel avertit à l'avance son personnel de l'arrivée d'un VIP, car les prestations doivent être à la hauteur de la clientèle haut de gamme. Ce mensonge a une importance d'autant plus considérable pour l'affaire que RMC a appris dans le courant de la journée que l'ami proche de Nafissatou Diallo n'est autre que son frère : Blake Diallo, patron d'un café de Harlem. C'est à lui que sa sœur a annoncé en premier qu'elle avait subi une agression sexuelle, voire une tentative de viol. C'est lui, avoue-t-il, qui a incité sa sœur à porter plainte (http://www.rmc.fr/editorial/161962/le-proche-de-la-femme-de-chambre-etait-son-frere/).

Du coup, même s'il fallait accorder un quelconque crédit aux affirmations du New York Post, et dont je n'ai pas besoin de préciser la piètre qualité, selon lesquelles DSK aurait avoué aujourd'hui avoir eu un rapport consenti avec Nafissatou Diallo (à noter que le Nouvel Obs, en relayant l'info, ne pratique en rien du journalisme : http://lemotjuste.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/05/17/dsk-changement-ubuesque-de-la-defense.html ; http://allainjules.com/2011/05/17/dsk-avoue-une-relation-sexuelle-consentie/), ce qui chamboulerait totalement la stratégie de la défense, cela ne changerait pas grand chose quant à la circonspection que suscite l'affaire.

Si les informations ci-dessus sont exactes, on peut, et juridiquement on doit supposer qu'il y a une possible préméditation, de la part de Nafissatou Diallo et de son frère. Pourquoi ? Outre qu'on pouvait lire hier (je ne sais plus où), qu'elle a été affectée au ménage de la suite en raison d'un hasard (absence d'une collègue, me semble-t-il), et qu'habituellement, elle ne s'occupe pas des suites de l'hôtel, cela corrobore la version de la défense, qui affirme que DSK avait réservé son vol aller-retour depuis un moment. En effet, sans cela, comment diable la direction de l'hôtel aurait-elle pu savoir qu'il venait, et agir en conséquence, autrement dit en informant le personnel de sa venue ?

Loin de moi l'idée de prendre parti, et de juger innocent un homme qui est peut-être coupable. Il s'agit de montrer la dissymétrie scandaleuse de l'affaire : nous n'avons d'images que du seul DSK, nous n'en avons aucune de sa victime supposée ou réelle ; les "informations" ne concernent ou ne proviennent que de l'entourage de la victime réelle ou supposée (Sofitel, Blake Diallo, etc.), nous n'en avons aucune en provenance de l'entourage immédiat de DSK ou de DSK lui-même.

Quand on entend le juge Melissa Jackson se prononcer contre une libération, sous quelque forme que ce soit, à quelque condition que ce soit, au seul motif inepte que DSK, se trouvant dans un avion au moment de son arrestation, était susceptible de fuir, tandis qu'elle pouvait, sans même entendre les précisions apportées par la défense, mais en mobilisant son seul Q.I., non seulement supposer que le billet d'avion était réservé, mais qu'un homme en fuite, en principe, ne téléphone pas tranquillement, comme ça, à l'hôtel où il aurait commis un crime, une heure avant de prendre l'avion lui permettant de fuir. Nous ne sommes plus là dans la seule question des procédures. Nous assistons en live à un jugement prononcé sans instruction, sinon celle des procureurs, et un rapport de police qui est le rapport d'une informatrice, mais pas encore d'une plaignante, avec des rapports d'experts d'une omniscience divine au point qu'ils sont capables de déchiffrer plus vite que leur ombre le DSK code de la sexualité, sans compter le lapin sorti du chapeau : les procureurs auraient des informations sur une autre affaire de même nature incriminant le même DSK.

D'avance, pardon pour ma grossièreté, mais ça sent le cul fourré.

Vive l'égalité. Vive la démocratie.

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Tout d'abord, je dois dire que je suis écœuré par cette façon de faire des Américains. Je soupçonne aussi un fort sentiment de haine contre les Français. Si nous nous efforçons de ne pas faire preuve d'anti-américanisme devant des choses qui nous révoltent chez eux, on ne peut pas dire que ce soit réciproque. Quoi qu'il en soit, je suis navré de voir qu'on a pu passer de Mark Twain à ces immondices modernes. Vraiment désolé. Enfin, c'est comme ça. Il n'y a pas qu'aux États-Unis où on en est arrivé là, du reste.

Sur l'affaire elle-même, la procédure américaine me paraît aberrante, complètement étrangère avec ce que je comprenais jusque-là de la justice. Indépendante, elle a néanmoins des moyens colossaux que même un DSK avec son salaire et la fortune de sa femme est très loin de pouvoir égaler. Je me félicite d'habiter en France, où toute la procédure se fait à huis-clos et avec respect pour l'accusé, qui ne doit pas être dégradé par compensation pour la victime, même au-delà de la présomption d'innocence, c'est-à-dire une fois condamné. Ou bien, retournons au far-west, dont je ne crois pas que les Américains soient définitivement sortis. Surtout, l'État français n'est pas autant à charge contre l'accusé. On peut penser, malgré quelques erreurs célèbres, que la police française fait une enquête équitable et recherche effectivement le coupable s'il y a lieu, en gardant une discrétion qui ne l'entraîne pas dans l'obligation de trouver n'importe quelle preuve, voire de les falsifier, pour ne pas perdre la face. Au point où la police en est, elle ne peut plus reculer. Seuls les avocats de DSK pourront l'innocenter, qu'il soit en réalité coupable ou pas. Cela veut dire que si vous n'avez pas les moyens de vous payer des enquêteurs privés, vous être obligés de plaider coupable, surtout vu l'énormité des peines. Que vous soyez un terroriste qui a participé à un attentat ayant entraîné la mort de 3000 personnes ou que vous ayez fait quelques attouchement sexuels, vous encourez la même peine. Sans gradation des peines, comment la justice pourrait-elle garder son pouvoir dissuasif, si ce n'est par l'extrême violence dont elle doit alors faire preuve pour tout délit, même le plus infime ?

Sur le scénario du viol, je suis extrêmement circonspect, étant donné le nombre des contradictions dans les faits qu'on nous révèle jour après jour, des faits qui n'ont bien entendu reçu aucun début d'explication de la part de la police, leur brutalité suffisant à garantir leur véracité. C'est ici qu'on voit à quel point le recul et la réflexion sont indispensables devant tout évènement. Hélas, on ne peut attendre cela d'un monde qui ne veut plus rien attendre, et qui devra pourtant attendre. Dans le temps, la tortue va aussi vite que le lièvre.

Un mot pour finir sur les victimes. Cela rapporte des voix de toucher le cœur humain, certes, mais je ne me soucie pas d'être élu. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de compter sur l'émotion en matière de justice. La justice n'a rien à faire de la pitié, ni pour l'accusé, ni pour la victime. Quand on a aboli la peine de mort, on l'a fait sur la base de principes, de valeurs, d'une idée de l'homme. Qu'est-ce qu'un homme ? Jusqu'où peut-on aller dans la dégradation d'un homme sans se dégrader soi-même et revenir à la bestialité (sans pouvoir retrouver l'innocence de l'animal) ? Il me semble que ce problème se pose aussi avec la mise à mort médiatique de DSK. On nous force à porter un regard de bête. En voyant ces images, on se sent bête tout d'un coup.

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Merci pour ces informations et ces avis, je savais que je trouverais ici l'intelligence qu'il manque à mes connaissances. Je n'ai rien à ajouter, surtout que je n'ai pas pu suivre l'actualité depuis le début de ce scandale. Cependant, sans céder à la tentation de la théorie du complot (que je trouve ridicule au plus haut point), il me semble étrange de voir s'enchaîner ces affaires et événements médiatiques mettant en cause l'homme DSK - photos de la Porsche, arrestation pour ce que l'on croit savoir, et aveux de l'ensemble des journalistes et de la classe politique signalant qu'ils s'apprêtaient de toute façon à sortir ce qu'ils savent sur DSK (sur sa fortune, sa vie sexuelle - on parle de clubs échangistes, etc.). Il est aussi affolant de voir à quel point on brise un homme pour se donner bonne conscience. Le débat politique est devenu l'affaire des moralistes. Enfin, tout semble bon pour évincer ce rival si craint et si lointain. Si ça n'avait pas été par le sexe, on l'aurait pendu pour l'équation qu'il incarne. Il suffit d'entendre les critiques quotidiennes sur sa participation à une politique néo-libérale. Je suppose qu'on l'aurait aussi attaqué sur sa judéité (qui nous aurait mené nécessairement au sionisme et à l'argent). Quoi de mieux pour en faire le diable incarné ?

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Voici un autre cas intéressant, qui montre à quel point les différents organes de presse, quels que soient leur(s) support(s), papier, image, etc., ne communiquent pas entre eux, ce qui ajoute, non seulement au chaos quotidien, mais se retrouve jusque dans des émissions dont l'objectif est de produire des synthèses, ou d'éclaircir un élément important d'un événement rapporté (même quand ces organes appartiennent à la même compagnie, ici France Télévision).

Je disais dans le premier message de ce topic que, malgré la spécificité de la procédure judiciaire américaine, la police et le Tribunal de New York qui ont pris en charge l'affaire auraient pu et dû interdire les caméras ; cela, au nom même de l'égalité démocratique, et peut-être surtout au nom du transcendantalisme de la justice américaine, plus prononcé que chez nous. De ce point de vue, on peut parfaitement retourner l'argument culturel, parce que l'information télévisuelle a faussé cet argument des deux côtés de l'Atlantique. Comme je le disais également, même quand les Français croient réglée la chose en indiquant une différence culturelle, la question n'est pas là. Elle est dans la tyrannie d'un journalisme tout à la fois à l'arrière et à l'avant-garde de l'opinion publique dans ce qu'elle a de plus vil. Or, que des caméras soient légalement installées dans les tribunaux américains montre que la justice américaine s'est pliée à une exigence des compagnies de télévision, renonçant ainsi à sa propre autorité, piégée par l'argument démocratique qui lui avait été soumis (cela éduque le téléspectateur américain, le plus gros consommateur d'émissions télévisées au monde, cela lui donne une culture juridique supérieure à celle d'un français, toutes choses égales par ailleurs). Pourtant, même un homme de loi américain ne peut prétendre être absolument convaincu par le bien-fondé de cet état de fait, même en jugeant qu'il y est désormais habitué depuis plusieurs décennies. En effet, dans l'état de New York, une loi de 1951 interdit les caméras dans les salles d'audience, sauf dérogation ; sauf que les dérogations sont devenues la loi ! Qu'il y ait de bons avocats et de bon procureurs aux États-Unis, c'est un fait, mais où diable sont passés les jurisconsultes ? L'amnésie semble si répandue que même un Antoine Garapon, magistrat et anthropologue du droit, n'y a pas pensé, cédant lui aussi à l'argument culturel.

Je vous propose donc, en suivant le même principe que dans mon premier message, de confronter ce qu'on entend ou ce qu'on voit. Je vous propose cette fois de comparer deux émissions : un reportage diffusé aujourd'hui par France 2, dans l'émission 13h15 le samedi (reportage qui devient très intéressant à partir de la 8e/9e minute environ, soyez très attentifs à partir de là) : http://13h15-le-samedi.france2.fr/?page=accueil&rubrique=reportages&video=manuel_13h15_reportage_1_20110521_220_21052011141317_F2 ; une émission de France Culture, Le Bien commun, présentée précisément par Antoine Garapon : "Regards croisés sur la justice américaine" http://www.franceculture.com/player?p=reecoute-4256007#reecoute-4256007

Bref, je reste ahuri de constater que l'inégalité juridique flagrante entre la supposée victime et DSK, même en sachant qu'il est en liberté surveillée, puisque la caution et les conditions de sa libération constituent un record, ne soit pas au centre du débat. On parle démocratie, on parle culture, etc. : on ne parle pas de la justice, à peine de la procédure (c'est seulement aujourd'hui que, pour ma part, mais peut-être que d'autres ont eu plus de chance que moi, j'ai lu ou entendu que l'instruction du dossier, le premier jour, a été faussée par la rapidité excessive de la tournure des événements. 30 heures seulement pour déférer DSK devant un juge. Presque du flagrant délit (comparution immédiate) ! Je suis d'autant plus ahuri qu'aucun fait n'est établi, puisque l'instruction est en cours. Dans l'émission de Garapon, soyez attentifs au passage où les invités comparent l'affaire à celle de Bernard Madoff, et cherchez l'intrus. Madoff avait subi, dit-on, le même traitement. C'est vrai. Mais, justement, la question n'est pas là. Pour Madoff, il n'y avait pas de suspicion, mais des faits avérés.

Deux remarques, pour finir. Dans l'émission de France Culture, on commet un contresens en affirmant que les Français revendiquent un traitement inégalitaire en faveur de DSK, en raison d'une culture aristocratique. C'est à mon avis parce que les Français sont frappés de l'inégalité en faveur de la victime supposée, qu'ils critiquent actuellement la justice américaine. De plus, les invités commettent à mon avis une erreur d'interprétation de la justice américaine quand ils affirment que les caméras installées dans les tribunaux donnent aux citoyens américains un moyen de contrôle. L'erreur vient d'une interprétation trop politique ou liée à une caractéristique du droit constitutionnel aux États-Unis, caractéristique très enracinée culturellement, c'est vrai : la constitution américaine peut être amendée par le peuple, autrement dit, le peuple est le fondement qui a une antériorité juridique sur la constitution elle-même, puisqu'il en est l'auteur. Bref, l'argument constitutionnaliste, conscient ou pas, me semble hors-sujet, et même anticonstitutionnel, puisque la seule présence des caméras dans les salles d'audience soumet la justice à une dépendance permanente (au pays de l'indépendance...) et la constitution à un amendement permanent. C'est pire qu'un vice de procédure. Je ne m'étends pas sur la redéfinition du jury que cela implique, or le jury, juridiquement, c'est le peuple. A force de placer le peuple un peu n'importe où, on ne sait plus où il est, ni, par conséquent, la démocratie, ce qu'elle est.
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