victor.digiorgi a écrit: Le déboulonnage ne porte pas que sur le mensonge de Sartre se posant comme résistant face à l'histoire alors que non seulement il n'a jamais résisté, mais qu'il a eu des amitiés certaines avec le régime de Vichy.
Ce qui est tout à fait intéressant en tant que Sartre a vécu les différents stades d'existence qu'il définit dans son existentialisme. Ainsi, il aurait aussi connu, comme les autres, plus que tout autre, la mauvaise foi et aurait été un salaud, avant d'expérimenter l'autre face de l'humanité, celle de l'engagement et de la responsabilité morale à l'égard de l'humanité.
victor.digiorgi a écrit: Il porte aussi, et surtout, sur une vision sartrienne indiquant clairement que la fin (le bonheur pour tous, mais pour plus tard) justifie les moyens (tuons aujourd'hui tous ceux qui se mettent sur la route menant au bonheur pour tous et pour plus tard - même si une foule d'innocents sont tués dans le mouvement).
Vous remarquerez que cela n'est pas spécifiquement sartrien et je ne sais pas si l'on trouve une telle formule ("la fin justifie les moyens") et une telle apologie de la violence dans les écrits de Sartre. Par contre, cette vision correspond très certainement à un certain communisme totalitaire confisquant la révolution aux prolétaires et à l'engagement politique de Sartre en tant qu'intellectuel, c'est-à-dire en tant qu'autorité prétendant parler pour tous et détenir la vérité, de la même manière que le Parti s'érige au détriment des masses afin de les guider.
victor.digiorgi a écrit: D'après Onfray, Camus doit être respecté, car il pense et agit en philosophe intègre s'appuyant sur une éthique excluant toute mise à mort quelle qu'en soit les raisons (sauf dans ses colères ponctuelles de la fin de la guerre, au demeurant), et s'oppose en cela à Sartre, qui ne voit pas d'inconvénient à ce que les communistes du bloc de l'Est agissent en criminels dans leurs propres pays et dans les pays où ils exercent leur influence, notamment en Algérie.
Camus est-il à ce point haï ? Je ne le crois pas, c'est même Sartre aujourd'hui, du moins en France, qui est détesté parce qu'on lui reproche son soutien au communisme durant la Guerre froide. Camus est devenu une superstar, il y a même eu une polémique il y a quelques années pour savoir s'il fallait transférer ce qui reste de sa dépouille au Panthéon au côté des plus grands.
victor.digiorgi a écrit: Sartre met par ailleurs Camus à mort intellectuellement en usant de moyens malhonnêtes destinés à avoir raison face à lui quelles qu'en soient les causes en jeu et leurs conséquences.
C'est possible et certainement indigne de Sartre. Mais je ne crois pas qu'il ait eu besoin de ces moyens-là pour mettre "à mort intellectuellement" Camus. Ce dernier n'était pas un grand philosophe.
victor.digiorgi a écrit: Notons en passant qu'il est impossible de trouver chez Onfray une seule affirmation basée sur autre chose que des faits vérifiables ou des preuves incontestables.
Très bien, mais pourquoi faire comme s'il était le seul à détenir cette vérité, connue depuis longtemps, et faire comme si elle était volontairement étouffée ? Pourquoi adopter cette posture faussement subversive et pseudo-prophétique ? Pour vendre plus de livres ?
victor.digiorgi a écrit: Le centre de l'ouvrage d'Onfray comprend un livret de photos montrant la barbarie et les horreurs que Camus dénonçait dans un système philosophique sans faille, mais qui ne gênait pas le Sartre du mensonge communiste et des pensées fumeuses de « L'être et le néant », que plus personne ne lit aujourd'hui, alors que « L'étranger », « Le mythe de Sisyphe » et « L'homme révolté » continue de se vendre en millions d'exemplaires dans le monde du peuple et des philosophes attirés par la droiture de l'éthique camusienne.
Sartre est en train d'être redécouvert en ce moment, de la même manière que Marx, une fois que l'on fait le tri entre ce qui est toujours pertinent philosophiquement et ce qu'il y a à critiquer et condamner.
victor.digiorgi a écrit: J'avancerais bien une explication, mais je ne suis pas sûr qu'elle plairait, et de plus je ne sais pas si elle est vraiment fondée. Je laisserais donc la parole à Onfray disant qu'en s'attaquant au milieu universitaire, il ne se fait pas des amis parmi les professeurs et les étudiants, surtout chez ceux qui risquent de ne jamais vendre autant de livres que lui dans le monde et qui tombent peut-être dans le piège du ressentiment provoqué par une envie dépourvue de noblesse.
L'université a beaucoup de défauts, mais ce n'est pas une grande preuve d'originalité que de la critiquer en reprenant les propos et l'attitude de Schopenhauer contre l'hégélianisme alors même que ce dernier mouvement philosophique n'existe plus ou est loin d'être dominant aujourd'hui. On enseigne même énormément les philosophies de Nietzsche, Foucault, Deleuze, Derrida, etc. Ce sont eux les nouveaux maîtres de nos pensées. Et puis que vaut la critique de l'université quand on ouvre soi-même une université populaire toute dédiée à la gloire de sa propre personne ? N'est-ce pas aussi une manière d'utiliser un prétendu savoir pour asseoir son autorité ? N'y a-t-il pas là aussi des rapports de pouvoir ? Ce n'est pas non plus très glorieux de virer Raphaël Enthoven de son école parce qu'il a eu l'audace de faire un cours sur Platon. Enfin, pensez-vous que vendre des livres soit particulièrement estimable ? Est-ce que cela fait la qualité d'un homme ? Est-ce que cela fait une pensée ?
victor.digiorgi a écrit: J'ajouterais pour ma part que, étant Nord-Américain, mon filtre culturel me pousse à ne pas comprendre la fureur qui prend si souvent les intellectuels français (Onfray compris) et les poussent si facilement à s'entre-déchirer comme ils le font parfois avec si peu de retenue.
C'est l'exception française.
Il vous faut faire des recherches sur ce qu'est l'intellectuel et sur son rapport à la société. Voyez par exemple tout ce qui concerne la fameuse affaire Dreyfus.