Neopilina a écrit: En psychiatrie, quelqu'un de normal, c'est seulement quelqu'un qui n'a pas encore pété les plombs.
Péter les plombs, c'est-à-dire ?
Neopilina a écrit: La normalité est un leurre culturel. Rassurant. C'est un Cadre, il est socialement convenu que ce qui y rentre est normal, et que ce qui n'y rentre pas ne l'est pas. Par exemple, il est évident que le cannibalisme des Papous est moins grave que la pédophilie, ou encore la sodomie dans certains cas, notamment chez les hétérosexuels.
Je vous propose clairement, dans l'intérêt de ce débat, d'oublier cette fiction.
Que la normalité soit une fiction, c'est
ce qui se déduit facilement des propos que nous avons tenus quand il s'agissait de la comparer à la folie. Je le répète, et pour être entendu cette fois : il n'y a de monstres que chez les hommes. Le problème, c'est que si la normalité est une fiction, il faut s'accorder sur ceci que la monstruosité en est une autre. Et elle ne peut pas ne pas l'être pour la bonne raison qu'elle n'est jamais établie ailleurs qu'au regard de valeurs collectives. Nous trouvons monstrueux ce que d'autres trouvent normal et réciproquement. Ce n'est pas du relativisme que de dire cela, c'est dresser une constatation sans juger que, puisque c'est comme ça, alors tout se vaut. Si tel était le cas, alors oui, ce serait du relativisme.
Le relativisme et la fiction étant repoussés, que reste-t-il ? Des faits. Il reste des faits. Alors à quoi peut-on les rapporter, ces faits ? A des valeurs. Les valeurs ne discutent pas entre elles, elles se combattent, ou font la trêve, ou s'ignorent, ou cherchent des arrangements. Le Norvégien estime combattre des valeurs au nom des siennes. Perçoit-il correctement les valeurs qu'il combat ? Certainement pas, vu le carnage. Perçoit-il correctement les valeurs auxquelles il adhère ? Non plus, puisqu'il a l'air de ne pas se distinguer correctement des valeurs auxquelles il pourrait adhérer sans se croire obligé de les exécuter à la lettre. Des gens comme lui, on en trouve partout. Rien ne les distingue des autres.
Comment repérer le problème, dans ce cas, et où ? Pas d'abord dans la psychologie du personnage, mais dans celle du militantisme politique moderne ; dans la logique des partis, c'est-à-dire de la confection et de la mise en œuvre des idées et des idéologies ; dans toutes les formes de corporatisme se donnant l'existence à l'image de ces partis et les conduites collectives induites ; dans le déséquilibre permanent qui constitue le rapport entre individu et collectivité aujourd'hui, couple inséparable mais en conflit permanent. Ce couple est la machine à produire du psychopathe et du sociopathe à grande échelle.
Qu'est-ce qui distingue le plus nettement un psychopathe de quelqu'un qui ne l'est pas ? Ses fantasmes. Le psychopathe n'en a pas, il est incapable d'en produire. On en trouve des dizaines de milliers aujourd'hui, sauf que la plupart des gens ne sont pas des criminels, alors on se fait croire que le psychopathe se reconnaît au criminel. Dans toutes les familles de France et de Navarre, on trouve des personnes qui, incapables de produire du fantasme à propos de choses et d'autres, s'entredéchirent leur vie durant. C'est moins spectaculaire que ce qui s'est produit en Norvège, mais ça fait tout aussi mal sinon plus, et personne ne le sait, ni ne relaie l'information. C'est le quotidien. La masse s'en moque comme de l'an 40. Ce qu'il lui faut, c'est du spectacle, quelque chose qui puisse tout à la fois l'émouvoir et la divertir, jusqu'à la prochaine émotion et le prochain divertissement. Nous sommes trop prompts à indexer les monstres que la conciergerie journalistique met en scène, et parfaitement indifférents aux monstruosités qui se commettent chaque jour mais qui n'intéressent aucun scénographe ni aucun metteur en scène.
Je reviens donc à la charge, ce n'est pas avec la morale qu'on peut juger l'affaire : la morale est le problème ; juger psychologiquement l'homme c'est prétendre soigner un cancer du colon en ablatant le colon et en laissant le cancer.
Au moins, le Norvégien prend ses responsabilités en acceptant la perpétuité. Il a donc encore une longueur d'avance sur ceux qui le jugent.
Qui (re)lira la préface d'Hugo à son
Ruy Blas aura de quoi méditer ce fait divers et tant d'autres.
Neopilina a écrit: Un prisonnier de guerre est "rendu à la vie civile", s'il n'est pas soupçonné de crimes.
Il est donc rendu à la vie civile, la plupart du temps.