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L'homme est-il dépendant de la technique ?

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Liber
Desassocega
6 participants

descriptionL'homme est-il dépendant de la technique ? - Page 2 EmptyRe: L'homme est-il dépendant de la technique ?

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Aristippe de cyrène a écrit:
Liber a écrit:
Je ne me souviens pas. Que dit-il ?

Ce préjugé que Spinoza nomme finaliste , consiste dans le fait que l’homme voit en la nature une force au service de l’homme et qui est supposée être là spécialement pour lui. Mais Spinoza juge ce préjugé normal (par cela il entend inévitable), car natif...

Ah oui, bon ça n'a pas grand chose à voir avec la hache qu'on aiguise pour qu'elle coupe mieux. Je fais peut-être erreur, mais à mon avis, les outils ont été inventés par l'homme pour répondre à des besoins, par exemple comment tuer à distance. On pouvait bien sûr utiliser des stratégies, la ruse est du reste un des meilleurs aiguillons de l'imagination. Cela différencie profondément la technique de l'art ou de la science, en en faisant une activité intéressée. Comparons les recherches d'Einstein à celles de l'ingénieur qu'était Léonard de Vinci. Bien entendu, la comparaison sera vite faussée par l’extraordinaire beauté des dessins de Léonard ainsi que leur usage dans ses peintures, mais cela vaut pour les ingénieurs en général.

Concernant la dépendance à la technique, il y a quelque chose qui nous rapproche de l'époque préhistorique, c'est le dessin. Que ce soit aujourd'hui ou il y a 20 000 ans, pour dessiner un buffle, il fallait l'observer attentivement pour lui-même. Valéry dans Degas, danse, dessin, je crois, décrit très bien comment le dessinateur voit l'objet qu'il dessine de façon entièrement nouvelle.

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Une question que je me pose est la suivante : admettons que la technique soit devenue totalitaire (ou englobante, si l'on veut), en quoi cela la rend-il mauvaise pour autant ?

D'une certaine manière, on oppose la technique, comme artifice dégradant, à la nature. L'homme, devenu mauvais, aurait perverti la nature (perdue, devenue un idéal réfugié dans un passé mythique), et la sienne en même temps. La technique serait mauvaise parce qu'elle détruit la nature, et ce faisant, elle détruirait l'homme en le privant de sa liberté (alors que l'on pourrait dire que c'est prétendre à la liberté qui nous détruit). Mais, comme on pourrait le penser avec Clément Rosset, c'est toujours supposer l'existence d'une nature, que ce soit un ordre en soi, vierge de l'intervention humaine, voire une essence de l'homme, toujours liée à l'idée de liberté.

Les choses ne seraient-elles pas différentes si l'on en venait à supprimer l'idée de nature et à la remplacer par celle d'artifice ?

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Parler de la technique comme de quelque chose qui serait "mauvais" ça me dérange. C'est soit présupposer qu'elle a une "intentionnalité", alors même que le système technicien (plus que la technique d'ailleurs) ne vise rien d'autre que lui-même, soit prétendre qu'il ne répond pas correctement à sa fin, qu'il est défectueux, or ce n'est pas le cas, c'est précisément parce qu'il fonctionne "trop" bien, qu'il est problématique.

Je ne vois pas bien où vous mène ce remplacement de l'idée de nature par celle d'artifice. En effet, ça n'en rend pas moins la logique du système technicien problématique (plutôt que "mauvaise"), puisqu'elle repose sur la libération du mouvement pour le mouvement, pour reprendre ce qu'en dit Heidegger, donc sur un principe illimité, qui est forcément amené à buter sur la limitation du donné.

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Intemporelle a écrit:
Je ne vois pas bien où vous mène ce remplacement de l'idée de nature par celle d'artifice.

Moi de même, mais Silentio n'a-t-il pas commis un lapsus ?

Silentio a écrit:
D'une certaine manière, on oppose la technique, comme artifice dégradant, à la nature.
Sinon, il y a aussi la nature qui se détruit elle-même. Alors de quelle nature parlons-nous ? Ne serait-ce pas plutôt l'idée d'une nature comme paradis originel et qui n'aurait rien à voir avec celle qui nous entoure ?

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Non, je n'ai pas commis de lapsus. Mais je peux ne pas être clair, je viens à peine d'envisager la chose.

Mon idée est la suivante : on oppose la technique à la nature. Elle serait donc non-naturelle. Moralement, mauvaise.

Or l'idée de nature ne tenant pas (bien entendu il faudrait le démontrer), on ne peut y opposer la technique. Voire, la nature elle-même n'est qu'artifice, et la technique ne s'y oppose pas.

Autre chose : quand on parle de nature, on parle aussi de nature humaine. On critique le système technicien parce qu'il briderait l'homme. La nature et l'homme sont originellement bons, mais la technique les détériore, les dénature. On construit un système artificiel, contre-nature, qui superpose le déterminisme au règne de la liberté.

Or il n'y a pas plus de nature humaine que de nature tout court (c'est-à-dire un ordre des choses antérieur à la pensée) et, finalement, pas plus de liberté que d'essence humaine à protéger (laquelle est justement corrélative de cette supposée liberté).

Quant à ce qu'il faut en conclure, je ne sais pas. On pourrait "naturaliser" (bien entendu le terme prête ici à confusion) la technique si tout n'est qu'artifice, avec une conséquence morale : la technique n'est pas mauvaise en soi, ne dénaturant rien qui soit nature, ne privant d'aucune liberté des êtres qui ne sont de toute façon pas libres. Si elle dénature, c'est simplement comme un ordre de réalité supplémentaire qui participe du réel, lequel n'est que devenir et transformation. L'homme, par elle, évolue, ce qui va dans le sens de sa "nature" (c'est-à-dire l'absence de nature, une grande plasticité au regard de l'histoire, plasticité dont la mise en forme ne dépend que de certaines circonstances).

Cependant, on peut aussi penser que le système technicien incarne et réalise l'hubris de l'homme qui se prétend libre et pâtit de son désir de toute-puissance en produisant... une nature, c'est-à-dire un ordre qui rationalise le réel, mettant en forme le chaos, planifiant le hasard, et s'enfermant dans un système qui nous entrave encore plus, nous nuit plus pernicieusement encore, etc. Cela suppose peut-être de pouvoir distinguer bonne et mauvaise technique. Tekhne et poiesis ?
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