Nabuchodonosor a écrit: En fait, je trouve ce passage ambiguë car il me semble que Kant fait porter l'absurdité sur le fait que le phénomène ne peut apparaître sans "être l'apparaître de quelque chose d'autre " ,
c'est à dire de la chose en soi qui, on est d'accord, est un a priori. Or ce qui est absurde, c'est bien de dire "il y a de l'apparaître qui n’apparaît pas" ou pour le dire autrement, "il y a quelque chose dans ma tête qui n'est rien dans ma tête".
C'est le "rien" de la citation qui m'embrouille...
[B XXVI] Cependant, et il faut bien le remarquer, cette réserve est toujours à faire, que bien que nous ne connaissions pas ces objets comme chose en soi, du moins devons-nous pouvoir les penser*. Autrement, en effet, il en résulterait cette proposition absurde, qu'il y aurait [B XXVII] un phénomène sans rien qui apparaisse
Le "rien" renvoie-t-il à une supposée chose en soi, qui cause le phénomène car ce dernier ne pourrait apparaître "sans raison" (mais je ne trouve pas qu'il y a là absurdité, il y a les hallucinations par exemple) ou bien le "rien" renvoie seulement à ce qui est dans ma tête, et dans ce cas je comprend bien en quoi c'est absurde.
Voila, désolé si mes questions trouvent en fait des réponses évidentes.
Pas si évident la "chose en soi" quand on voit les multiples questions que cela soulève. Je voudrais en tout cas faire remarquer que ce concept Kantien (qui est ne l'oublions pas un idéaliste) ne correspond pas à l'
a priori : il faut ici se référer chez lui à la notion de jugement.
Alors un petit rappel : Kant répartit les jugements en deux types : les jugements empiriques ou
a posteriori et les jugements
a priori formulés avant toute expérience. Les jugements empiriques dépendent de la perception des sens, alors que les jugements
a priori sont valides par essence et ne sont pas fondés sur une telle perception. La différence entre ces deux types de jugements peut être illustrée par la proposition empirique : "la maison est noire" et la proposition
a priori : "deux plus deux égale quatre" (opération mathématique qui n'a rien d'une
chose en soi, puisqu'accessible à notre faculté de "juger").
Kant soutient qu’il est possible de faire des jugements synthétiques
a priori, car c’est déjà sur un mode empirique que l’on saisit par intuition des phénomènes : l’espace et le temps sont chez lui des "formes
a priori de l’intuition", modes selon lesquels l’esprit appréhende ce qui est pour lui phénomène (contrairement à la "chose en soi" qui est inaccessible à l'entendement car ce dernier est toujours allié à la sensibilité).
Quant à Schopenhauer, sa "chose en soi" est très "artistique" et n'a plus rien à voir avec celle de Kant qui, pour dire qu'elle est "inaccessible" à nos sens, se place dans le champ de l'entendement pur, mais retrouve néanmoins la volonté comme liberté dans le champ de la Raison Pratique.
Liber a écrit: Soyons lucides. Kant a voulu préserver la chose en soi pour garder bien au chaud l'existence d'un être supra-sensible, objet de notre foi et espérance d'une vie future après notre mort. Schopenhauer n'avait que faire de Dieu, de l'âme, qui pour lui ne sont que des préjugés chrétiens. Il n'avait aucun espoir. La vie n'était qu'un "pendule qui oscille entre la souffrance et l'ennui". Alors pourquoi l'un (Schopenhauer) cherche à connaître la chose en soi alors que l'autre (Kant) nous la présente comme à jamais inconnaissable ? Contradictoire, en apparence. Schopenhauer cherche à apaiser la souffrance que la volonté nous impose à travers les désirs incessants qui nous aiguillonnent, Kant cherche au contraire à garder intact notre désir de la chose en soi, c'est-à-dire de Dieu. Bouddhisme et christianisme.
Je pense qu'il ne faut pas faire de tels amalgames entre foi en dieu au sens métaphysique du terme, et foi en dieu au sens religieux : nombreux sont les philosophes athées (au regard de la religion révélée qui parle de "vie future après notre mort") et qui pourtant expriment une foi en un Dieu métaphysique où il n'est pas du tout question de résurrection.