En tout cas, j'ai beaucoup plus d'estime aujourd'hui pour les sophistes classiques. J'aimerais lire ce qu'en fait Lyotard, mais il me semble qu'il y a une certaine sagesse chez Gorgias, si ce n'est de l'ironie.
Je me souviens avoir lu chez Jacqueline de Romilly une distinction intéressante : elle disait, je crois, que le personnage de Calliclès chez Platon n'était pas un professeur. Non, Calliclès semble plus vraisemblablement proche du bourgeois moqué dans les satires sociales du XIXe siècle, c'est-à-dire quelqu'un qui a écouté des cours des sophistes, en a retenu ce qu'il voulait bien entendre, et se paie de bons mots, histoire de convaincre les autres d'aller dans son sens et de se jeter des fleurs. En même temps, le risque de détournement de la rhétorique à des fins personnelles, en tout cas en vue de convaincre et d'obtenir du pouvoir, cela finalement apparaît aussi clairement comme le risque du discours philosophique. L'histoire en témoigne. Après tout, si le philosophe est un type de sophiste parmi d'autres, c'est que son art est avant tout celui du discours, ce qui ne va pas sans stratégie ou fabulation, me semble-t-il, puisque cela reste un genre littéraire. Peut-être que le problème du philosophe, c'est de croire à ce qu'il énonce et de ne pas maîtriser suffisamment la sophistique, du moins de ne pas être conscient que le sens qu'il crée dépend de lui et n'indique pas l'existence extra-linguistique des entités abstraites qu'il croit mettre au jour.
Je me souviens avoir lu chez Jacqueline de Romilly une distinction intéressante : elle disait, je crois, que le personnage de Calliclès chez Platon n'était pas un professeur. Non, Calliclès semble plus vraisemblablement proche du bourgeois moqué dans les satires sociales du XIXe siècle, c'est-à-dire quelqu'un qui a écouté des cours des sophistes, en a retenu ce qu'il voulait bien entendre, et se paie de bons mots, histoire de convaincre les autres d'aller dans son sens et de se jeter des fleurs. En même temps, le risque de détournement de la rhétorique à des fins personnelles, en tout cas en vue de convaincre et d'obtenir du pouvoir, cela finalement apparaît aussi clairement comme le risque du discours philosophique. L'histoire en témoigne. Après tout, si le philosophe est un type de sophiste parmi d'autres, c'est que son art est avant tout celui du discours, ce qui ne va pas sans stratégie ou fabulation, me semble-t-il, puisque cela reste un genre littéraire. Peut-être que le problème du philosophe, c'est de croire à ce qu'il énonce et de ne pas maîtriser suffisamment la sophistique, du moins de ne pas être conscient que le sens qu'il crée dépend de lui et n'indique pas l'existence extra-linguistique des entités abstraites qu'il croit mettre au jour.