le Dasein ne pouvant être un sujet isolé puisqu'il est toujours "dans le monde"
Le dasein est moins "dans le monde" que "au monde", toujours déjà jeté en avant, ex-posé, en pro-jet (cf. la terminologie qu'utilise Heidegger : Geworfenheit, In-der-Welt-Sein)
Il n'y a rien de radical là-dedans. Le projet de Heidegger n'a de sens qu'en dehors de la subjectivité. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a aucun lien entre les deux, sur ce point je suis d'accord.Cependant, dire que la pensée de Heidegger est "tout à fait" en dehors de la question de la subjectivité me paraît un peu radical et peu nuancé.
Heidegger part dans son analyse de la question du sujet pour justement y opposer le Dasein.
Le dasein n'est pas opposé au sujet dans ce sens. Le sujet est une manière d'être du dasein. Il y a même une certaine ressemblance entre l'apparition du dasein et celle du sujet dans les Méditations de Descartes. La différence fondamentale est, pourrait-on dire, affaire de positionnement : le sujet tient à distance la chose, l'objet ; le dasein est éclaté et ouvert à la présence des choses (il n'y a pas d'objet chez le dasein, puisque l'objet n'a de sens que pour un sujet).
Et c'est là qu'Heidegger intervient en sortant totalement de la tradition et en expliquant que cette manière de concevoir l'homme est nouvelle. De là il pose le dasein.
Veillons tout de même à ne pas faire de Heidegger une sorte de gros lapin qu'on sort de son chapeau, ni le héros de la pensée qui viendrait corriger toute la tradition philosophique. Le travail de Heidegger est d'une profusion extraordinaire, et sa pensée d'une grande puissance ; aussi peut-on, à mon humble avis, le compter parmi les plus grands penseurs de l'Occident, mais il hérite du travail de certains prédécesseurs : Husserl, bien sûr, mais aussi Nietzsche, et surtout peut-être certains poètes auquel il a prêté une oreille attentive (Hölderlin, Celan, Trakl, Char, etc.).