Dans les débats que nos concitoyens peuvent avoir dans les endroits de rencontre (travail, bistrots, etc.), j’entends souvent un intervenant renvoyer un autre à sa subjectivité. Force est de constater que bien souvent, nos propos sont subjectifs. Comment ne serait-ce pas le cas ? C’est que, nous passons le plus clair de notre temps à penser ou à parler de choses impondérables, immensurables, hors du champ de la science (la politique, la morale, l’art, etc.) Dans ce sens, les propos sur de telles choses seront souvent subjectifs.
Je me pose donc plusieurs questions :
Les sociétés ne se construisent-elles pas, justement, sur des questions subjectives ? Je veux dire par l’adhésion à certains principes en dehors d’une démonstration objective, voire en dépit d’une telle démonstration. Prenons les exemples de la peine de mort, du droit à l’avortement, de l’euthanasie, du génie génétique, etc. Il me semble que les discours sur ces questions ne sont pas des « démonstrations ». Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas nous convaincre. Mais il demeure toujours une part de subjectivité.
Or, nos sociétés débattent de ces questions et font des choix par rapport à celles-ci. L’argument de la subjectivité ne semble donc pas permettre d’éviter un débat ou de le clore.
Allons plus loin : imaginons que l’on puisse démontrer objectivement que la peine de mort est souhaitable. La démonstration de son caractère dissuasif serait établie et on aurait des techniques rendant l’erreur judiciaire impossible. En outre, la peine de mort coûterait moins cher à la société.
Malgré cela, ne continuerions-nous pas à en débattre ?
En outre, il ne serait pas improbable que certaines sociétés fassent toujours le choix de s’opposer à la peine capitale quand bien même son intérêt serait objectivement démontré (on peut, bien évidemment, imaginer le scénario contraire où malgré la preuve objective de son inefficacité, des sociétés fassent le choix de la peine capitale). Tout ceci me conduit à penser qu’en réalité les questions essentielles auxquelles doit faire face l’Humanité sont subjectives (et heureusement ?) et que l'on peut valablement y apporter des réponses qui ne reposent sur aucune vérité absolue.
Il me semble que c’est la différence entre le politique et le scientifique, le politique et la technique, l’animal (englué dans l’utilitaire) et l’homme. La subjectivité serait même ce qui permettrait le débat : si ces questions ne pouvaient dépendre que de réponses objectives, il n’y aurait plus de débat. La science et la technique trancheraient pour nous. Cela serait une dictature de la technique. Ne dit-on pas que l’on n’a jamais établi un théorème par un vote ? Au contraire de cela, un choix politique serait un choix posé par la société et qui ne correspond pas nécessairement au choix optimum du point de vue strictement économique ou technique, il ne serait donc pas dépendant d’une vérité objective. Je m’étonne donc parfois lorsque dans un débat, j’entends quelqu’un prétendre clore la discussion en brandissant l’argument de la subjectivité. Cela me semble presque un pléonasme : en fait, nous ne pouvons débattre que de ce qui est subjectif, le reste étant tranché par la science et la technique. Le recours à des considérations subjectives me semble être le propre des sociétés.
N’avons-nous pas tendance à recourir à l’argument de la subjectivité de manière dévoyée ? Je veux dire qu’alors que c’est en réalité la subjectivité qui permet le débat, nous avons paradoxalement tendance à l’invoquer pour refuser de réfléchir véritablement sur le discours de l’autre : pas la peine d’analyser, de songer, de répondre aux propos de l’autre, puisque ce que me dit l’autre est subjectif, puisque « tout est relatif ». On glisse ainsi vers une forme de « nihilisme facile ». Ce n’est pas parce que des questions ou des propos sont subjectifs qu’ils sont sans valeur, inintéressants, ni qu’ils ne méritent pas un débat. Autrement dit, une fois soulevée la subjectivité d’un propos, on n’a absolument rien dit d’autre tant que l’on n’a pas débattu du propos lui-même, on n'a apporté aucune réponse.
Ainsi, on a beau soulever que les considérations sur les droits humains sont relatives, il n’en reste pas moins que l’on peut débattre en dehors même d’une démonstration objective du bien fondé de la torture, de son utilité potentielle ou de son horreur, essayer de convaincre l’autre ou bien être convaincu par l’autre. On a beau soulever que le caractère inacceptable de tel ou tel niveau de pauvreté, de l’ « anormalité » de certains prix ne sont que des positions de principe, cela n’empêche que l’on peut utilement en débattre, par exemple au travers de questions relatives aux politiques de fixation de certains prix, ou au contraire, de la libéralisation, etc. On a beau soulever que l’aspect vestimentaire est subjectif, il n’en reste pas moins que l’on peut débattre de l’utilité ou de l’inutilité des codes vestimentaires dans les écoles et de ce que cela pourrait induire de positif ou de négatif, etc.
Rien de tout cela ne pourra jamais être objectivement démontré. Mais, qu’à cela ne tienne, il n’est nul besoin d’absolu pour débattre de tout cela. Au contraire, si nous avions accès à l’absolu nous n’en débattrions pas. Ainsi sur un grand nombre de questions, nous confondons le fait que nos propos ne peuvent pas contenir de vérité absolue avec le fait de leur ôter toute valeur, que tous les points de vue s'équivaudraient, que l’autre ne pourrait donc formuler aucune proposition convaincante, ne prétendre à aucune forme de vérité, de sorte que cela rendrait tout débat inutile.
Il me semble donc que même si le constat de la subjectivité de tel ou tel point de vue est valable, ce constat ne constitue pas pour autant un argument valable dans le cadre d’une discussion. Il n’indique pas en quoi un débat serait ou non utile ni ne permet de rejoindre l'autre ou de réfuter ses propos.
Je me pose donc plusieurs questions :
Les sociétés ne se construisent-elles pas, justement, sur des questions subjectives ? Je veux dire par l’adhésion à certains principes en dehors d’une démonstration objective, voire en dépit d’une telle démonstration. Prenons les exemples de la peine de mort, du droit à l’avortement, de l’euthanasie, du génie génétique, etc. Il me semble que les discours sur ces questions ne sont pas des « démonstrations ». Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas nous convaincre. Mais il demeure toujours une part de subjectivité.
Or, nos sociétés débattent de ces questions et font des choix par rapport à celles-ci. L’argument de la subjectivité ne semble donc pas permettre d’éviter un débat ou de le clore.
Allons plus loin : imaginons que l’on puisse démontrer objectivement que la peine de mort est souhaitable. La démonstration de son caractère dissuasif serait établie et on aurait des techniques rendant l’erreur judiciaire impossible. En outre, la peine de mort coûterait moins cher à la société.
Malgré cela, ne continuerions-nous pas à en débattre ?
En outre, il ne serait pas improbable que certaines sociétés fassent toujours le choix de s’opposer à la peine capitale quand bien même son intérêt serait objectivement démontré (on peut, bien évidemment, imaginer le scénario contraire où malgré la preuve objective de son inefficacité, des sociétés fassent le choix de la peine capitale). Tout ceci me conduit à penser qu’en réalité les questions essentielles auxquelles doit faire face l’Humanité sont subjectives (et heureusement ?) et que l'on peut valablement y apporter des réponses qui ne reposent sur aucune vérité absolue.
Il me semble que c’est la différence entre le politique et le scientifique, le politique et la technique, l’animal (englué dans l’utilitaire) et l’homme. La subjectivité serait même ce qui permettrait le débat : si ces questions ne pouvaient dépendre que de réponses objectives, il n’y aurait plus de débat. La science et la technique trancheraient pour nous. Cela serait une dictature de la technique. Ne dit-on pas que l’on n’a jamais établi un théorème par un vote ? Au contraire de cela, un choix politique serait un choix posé par la société et qui ne correspond pas nécessairement au choix optimum du point de vue strictement économique ou technique, il ne serait donc pas dépendant d’une vérité objective. Je m’étonne donc parfois lorsque dans un débat, j’entends quelqu’un prétendre clore la discussion en brandissant l’argument de la subjectivité. Cela me semble presque un pléonasme : en fait, nous ne pouvons débattre que de ce qui est subjectif, le reste étant tranché par la science et la technique. Le recours à des considérations subjectives me semble être le propre des sociétés.
N’avons-nous pas tendance à recourir à l’argument de la subjectivité de manière dévoyée ? Je veux dire qu’alors que c’est en réalité la subjectivité qui permet le débat, nous avons paradoxalement tendance à l’invoquer pour refuser de réfléchir véritablement sur le discours de l’autre : pas la peine d’analyser, de songer, de répondre aux propos de l’autre, puisque ce que me dit l’autre est subjectif, puisque « tout est relatif ». On glisse ainsi vers une forme de « nihilisme facile ». Ce n’est pas parce que des questions ou des propos sont subjectifs qu’ils sont sans valeur, inintéressants, ni qu’ils ne méritent pas un débat. Autrement dit, une fois soulevée la subjectivité d’un propos, on n’a absolument rien dit d’autre tant que l’on n’a pas débattu du propos lui-même, on n'a apporté aucune réponse.
Ainsi, on a beau soulever que les considérations sur les droits humains sont relatives, il n’en reste pas moins que l’on peut débattre en dehors même d’une démonstration objective du bien fondé de la torture, de son utilité potentielle ou de son horreur, essayer de convaincre l’autre ou bien être convaincu par l’autre. On a beau soulever que le caractère inacceptable de tel ou tel niveau de pauvreté, de l’ « anormalité » de certains prix ne sont que des positions de principe, cela n’empêche que l’on peut utilement en débattre, par exemple au travers de questions relatives aux politiques de fixation de certains prix, ou au contraire, de la libéralisation, etc. On a beau soulever que l’aspect vestimentaire est subjectif, il n’en reste pas moins que l’on peut débattre de l’utilité ou de l’inutilité des codes vestimentaires dans les écoles et de ce que cela pourrait induire de positif ou de négatif, etc.
Rien de tout cela ne pourra jamais être objectivement démontré. Mais, qu’à cela ne tienne, il n’est nul besoin d’absolu pour débattre de tout cela. Au contraire, si nous avions accès à l’absolu nous n’en débattrions pas. Ainsi sur un grand nombre de questions, nous confondons le fait que nos propos ne peuvent pas contenir de vérité absolue avec le fait de leur ôter toute valeur, que tous les points de vue s'équivaudraient, que l’autre ne pourrait donc formuler aucune proposition convaincante, ne prétendre à aucune forme de vérité, de sorte que cela rendrait tout débat inutile.
Il me semble donc que même si le constat de la subjectivité de tel ou tel point de vue est valable, ce constat ne constitue pas pour autant un argument valable dans le cadre d’une discussion. Il n’indique pas en quoi un débat serait ou non utile ni ne permet de rejoindre l'autre ou de réfuter ses propos.