Bonjour,
Je cherche à développer une réflexion autour de la notion de nature, la place que l'homme y occupe et réciproquement. Les axes a priori seront historiques, anthropologiques et géographiques.
Au départ de cette réflexion se trouve la dichotomie qu'on présente comme une évidence, où la nature paraît strictement opposée à l'homme. Elle est rapidement dépassée. Et après ? Reste l'être humain, cet animal à part : langage, technique, mythe, politique, bref : culture. C'est également le seul être vivant, à ce que l'on sache, qui s'interroge sur sa place dans le monde et même se fait une conception du monde.
Sur le plan historique, voilà où j'en suis :
- Chez les Grecs, avec Homère et Hésiode, les hommes issus de l'âge d'or sont devenus des "mangeurs de pain", qui ne consomment pas leurs semblables ni ne pratiquent l'inceste, qui cultivent les champs et cuisent leur nourriture, qui sacrifient aux dieux, ont une mémoire et règlent leur vie selon des principes ; à cet égard, l'homme grec se trouve dans l'ordre du monde en quelque sorte coincé entre deux étages, bestial et divin. La principale faute qu'il puisse commettre serait de méconnaître cette place, la démesure par exemple (se prendre pour un dieu). Puis, si cette généralité n'a aucun sens, il conçoit le monde, la nature ou disons la "réalité" comme une apparence trompeuse au fond de laquelle se trouve la vérité des choses, enfouie, cachée (comme chez Pandore, divinement belle au dehors mais essentiellement mauvaise en dedans). Voilà un tableau à grands traits.
La question qui me vient : peut-on parler de "nature" en général chez les Grecs ? Ne risque-t-on pas d'appliquer un schéma contemporain à une époque qui l'ignore, n'ayant rien qui puisse même de loin s'y rapporter ? A ce titre il me semble que cette notion de nature implique en elle-même une formidable mise à distance de tous les éléments du monde, en sorte que nous puissions concevoir tout d'un coup : la nature - ceci pourrait s'expliquer par l'omniprésence de la technique ? -. Or peut-être les Grecs ne conçoivent-ils pas les choses ainsi, en bloc. (Et pourtant chez les latins on trouve des traités sur la "nature" des choses. En ce sens la nature est ce qui s'oppose à l'apparence, on est donc assez loin de la nature comme environnement de l'homme. Comment le sens de cette notion a-t-il glissé ; est-ce même seulement à cela qu'il faut la rapporter ?)
- Dans la Genèse, l'homme se caractérise également par le fait qu'il travaille la terre et mange du pain (après la chute), il ne pratique pas non plus l'inceste et, chose intéressante, il domine sur l'animal. C'est en effet à Adam qu'il revient de nommer les animaux chacun selon son espèce - ce qui n'est pas rien dans une mythologie où la Parole est créatrice - puis il est explicitement dit aux hommes qu'ils régneront sur les animaux. D'ailleurs Dieu commande à Noé de sauver du déluge au moins un couple de chaque espèce. L'homme à la fois commande et est responsable de l'animal.
Ainsi, comme chez les Grecs, l'homme se trouve en quelque sorte coincé entre le bestial et le divin, à la différence toutefois qu'il commande aux animaux par décret divin et que le divin lui-même n'est pas de ce monde. Cette différence me semble importante. En effet les seuls points où le divin fait irruption ici-bas, d'abord sont temporels et non spatiaux, mais surtout se réduisent aux révélations faites aux prophètes et à l'incarnation : Jésus (pour les chrétiens). Pour le reste, la vérité est ailleurs et l'homme, seul en ce monde. Autre chose intéressante : l'homme est coupable de sa déchéance. Chez les Grecs, les hommes sont bien déchus mais non coupables : ce sont les dieux qui le provoquent, notamment la dispute entre Zeus et Prométhée. Par ailleurs, et cela me semble aller ensemble, l'homme dans la religion judéo-chrétienne est libre dans ses choix (sans cette liberté il n'y aura pas culpabilité). Je ne sais toutefois pas comment rapporter ce dernier point en particulier à mon problème, ni même si ça a vraiment un rapport (j'en vois peut-être un lointain dans la culpabilisation de l'être humain pour la destruction d'une nature idéalisée, mais ça s'arrête là).
- Pour l'époque médiévale, je ne dispose d'aucune référence et accueillerait chaudement toute suggestion.
- Puis nous voilà chez les modernes. Je suis perplexe : quelques auteurs ont bien analysé les conceptions qu'on se faisait en philosophie de la nature (par opposition à l'homme, principalement, un homme qui se caractérise par l'usage de la raison, la liberté et l'histoire, contrairement à une nature immobile, répétitive...) mais je ne sais pas concrètement comment les individus, sans aller chercher chez les philosophes, considèrent le monde et s'il leur arrive de penser à "la nature". De là où je viens par exemple, on trouve encore des vieux pour nous parler du temps où la neige bloquait les chemins parfois plusieurs mois et où on avait peur du loup ! Les idées des philosophes me semblent complètement décalées par rapport à cette réalité-là : ces paysans étaient loin de dominer le monde, ils subissent les éléments de plein fouet, travaillent une terre qu'ils chérissent plus que tout et s'en remettent à Dieu quant au salut. Aujourd'hui, bien sûr, ça a changé. Mais donc comment faire la part des choses ?
Je remets les axes anthropologique et géographique à plus tard, c'est déjà conséquent et il y a probablement déjà de nombreuses remarques à faire.
Je cherche à développer une réflexion autour de la notion de nature, la place que l'homme y occupe et réciproquement. Les axes a priori seront historiques, anthropologiques et géographiques.
Au départ de cette réflexion se trouve la dichotomie qu'on présente comme une évidence, où la nature paraît strictement opposée à l'homme. Elle est rapidement dépassée. Et après ? Reste l'être humain, cet animal à part : langage, technique, mythe, politique, bref : culture. C'est également le seul être vivant, à ce que l'on sache, qui s'interroge sur sa place dans le monde et même se fait une conception du monde.
Sur le plan historique, voilà où j'en suis :
- Chez les Grecs, avec Homère et Hésiode, les hommes issus de l'âge d'or sont devenus des "mangeurs de pain", qui ne consomment pas leurs semblables ni ne pratiquent l'inceste, qui cultivent les champs et cuisent leur nourriture, qui sacrifient aux dieux, ont une mémoire et règlent leur vie selon des principes ; à cet égard, l'homme grec se trouve dans l'ordre du monde en quelque sorte coincé entre deux étages, bestial et divin. La principale faute qu'il puisse commettre serait de méconnaître cette place, la démesure par exemple (se prendre pour un dieu). Puis, si cette généralité n'a aucun sens, il conçoit le monde, la nature ou disons la "réalité" comme une apparence trompeuse au fond de laquelle se trouve la vérité des choses, enfouie, cachée (comme chez Pandore, divinement belle au dehors mais essentiellement mauvaise en dedans). Voilà un tableau à grands traits.
La question qui me vient : peut-on parler de "nature" en général chez les Grecs ? Ne risque-t-on pas d'appliquer un schéma contemporain à une époque qui l'ignore, n'ayant rien qui puisse même de loin s'y rapporter ? A ce titre il me semble que cette notion de nature implique en elle-même une formidable mise à distance de tous les éléments du monde, en sorte que nous puissions concevoir tout d'un coup : la nature - ceci pourrait s'expliquer par l'omniprésence de la technique ? -. Or peut-être les Grecs ne conçoivent-ils pas les choses ainsi, en bloc. (Et pourtant chez les latins on trouve des traités sur la "nature" des choses. En ce sens la nature est ce qui s'oppose à l'apparence, on est donc assez loin de la nature comme environnement de l'homme. Comment le sens de cette notion a-t-il glissé ; est-ce même seulement à cela qu'il faut la rapporter ?)
- Dans la Genèse, l'homme se caractérise également par le fait qu'il travaille la terre et mange du pain (après la chute), il ne pratique pas non plus l'inceste et, chose intéressante, il domine sur l'animal. C'est en effet à Adam qu'il revient de nommer les animaux chacun selon son espèce - ce qui n'est pas rien dans une mythologie où la Parole est créatrice - puis il est explicitement dit aux hommes qu'ils régneront sur les animaux. D'ailleurs Dieu commande à Noé de sauver du déluge au moins un couple de chaque espèce. L'homme à la fois commande et est responsable de l'animal.
Ainsi, comme chez les Grecs, l'homme se trouve en quelque sorte coincé entre le bestial et le divin, à la différence toutefois qu'il commande aux animaux par décret divin et que le divin lui-même n'est pas de ce monde. Cette différence me semble importante. En effet les seuls points où le divin fait irruption ici-bas, d'abord sont temporels et non spatiaux, mais surtout se réduisent aux révélations faites aux prophètes et à l'incarnation : Jésus (pour les chrétiens). Pour le reste, la vérité est ailleurs et l'homme, seul en ce monde. Autre chose intéressante : l'homme est coupable de sa déchéance. Chez les Grecs, les hommes sont bien déchus mais non coupables : ce sont les dieux qui le provoquent, notamment la dispute entre Zeus et Prométhée. Par ailleurs, et cela me semble aller ensemble, l'homme dans la religion judéo-chrétienne est libre dans ses choix (sans cette liberté il n'y aura pas culpabilité). Je ne sais toutefois pas comment rapporter ce dernier point en particulier à mon problème, ni même si ça a vraiment un rapport (j'en vois peut-être un lointain dans la culpabilisation de l'être humain pour la destruction d'une nature idéalisée, mais ça s'arrête là).
- Pour l'époque médiévale, je ne dispose d'aucune référence et accueillerait chaudement toute suggestion.
- Puis nous voilà chez les modernes. Je suis perplexe : quelques auteurs ont bien analysé les conceptions qu'on se faisait en philosophie de la nature (par opposition à l'homme, principalement, un homme qui se caractérise par l'usage de la raison, la liberté et l'histoire, contrairement à une nature immobile, répétitive...) mais je ne sais pas concrètement comment les individus, sans aller chercher chez les philosophes, considèrent le monde et s'il leur arrive de penser à "la nature". De là où je viens par exemple, on trouve encore des vieux pour nous parler du temps où la neige bloquait les chemins parfois plusieurs mois et où on avait peur du loup ! Les idées des philosophes me semblent complètement décalées par rapport à cette réalité-là : ces paysans étaient loin de dominer le monde, ils subissent les éléments de plein fouet, travaillent une terre qu'ils chérissent plus que tout et s'en remettent à Dieu quant au salut. Aujourd'hui, bien sûr, ça a changé. Mais donc comment faire la part des choses ?
Je remets les axes anthropologique et géographique à plus tard, c'est déjà conséquent et il y a probablement déjà de nombreuses remarques à faire.