Dienekes a écrit:
Chez Morgan, l’homme semble s’extirper progressivement de la nature pour aller vers la culture alors que chez Lévi-Strauss, la culture côtoie toujours la nature.
Vous avez raison, je n'avais pas pensé à prendre le versant anthropologique sous cet angle, par là se feront des liens avec l'histoire c'est très bien.
Il y a une abondante littérature à propos du mythe du sauvage et l'étude des peuples primitifs, qu'on répugne aujourd'hui à qualifier ainsi ("sans histoire", "sans écriture", mais il est intéressant de voir qu'on retombe toujours dans les "peuples dits primitifs"). Peut-on dire que chez Morgan, on tente de retracer les étapes qui nous rapportent à la nature, un état supposé naturel ? Cette recherche d'une origine et d'un ancrage naturel est intéressante - en admettant qu'on puisse le lire ainsi sans trahir l'auteur -. Du coup je pense qu'il faut que je relise le chapitre "L’étayage de la société sur la nature" dans L'institution imaginaire de la société de Castoriadis, qui a sûrement des choses intéressantes à nous dire.
Autre exemple, si l’on compare l’expérience de Frédéric II de Prusse au XIIIe siècle et les constatations du Dr Itard sur Victor de l’Aveyron au XIXe siècle, on trouve deux idées opposées de cette dichotomie homme / nature.
En effet. Le seul problème que j'y vois, en l'état, est la distance historique qui sépare ces deux personnages. J'aimerais replacer chacun dans le champ des débats de son époque, de sorte qu'ensuite il soit possible de retracer l'évolution qui va d'une conception à l'autre. Si mes souvenirs sont bons, l'expérience de Frédéric II de Prusse tente de répondre à la question : la langue naturelle est-elle le Grec ou le Latin ? J'irai vérifier chez Salimbene de Adam - merci pour cette référence -.
De même, il faut impérativement que je me documente au sujet des Cyniques en Grèce antique, qui semblent avoir préconisé un retour à la "nature" - mais je ne sais pas par quelles notions ils expriment cela. N'y avait-il pas d'ailleurs chez les Grecs une opposition entre le cru et le cuit, qui nous renvoie à la dichotomie nature/culture ? Mais là encore, quelques précautions s'imposent...
Enfin, chez les Grecs, je m'interroge à propos de la déesse Gaïa. N'est-ce pas elle qui enfante toutes les choses de la nature ? En un sens elle peut autant représenter "la nature" en général que le principe à l'origine des choses qui la composent. Ceci par rapport à : "ce qui lie la nature comme être vrai, et la nature comme environnement, pour que ce soit un seul mot."
Kthun a écrit:ce qu'on appelle les "enfants sauvages" en général, et bien qu'ils aient le mérite de stimuler la réflexion, il faudrait s'en méfier : ce ne sont pas des faits (bien qu'on ait tendance à les faire passer pour tels), mais bien plutôt des mythes
Et c'est bien en tant que mythes qu'ils peuvent alimenter cette réflexion (qui du reste est bien trop vaste !). Merci pour cette précision Kthun.