Hayek soutient que l’homme “is as much a rule-following animal as a purpose seeking one” (Hayek, 1973). Plus précisément, il soutient que, lorsqu’un citoyen suit certaines règles de conduite, il le fait, non pas parce qu’il sait qu’elles permettent de produire un ordre social désirable, mais parce qu’il est né dans une communauté culturelle qui est composée de ces règles – règles qui ont prévalu parce qu’elles ont permis la réalisation d’un ordre social plus désirable que les autres règles qui ont été essayées. Cependant, les citoyens qui suivent ces règles très souvent ne comprennent pas quels sont leurs avantages.
Prenons, par exemple, le cas des règles de conduite qui ont permis l’émergence du capitalisme concurrentiel – l’éthique de la propriété privée, le respect de la propriété d’autrui, le respect des promesses, des contrats, etc. Hayek explique que, pendant longtemps, les hommes ont accepté d’obéir à ces règles en dépit du fait qu’ils ne les comprenaient pas. Il parle de “the influence of the various religious creeds and (…) traditions and superstitions which made men submit to those forces by an appeal to his emotions rather than his reason” (“Scientism and the study of society”, 1944). Mais à l’époque moderne, en raison de l’influence grandissante du rationalisme cartésien ou constructiviste, comme l’appelle Hayek (et le déclin corrélatif des diverses croyances et superstitions religieuses), les citoyens – certainement pas toute la population mais une part importante de la population – préféreraient obéir à des règles de conduite dont ils peuvent voir l’utilité. Et donc, lorsque les citoyens obéissent à des règles éthiques dont ils ne comprennent pas, ou peu, les avantages, leur préférence pour ce qui est compréhensible n’est pas satisfaite. Comme pour tout autre type de préférence, on peut dire que le bien-être des citoyens serait plus élevé si cette préférence était satisfaite. Si les citoyens comprenaient pourquoi ils doivent observer les règles du capitalisme concurrentiel ou de la catallaxie – si les citoyens étaient capables de voir la connexion causale entre l’observation de ces règles et les avantages dont ils bénéficient – l’observation de ces règles n’occasionnerait pas une perte de bien-être. Toute chose étant égale par ailleurs, la compréhension augmente le bien-être, tandis que le manque de compréhension diminue le bien-être.
Voici trois citations de Hayek, à propos des inconvénients du manque de compréhension.
J’ai l'intuition que l’on pourrait utiliser ces citations importantes de Hayek pour légitimer une analyse économique du bien-être qui intégrerait l'idée de compréhension des citoyens. Je pense que Habermas est une bonne piste de lecture, car c'est un “philosophe de la compréhension”, mais je cherche aussi d’autres philosophes ou, mieux encore, économistes qui pourraient alimenter ma réflexion sur ce thème qui me paraît important.
Merci pour vos pistes.
Prenons, par exemple, le cas des règles de conduite qui ont permis l’émergence du capitalisme concurrentiel – l’éthique de la propriété privée, le respect de la propriété d’autrui, le respect des promesses, des contrats, etc. Hayek explique que, pendant longtemps, les hommes ont accepté d’obéir à ces règles en dépit du fait qu’ils ne les comprenaient pas. Il parle de “the influence of the various religious creeds and (…) traditions and superstitions which made men submit to those forces by an appeal to his emotions rather than his reason” (“Scientism and the study of society”, 1944). Mais à l’époque moderne, en raison de l’influence grandissante du rationalisme cartésien ou constructiviste, comme l’appelle Hayek (et le déclin corrélatif des diverses croyances et superstitions religieuses), les citoyens – certainement pas toute la population mais une part importante de la population – préféreraient obéir à des règles de conduite dont ils peuvent voir l’utilité. Et donc, lorsque les citoyens obéissent à des règles éthiques dont ils ne comprennent pas, ou peu, les avantages, leur préférence pour ce qui est compréhensible n’est pas satisfaite. Comme pour tout autre type de préférence, on peut dire que le bien-être des citoyens serait plus élevé si cette préférence était satisfaite. Si les citoyens comprenaient pourquoi ils doivent observer les règles du capitalisme concurrentiel ou de la catallaxie – si les citoyens étaient capables de voir la connexion causale entre l’observation de ces règles et les avantages dont ils bénéficient – l’observation de ces règles n’occasionnerait pas une perte de bien-être. Toute chose étant égale par ailleurs, la compréhension augmente le bien-être, tandis que le manque de compréhension diminue le bien-être.
Voici trois citations de Hayek, à propos des inconvénients du manque de compréhension.
Hayek a écrit:“If people in general do not appreciate what they owe to catallaxy and how far they are even dependent on it for their very existence, and if they often bitterly resent what they regard as its injustice, this is so because they have never designed it and therefore do not understand it” (“The atavism of social justice”, 1976).
“But the fact that our morals are not the result of man’s supreme intelligence discovering that they were better, but were the result of a process of cultural selection, explains why we all so much dislike them” (“Our moral heritage”, 1983).
“The morality that makes the extended order possible has not been invented by us, and has never been understood by us; and therefore we hate it” (“Our moral heritage”, 1983).
J’ai l'intuition que l’on pourrait utiliser ces citations importantes de Hayek pour légitimer une analyse économique du bien-être qui intégrerait l'idée de compréhension des citoyens. Je pense que Habermas est une bonne piste de lecture, car c'est un “philosophe de la compréhension”, mais je cherche aussi d’autres philosophes ou, mieux encore, économistes qui pourraient alimenter ma réflexion sur ce thème qui me paraît important.
Merci pour vos pistes.