ЄutΞrpЭ a écrit:Liber a écrit:Je n'aime pas cette préface. Mais je concède volontiers que je n'accorde aucun crédit à Zola, d'une manière générale. J'ai peut-être tort.Taine me parait au contraire très sensuel, comme le note Zola dans la préface de l'édition du Voyage en Italie que vous avez mise dans la bibliothèque : "Taine Artiste".
Je vous accorde que Zola donne dans cette préface trop d'importance à sa propre théorie du tempérament.
L'œuvre vit aussi de sa propre vie, indépendamment du milieu d'où elle surgit sans qu'elle soit réductible à ce milieu.
En tant qu'amateur d'art, Taine n'est pas aussi attaché que vous le pensez sans doute à sa théorie du milieu (auquel il faut rajouter la race et le moment). Burckhardt ne se gêne d'ailleurs pas pour utiliser ce genre d'explications par l’environnement immédiat dans son livre Civilisation de la Renaissance, qui est bien sûr un livre d'histoire et non d'histoire de l'art. C'est la théorie du climat étendue à toutes les causes d'influences possibles.
Je suis d'accord pour dire qu'il y a dans l'oeuvre du génie humain quelque chose qui échappe à la série des causes et des effets. Tout dépend aussi de l'artiste. Certains n'ont pas grand chose à dire de plus que ne pourrait le faire l'étude de leur entourage. D'autres sont beaucoup plus complexes, comme Léonard. Taine préférait Léonard justement parce qu'il n'était pas aussi facilement compréhensible que Raphaël. Je ne vois rien de mystérieux chez Raphaël, rien qui ne puisse s'expliquer par la période où il vécut, ses maîtres, son caractère. Comme le lui fait dire Gobineau dans sa pièce de théâtre : "J'aime tout ce que baigne la lumière du soleil". Il n'en est pas de même de Léonard.
Je suis d'accord pour dire qu'il y a dans l'oeuvre du génie humain quelque chose qui échappe à la série des causes et des effets. Tout dépend aussi de l'artiste. Certains n'ont pas grand chose à dire de plus que ne pourrait le faire l'étude de leur entourage. D'autres sont beaucoup plus complexes, comme Léonard. Taine préférait Léonard justement parce qu'il n'était pas aussi facilement compréhensible que Raphaël. Je ne vois rien de mystérieux chez Raphaël, rien qui ne puisse s'expliquer par la période où il vécut, ses maîtres, son caractère. Comme le lui fait dire Gobineau dans sa pièce de théâtre : "J'aime tout ce que baigne la lumière du soleil". Il n'en est pas de même de Léonard.
Aktaíôn a écrit:Je comprends de moins en moins cette supposée opposition entre intellectualisation et sensibilité. Il me semble plutôt que les deux sont complémentaires et peuvent s'accroître mutuellement.
Eh bien moi je la comprends de plus en plus. Voici le conseil donné par Stendhal au visiteur de Rome :
En arrivant à Rome, ne vous laissez empoisonner par aucun avis ; n'achetez aucun livre, l'époque de la curiosité et de la science ne remplacera que trop tôt celle des émotions.
L'oeuvre d'art se laisse saisir immédiatement et durablement, sinon c'est qu'elle est mauvaise. La médecine a même créé un syndrome Stendhal pour décrire cette émotion. Qu'aime t-on dans la peinture quand on est un peintre ? La couleur, la ligne, l'expression des visages, la limpidité d'une eau, la clarté d'un ciel, la lumière dorée du couchant, etc. Les explications sont du domaine de la science. Le Traité de la peinture de Léonard est de la science. Heureusement, son but n'est pas de former des savants, mais des peintres. Ainsi quand Léonard conseille par exemple de peindre les femmes dans des attitudes pudiques, ou qu'il donne comme la meilleure lumière celle du soleil couchant dans les rues, quand les visages paraissent si beaux à ce moment de la journée, il ne démontre rien. On est d'accord ou pas. C'est du domaine de l'émotion. Il explique simplement la technique pour parvenir à les peindre ainsi. Raphaël a trouvé les plus belles courbes pour les visages de ses femmes en affinant chaque jour par sa sensibilité le dessin de ses modèles. Michel-Ange pareil. Ingres disait à ses élèves que ces deux-là n'avaient rien fait d'autre que se mettre à genoux devant la nature et la copier.
La peinture est simple, très simple, sans doute trop simple pour qu'il vaille la peine de l'analyser. Si l'oeuvre d'art nous parle indépendamment de son milieu, c'est de cette manière. Et je puis être touché par un visage du XIVème siècle comme par un portrait plus moderne. Mais bien entendu, la peinture peut, comme toute chose, donner du plaisir à qui cherche à la comprendre. Sauf que c'est un plaisir identique à celui du chimiste qui parvient à recomposer une recette comparé au gourmet qui la déguste.
Il te sera du reste assez difficile de m'expliquer comment un analyste de l'amour aussi fin que Stendhal ne pense pas exactement comme toi. Logiquement, il devrait être d'accord avec cette idée que sensibilité et intellect se complètent, et pourtant, il ne l'est pas du tout !
La peinture est simple, très simple, sans doute trop simple pour qu'il vaille la peine de l'analyser. Si l'oeuvre d'art nous parle indépendamment de son milieu, c'est de cette manière. Et je puis être touché par un visage du XIVème siècle comme par un portrait plus moderne. Mais bien entendu, la peinture peut, comme toute chose, donner du plaisir à qui cherche à la comprendre. Sauf que c'est un plaisir identique à celui du chimiste qui parvient à recomposer une recette comparé au gourmet qui la déguste.
Il te sera du reste assez difficile de m'expliquer comment un analyste de l'amour aussi fin que Stendhal ne pense pas exactement comme toi. Logiquement, il devrait être d'accord avec cette idée que sensibilité et intellect se complètent, et pourtant, il ne l'est pas du tout !