ЄutΞrpЭ a écrit:Un poète comme lui ne pouvait pas passer à côté de ce qu'une œuvre peut transfigurer, faire transparaître. Beaucoup ont appris à voir une œuvre en étant saisis par les jugements sidérants que Gœthe prononçait.
Ici, je dis : attention au charme du poète ! Nietzsche avait cette même qualité, appliquée aux oeuvres littéraires ou à la musique. Goethe connaissait très peu des arts plastiques. Aussi, il n'y a rien à attendre chez lui dans ce domaine hormis quelques jugements parfois très pertinents, il est vrai, mais appris je pense de sa fréquentation avec les peintres et de sa pratique du dessin, d'ailleurs peu assidue. Il a reconnu lui-même n'avoir aucun don pour l'art plastique. La valeur de son appréciation est surtout intellectuelle. Il avait aussi un faible pour les peintres appartenant à la gent féminine. On trouve cependant dans ses Conversations avec Eckermann beaucoup d'aperçus très justes sur les tableaux, d'autant plus méritoires qu'il n'avait pas nos belles reproductions photographiques, mais de simples gravures. Mais n'a t-il pas pris pour des oeuvres du grand Léonard certains tableaux de petits maîtres italiens ? Et l'Apollon du Belvédère pour un chef-d'oeuvre de l'antiquité grecque ? Méfions-nous de Goethe critique d'art. Burckhardt ou Taine sont des maîtres incomparablement plus sûrs en histoire de l'art.
Paul Veyne a écrit:La civilisation hellénique est la civilisation tout court, dont les Grecs ne sont que les premiers possesseurs, et Rome entend bien ne pas leur abandonner ce monopole. La vraie originalité se mesure au naturel d'un geste d'appropriation ; une personnalité assez forte pour saisir aussi hardiment aura aussi la force d'assimiler et ne se réfugiera pas dans sa spécificité nationale. Nietzsche admirait l'audace impérialiste avec laquelle Rome considérait les valeurs étrangères comme son butin.
Je ne peux être d'accord avec cette affirmation. Dans les jeux de citations, j'ai eu l'occasion de vous montrer quelques échantillons de productions vraiment latines. Je trouve que les écrivains romains (et leur public) savaient parfaitement faire la différence entre une imitation du grec et une production véritablement nationale. Les pièces de théâtre de Térence n'ont ainsi jamais eu chez eux le succès de la simple pantomime. Huysmans a parfaitement montré les qualités de Pétrone, qui préférait se moquer des prétentions à l'éloquence des faux Démosthènes que de tomber dans une imitation servile. Mais somme toute, pourquoi ne pas avouer que ce que Goethe aimait dans la Grèce, c'était Rome, tout simplement ? Après tout, cette Grèce rêvée, pourquoi n'aurait-elle pas été Rome, la seule et unique Urbs Roma ? Tout cela parce que la Grèce n'a pas connu sa Renaissance. Le génie italien a su faire resurgir le passé, ce que les Grecs n'ont jamais réussi.
N'oubliez pas les talents d'un vieux bibliothécaire que vous avez connu, et qui n'a pas tout à fait disparu. Vous trouverez dans le topic dédié à Taine une édition intégrale de 1990 et libre de droit, à télécharger (ici Hyppolite Taine).J'aime vraiment beaucoup le Voyage en Italie de Taine (là encore difficile à trouver en réédition intégrale).
Vous êtes sûr que cette édition est intégrale ? Je la possède en papier, mais il me semblait jusque là qu'il s'agissait d'un choix des meilleurs morceaux ?