Liber a écrit:C'est un peu plus complexe. Le romantisme privilégie plutôt l'intériorisation des sentiments ou au contraire leur exubérance, tandis que le classicisme les montre pudiquement et simplement.
Voilà une définition simple tout à fait compréhensible. Cependant, la nuance me semble encore difficile à établir dit ainsi. Dirais-tu que Le Voyageur contemplant une mer de nuages est impudique, si oui en quoi ? Qu'est-ce qui provoque l'intériorisation des sentiments ? Comment montrer pudiquement, n'est-ce pas ici simple ou le décor est-il encore trop dans la démesure et provoque une fusion dans la nature ou un vertige ?
Liber a écrit:Tu as, si tu veux des exemples, Delacroix qui peint des gestes exagérés, des couleurs criardes, Ingres au contraire des gestes retenus, des couleurs douces.
Ingres est un néo-classique, c'est ça ? Ou un romantique du côté de l'intériorisation ? En tout cas, d'après une petite sélection de toiles, j'apprécie beaucoup les deux peintres mais j'ai une préférence pour le style et la couleur d'Ingres. Mais dans la sélection faite par Euterpe je préfère le Delacroix. Les thèmes me semblent assez secondaires pour le moment, après tout il y a du sexe chez les deux, ça me convient. :lol: S'il y a bien quelque chose de sensuel c'est bien le corps d'une femme...
Liber a écrit:Quant à la sensualité à proprement parler, l'érotisme est nerveux et angoissé chez les romantiques, tandis qu'il est sain et paisible chez les classiques.
Ou la différence entre désir et plaisir, entre manque et prodigalité, entre cruauté et contentement. Ou je me trompe ?
Merci pour la correction, Euterpe, j'ai dû aller un peu trop vite en écrivant hier soir.
Euterpe a écrit:Comme le rappelle Liber, c'est un peu plus complexe, en effet. La distribution entre intellect et affect se retrouve à l'intérieur de chaque période, et à l'intérieur de chaque œuvre. Quand un peintre classique est amené à montrer des sentiments, il en fait autre chose que ce qu'en fait un peintre romantique. En outre, les peintres qui ne seraient qu'intellectuels et ceux qui ne seraient que sensibles sont peu nombreux, et permettent de tracer des frontières commodes, mais avec lesquelles il faut être prudent.
Tout à fait, j'ai cherché à faire les mêmes distinctions précédemment parce que d'après vos réponses j'en étais venu à croire que vous me disiez qu'au fond l'intellectualisme n'était que le seul apanage du romantisme et que l'on pouvait même aller plus loin en critiquant le romantisme comme art entièrement intellectuel - ce qui me semblait faux. Avec vos mises au point je comprends mieux. Merci aussi pour la leçon d'art, du coup je ne sais pas où me placer, il faudrait trouver une complémentarité entre mes écrivains préférés, Baudelaire, Artaud, Goethe et Stendhal (en tout cas pour les seules œuvres que j'ai lues de ces deux derniers auteurs et que j'ai mentionnées, enfin il y a aussi les Maximes pour Goethe) - ainsi que les philosophes Nietzsche, Kierkegaard, Pascal, Sartre (La Nausée). En matière d'écriture les idées ne valent rien sans le style ou alors autant lire de la philosophie et ne pas s'aventurer sur le terrain de la littérature bien qu'elle puisse allier beaucoup de choses dans son lien à l'existence. Il s'agit peut-être de rechercher la tension entre passion, élan vital, effort, sensualité ou sentiment et lucidité, sévérité, recul, maîtrise, justement entre sensibilité et idée. C'est peut-être aussi inutile de vouloir tout relier, j'apprécie ces auteurs pour ce qu'ils sont, singulièrement et je suis moi-même un carrefour qui n'a pas à exclure une influence au nom d'un parti pris esthétique. Je ne sais même pas si je suis plus sensible, sensuel ou intellectuel. Plus romantique, c'est certain, mais pas totalement non plus. Je sais goûter à tout, je crois que c'est suffisant. Ou est-ce un manque flagrant de bon goût ?