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Autour d'une pensée de l'existence

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aliochaverkiev a écrit:
Ceux qui se cachent la totale gratuité de leur existence sont des lâches pour Sartre et les autres, ceux qui se cachent leur totale liberté sont des salauds.

Non, non et mille fois non ! Arrêtez de dire n'importe quoi parce que c'est juste le contraire.
Sartre, L'existentialisme est un humanisme - Édit Folio, p 70 a écrit:
Les uns qui se cacheront [...] leur liberté totale, je les appellerai lâches [...]


aliochaverkiev a écrit:
Le troisième homme c'est donc celui qui ne se cache pas la totale gratuité de son existence ni sa totale liberté.

Encore une fois :
Sartre, L'être et le néant - Edit Tel, p 97 a écrit:
Que signifie, dans ces conditions, l’idéal de sincérité sinon une tâche impossible à remplir et dont le sens est en contradiction avec la structure de ma conscience ?

Mais, puisque je vous l'ai déjà cité, je pense que ça ne va pas être suffisant.

Vous me dites donc :
aliochaverkiev a écrit:
Le troisième homme c'est donc celui qui ne se cache pas la totale gratuité de son existence ni sa totale liberté.

Et moi je vous demande : pourquoi vous dites cela ? (Ce n'est pas une vraie question, juste un exercice si vous me le permettez)
Et j'ajouterai que votre réponse ne doit comporter aucune excuse - y compris le motif - ni aucune nécessité, pour accomplir cet idéal de sincérité. Bon courage...

descriptionAutour d'une pensée de l'existence - Page 29 EmptyRe: Autour d'une pensée de l'existence

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Cette position inaugurée par Platon n’est pas sans difficultés.


1ère difficulté : 

Si on admet la théorie de la participation, c’est-à-dire les choses existent et nous existons mais seulement comme résultat d’une participation à une essence, est-ce que l’essence puisqu’elle est participée ne risque pas de perdre sa pureté ? Ne va-t-elle pas être altérée, dénaturée?

2ème difficulté :

Cette participation ne va-t-elle pas compromettre l’unité, l’identité de l’essence en introduisant la division, la multiplicité, c’est-à-dire toutes les caractéristiques des phénomènes ?

3ème difficulté :

C’est celle que l’on retrouvera avec St Augustin. Comment une essence peut-elle être à la fois participée, c’est-à-dire forcément unie à un phénomène, une chose qui en retire des caractéristiques, et en même temps séparée? Car si elle n’était pas d’une certaine façon séparée, elle finirait par se dissoudre au travers des choses.

D’où cette théorie de la participation est tout à fait problématique, et c’est la dernière question que nous allons retrouver.
La doctrine de la participation constitue le cœur de la doctrine platonicienne, et montre bien le côté marginal de la notion d’existence qui n’existe pas en elle-même et par elle-même. C’est toujours référé, référable à la notion d’essence.
Cette doctrine nous laisse en héritage des questions qui ont traversé toute la période médiévale.
L’arrivée du christianisme ne va pas simplifier les choses. Il va falloir régler ses comptes avec le platonisme, faire le choix d’Aristote, l’adapter aux nouvelles exigences du christianisme, autour de l’essence et de l’existence.
Tant que certaines choses ne seront pas réglées, on comprendra pourquoi l’existence ne peut apparaître en elle-même, pour elle-même, ce qui peut surprendre tant  nous avons l’impression que c’est une chose évidente.

      d) L’essence comme simulacre de l’existence. (lecture nietzschéenne de l’Être- « Crépuscule des idoles »).

Nietzsche entreprend de démolir totalement les fondements de la métaphysique pour en révéler le côté vain, totalement vide.
La question qui se pose est celle du platonisme : comment une essence peut être à la fois réelle sans exister? (au sens où nous entendons ce terme d’une façon générale).

Réponse de Nietzsche : ce n’est qu’une abstraction vide. 

Nietzsche écrit dans « Le crépuscule des idoles » que cette essence n’est pas autre chose qu’une existence dont on enlève progressivement, comme les pelures d’un oignon, tout ce qui est accidentel, toutes les qualités accidentelles, toutes les contingences couleur, taille, dimension, de sorte que l’on arrive avec quelque chose qui s’évanouit totalement.

Autrement dit l’essence n’est proprement rien, dit Nietzsche. Nous retrouverons à peu près cette idée dans « L’être et le néant » lorsque Sartre dira que l’essence est un  « néant d’être, un oxymore », c’est-à-dire cette figure de rhétorique qui consiste à conjoindre deux termes totalement contraires pour dégager une idée qui nécessite des périphrases.

Nietzsche traite les archétypes platoniciens, ces pures essences comme n’étant pas autre chose  « qu’une fumée, la dernière vapeur de la réalité totalisée ». Cette démarche qui est en fait la démarche métaphysique dans son entier est coupable, aux yeux de Nietzsche d’être un symptôme, symptôme d’une culture décadente qui ne possède plus d’énergie vitale, de désir de vivre, va délaisser l’existence au profit d’une protection fantasmatique qui est l’essence. On va déserter l'existence pour Nietzsche, progressivement, avec une condamnation par le christianisme littéral de l’existence, puisque l’existence est frappée du pêché originel et de la culpabilité. Donc exister c’est forcément être coupable, c’est forcément être voué au mal et au péché.

De la métaphysique traditionnelle jusqu’à la reprise qu’en fera le christianisme, nous avons une dévalorisation de l’existence, dévalorisation progressive, mise à l’écart de l’existence au profit de l’essence qui est le seul concept premier.

Nietzsche place une métaphore pour une façon de philosopher : « il faut philosopher à coups de marteau ». Le coup de marteau est une métaphore à double sens.
Non seulement c’est le marteau pour casser les idoles, les choses creuses et vaines que nous adorons, qui nous aliènent et nous empêchent de penser mais nous permettent de vivre, de faire de notre existence autre chose que du remords, de la culpabilité.
Il faut aussi l’entendre comme une métaphore médicale. Le marteau c’est le marteau du médecin qui tape sur les côtes du patient pour entendre quel son ce marteau rend. Cette métaphore doit être utilisée dans les deux sens.
Jouant au médecin Nietzsche s’arme de son marteau frappe quelques coups sur le corps de la métaphysique et le son qu’elle rend est extraordinairement inquiétant. Nietzsche va montrer que tout ceci peut effectivement s’interpréter. Nous sommes dans l’interprétation comme le signe d’une maladie très grave.

La métaphysique n’est pas autre chose qu’une maladie, une maladie qui s’est emparée de la pensée occidentale, qui l’a amenée à arracher à l’existence tout ce qui en fait la valeur pour conférer à l’existence une entité dont on pose à la fois qu’elle est réelle sans exister véritablement.
Nous retrouvons l’exposé platonicien. La métaphysique, une production de malade qu’il convient de guérir au plus vite. Le nietzschéisme figure probablement l’une des voies ou l’une des brèches ménagées dans la métaphysique qui va ouvrir la porte aux philosophies existentielles.
« Crépuscule des idoles » livre I, « Le livre du philosophe » partie III sont des textes où nous assisterons au procès de Platon, et nous trouverons que pour Nietzsche l’idée même d’essence n’est qu’une fiction.
Pour Nietzsche le fait d’établir des fictions et de s’accrocher à ces fictions au point de se les transmettre pendant plus de deux mille ans révèle quelque chose que l’on ne peut écarter, de la même façon Sartre nous dira que nous révélons davantage dans nos mensonges que dans les vérités que nous prétendons dire.
Ce n’est pas un divertissement. Dans cette façon d’assujettir la notion d’essence et d’assujettir la notion d’existence par rapport à cette notion d’essence au point de refuser de lui donner droit de cité, il faut y voir l’incapacité qui serait la nôtre d’exister pleinement, de prendre en charge notre existence, de l’assumer.
Nous savons tous combien l’existence est quelque chose qui nous confronte à la contradiction, qui nous voue au conflit, à la perte des autres, de soi..., que nulle existence n’existe sans son lot de deuils et de peines, de douleurs, souffrances extrêmes à certains moments de la vie.

Il y a aux yeux de Nietzsche une sorte de refuge dans ce monde idéal de l’essence en laissant l’existence exister seulement comme pâle reflet. Plus nous allons spéculer, c’est-à-dire plus nous allons nous réfugier dans une philosophie hautement idéaliste, hautement spéculative, type Hegel, plus nous allons d’une certaine façon fuir la vie.
L’un des intérêts de toutes les philosophies dites existentielles, puis ensuite existentialistes, c’est de faire retour sur toute la philosophie d’une façon traditionnelle.

L’antiquité grecque, en dehors de Platon et Aristote, est un heureux moment. Dans toutes les écoles socratiques il y a ce moment qui va durer très peu de temps dans notre histoire, où la philosophie s’attache à méditer sur l’existence concrète des gens et s’emploie à leur donner dans les mains, non pas des réponses et des solutions, mais des instruments pour peut-être lutter, se défendre mieux qu’il est possible devant certaines choses de l’existence qui peuvent être évitées, ou pour ne pas accentuer certaines souffrances.

La philosophie dans notre culture est devenue une philosophie savante, inaccessible, qui explique pour beaucoup d’entre nous le peu de soucis que nous avons par rapport à cette matière. A quoi cela sert-il de lire Platon, Aristote ou St Augustin, ce n’est pas cela qui va m’aider à me positionner correctement dans l’existence. La métaphysique est en partie responsable de cela et cette mise à l’écart de l’existence est chargée de conséquences.

Cela peut expliquer pourquoi en à peine un siècle, ce qui pèse lourd par rapport au poids de la tradition métaphysique, il y a eu tellement de philosophes qui sont parties de la notion d’existence, et pourquoi leurs travaux ont créé un engouement tous azimuts.
Après la deuxième guerre mondiale et pendant un certain temps, la scène philosophique a été existentialiste.
La dévalorisation, la condamnation de l’existence  n’est qu’un symptôme qui signale une défectuosité de notre élan vital, une incapacité de vivre, d’assumer l’existence.


Dernière édition par Vangelis le Mar 9 Aoû 2016 - 21:21, édité 1 fois (Raison : Mise en forme.)

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Bonjour Arcturus et bonjour à tous les participants.
Après mes trois ans d'absence, Boudou est venu me chercher sur le topic Corriger les Idées Reçues ? :

Boudou a écrit:
Si on accepte de voir une parenté entre idée reçue, préjugé, hypothèse, conjecture, postulat, axiome, modèle, théorie, superstition, croyance, etc. on peut situer votre sujet sur la réfutation ou la déconstruction des idées reçues (qui ne sont, a priori, ni tout à fait vraies, ni tout à fait fausses) dans un contexte plus large que celui de la politique - Karl Popper (Misère de l'historicisme) prône une recherche perpétuelle de la vérité et plaide pour une société ouverte et démocratique. L'histoire des idées reçues quant à elle s'inscrit dans l'histoire des idées et à ce titre interagit avec l'histoire de la philosophie et la philosophie politique. Ne pourrait-on pas à partir de ce concept d'idée reçue faire une théorie générale de la philosophie comme le fait Arcturus avec celui d'existence (idée reçue vs. vérité qui serait le seul concept premier)

Il fallait donc que j'étudie votre topic, Arcturus.
Quand vous avez présenté l'expérience fondatrice de Sartre comme celle d'un homme qui réagit d'abord en écrivain avant de passer le message au philosophe, là, j'ai moi aussi eu une révélation : j'ai commencé à  mieux comprendre cet homme.
Le mot existence était peu employé avant le 18ème, dites-vous. C'est vrai, mais quel début !
Julien Offray de la Mettrie a écrit:

Qui sait si la raison de l’existence de l’homme ne serait pas dans son existence même ?
(Julien Offray de la Mettrie ; Saint Malo : 1709-Berlin 1751 –L’Homme machine)

L'"illumination" de Sartre quand, assis dans un jardin public, il perçoit l'existence de cette racine qui émerge du sol sous son banc, cette illumination est comparable à celle de Newton qui aurait reçu l'intuition de la gravitation universelle en voyant tomber une pomme. Il comprend tout à coup qu'il est vain de chercher à comprendre les choses et les êtres pour donner un sens à sa vie, il suffit d'exister avec le monde. Il entre alors dans une "extase horrible". Pourquoi n'éprouve-t-il pas plutôt le bonheur d'exister, comme d'autres éprouvent la joie de vivre ? Parce que l'existence n'est pas nécessaire :
L'essentiel c'est la contingence. Je veux dire que, par définition, l'existence n'est pas la nécessité. Exister, c'est être là, simplement; les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire.

Jusque-là, en cherchant à pénétrer l'essence des choses, il espérait y trouver des bases solides pour conduire sa vie, comme Descartes qui crut y trouver les preuves de l'existence de Dieu, ce Dieu dont il avait tant besoin en ce 17ème siècle.
Sartre a écrit:

Je transforme ce « Je pense donc je suis » qui m’a tant fait souffrir –car plus je pensais, moins il me semblait être- et je dis : on me voit, donc je suis. (Tiré du dictionnaire Le Petit Robert au mot "être")

Damnation ! L'existence ne nous apprend rien si  ce n'est qu'elle est là :
Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous tourne le cœur et tout se met à flotter.

En effet, c'est plutôt désespérant. Mais, après tout, qu'est-ce qui prouve la contingence de l'existence ? Le fait qu'on ne peut pas la démontrer. C'est bien mince, quand même ! Un esprit supérieur comme celui de Sartre ne devrait pas s'en contenter. A moins que... A moins que cette conviction parvienne à son esprit par une faculté extraordinaire de percevoir les grands ensembles, les très, très grands ensembles. Et quoi de plus grand que l'histoire de l'univers ? Les grands événements fondateurs y apparaissent comme résultant de hasards extraordinaires.
En effet, notre univers avait une chance infime de se former. Et, dans cet univers si improbable, la vie paraît être le fruit du plus grand des hasards. Et, au sein des milliards d'espèces animales ayant vécu ou vivant encore, la naissance de l' espèce humaine était à tel point inimaginable qu'elle est restée la seule.
L'existence est gratuite. Il y a de quoi être désespéré. Et pourtant Sartre lui-même croit que les hommes obéissent à des lois de la nature. Et quand il soutient Mao Zedong enclenchant la Révolution Culturelle, il montre son adhésion au marxisme qui croit utiliser les lois de l'histoire. L'existence est-elle gratuite ? Ou obéit-elle à des lois ?
Je crois qu'on peut échapper à cette contradiction insupportable. Il suffit de penser que l'Existence est le fruit d'un immense besoin primordial : le besoin d'existence. Ensuite, il n'y a plus qu'à en induire toutes les implications. J'ai développé cette hypothèse sur le topic Corriger les Idées Reçues ?
J'ai demandé à Google de me trouver des pages où il serait question du besoin d'existence ou du besoin d'exister, ou encore du désir d'exister. Je n'ai pratiquement rien trouvé, sauf quelque chose d'approchant chez Spinoza :
Le désir est l'essence de l'homme. (Le désir comme puissance d'être. Spinoza. par Simone Manon) L'auteure écrit encore : "L'homme est par nature une puissance d'exister".

Par contre, ce concept, je l'ai rencontré chez vous, Arcturus, dans la langue courante -non philosophique- me semble-t-il :
Arcturus a écrit:
Je pensais justement, Monsieur Crosswind, que vous pourriez ouvrir un "sujet" [...] J'ai le sentiment que, par moments, vous réalisez votre désir d'exister plus dans la réaction que dans la création. [.....]

La dévalorisation, la condamnation de l’existence  n’est qu’un symptôme qui signale une défectuosité de notre élan vital [...]

En tout cas, je partage votre point de vue : le concept du désir d'exister et celui de l'élan vital sont proches. Mais l'élan vital s'arrête à la vie tandis que l'autre s'étend bien au-delà.
L'idée du besoin d'exister comme source de l'existence ne m'est pas venue en voyant tomber une pomme, mais c'est presque aussi fortuit. Je le raconte dans l'introduction de mon roman philosophique :
Georges Réveillac a écrit:

Enseignant, retraité maintenant, jusqu’en 1979 j’étais en même temps communiste. Entre l’histoire réelle qu’il me fallait enseigner et l’histoire prétendument scientifique que diffusait le « Parti », je découvrais trop souvent ce qui me paraissait être des contradictions. Cette année-là, leur masse avait dépassé le seuil critique. Je demandai un emploi à mi-temps, ce qui me permit de chercher une meilleure explication de l’histoire.
Après plusieurs mois de cogitation, je découvris, grâce à Jean Paul Sartre, ce qui m’apparut comme une illumination : le concept d’ « existence humaine » qui me permettrait enfin de rendre intelligible l’histoire.
Et d’où venait-il, ce « besoin d’existence » ?
J’obtins rapidement une réponse. Il se trouvait déjà chez nos ancêtres les animaux ainsi que dans tout le vivant. Il fallait donc refondre la « Théorie de l‘Évolution » dans un ensemble plus vaste qu‘on pourrait appeler la « Théorie de la Lutte pour l‘Existence ».
Et ce « besoin d’existence » du vivant, comment la matière avait-t-elle pu en accoucher ?
Cette question me tint quelques mois encore, jusqu’à ce qu’un verrou sautât. Et derrière la porte qu’il avait verrouillée, je découvris ceci : « Et si le « besoin d’existence » était dans la matière ? »

Cette théorie, j'aimerais la mettre en discussion sur ce forum. J'ai regardé un documentaire sur Confucius hier soir et j'ai vu comment il conduisait les débats avec ses disciples ou d'autres personnes. Ce n'était pas vraiment à la manière dialectique -thèse, antithèse, synthèse- mais sur le mode coopératif, chacun apportant son idée pour faire avancer la recherche commune. Voilà le genre de débat que j'aimerais avoir.

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Pensécrire a écrit:
Wittgenstein en une proposition résout l'un des plus grands problèmes interne à la philosophie :
" 6-53 La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature

La science n’a jamais su répondre à tous les besoins de l’homme, ni même aux plus importants de ces besoins. Voilà ce qui nous pousse à chercher hors des sentiers scientifiques. Combien de spéculations métaphysiques dont le principal but était d’échapper à la mort ? Et les recettes du grand amour ?
Autre chose : la science a besoin d’hypothèses et de théories qui disent dans quelle direction il faut chercher faute de quoi on risque de s’égarer vainement. Ainsi, pour étudier le mode d’apparition des bactéries, Pasteur s’appuyait sur l’hypothèse que ce sont des êtres vivants comme les autres, qui se reproduisent donc, tandis que ses détracteurs supposaient qu’il s’agissait de génération spontanée. Aujourd’hui, la science fait appel plus que jamais à des hypothèses et à des théories. Sommes-nous loin de la métaphysique ?
Peut-être pourrait-on décider de tenir pour insignifiantes les hypothèses qui ne peuvent être confirmées par l’expérience ? A ce propos, les implications du concept de besoin d’existence peuvent donner lieu à beaucoup d’expériences.
Pensécrire a écrit:
Le désir de vivre, la volonté de puissance, le besoin d'exister, la contingence de l'existence sont pour moi non pas tirer de l'expérience mais de déductions conceptuelles. Pourquoi ne pas tout réduire à l'instinct de conservation qui sait prendre différentes formes et s'allie avec notre être et ses aspects psychiques, cognitifs, sensibles, rationnels, politiques... ?


L’instinct de conservation expliquerait la vie mieux que le besoin d’exister ? Que faites-vous de ceux qui sacrifient leur vie ? Le désir de conquête, non pour éloigner une menace, mais pour étendre son territoire et ses richesses relève-t-il de l’instinct de conservation ? Et l’envie d’innover ? Et le goût des voyages illustré par ces millions de retraités qui sillonnent la planète ?...

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2) Existence comme accident. 

  Cette idée de l’accidentalité de l’essence aura une incidence très grande dans la théologie occidentale. Avant que nous pensions d’une façon laïque la notion d’existence, nous recevons en héritage une problématique théologique et religieuse.

Nous connaissons l’expression « naître par accident ». Dans cette expression idiomatique il y a des traces très lointaines d’un positionnement philosophique, qui ne se signale pas comme tel, qui est par le commun oublié, puisque nous ne sommes pas forcés d’avoir tous lu Aristote, mais c’est de cela dont il s’agit. Qu’allons-nous faire de cet accident qui a été notre existence ?

Comprenons pourquoi, comment non seulement pour Platon l’existence n’est pas un être réel, c’est un reflet de reflet, un simulacre toujours secondarisé par rapport à l’essence, et essayons maintenant de comprendre que l’existence débute mal dans la tradition philosophique puisque Aristote va en faire un simple accident.

Quand nous aurons mélangé platonisme et aristotélisme nous n’aurons en guise d’existence que, comme dit Nietzsche, une fumée de quelque chose qui aura été vidé de sa réalité.

Aristote va contribuer à affaiblir la notion d’existence au point de pratiquement l’escamoter, alors que justement il part en guerre contre Platon. C’est en critiquant tous les acquis du platonisme, en dégageant sa propre philosophie qu’il va contribuer à aller encore plus loin que Platon. Il critique les idées de Platon, refuse la théorie de la participation.

Comment va procéder Aristote ?

En partant délibérément du côté symétriquement opposé au côté platonicien. Aristote va penser, va développer sa réflexion en partant de l’expérience. Qui dit expérience dit de l’existence d’être particulier qui présente une forme et une matière. Quand je vois un chat j’ai un être vivant, mais j’ai un être particulier, individué, qui a une forme et cette forme contient une matière. La forme est ce qui veut limiter la matière et lui donner une existence.

Nous partons de la matière, de l’expérience, de l’individualité et nous nous attendons que l’existence surgisse et acquiert son autonomie par rapport à l’essence et partant sa valeur. Cependant il n’en n’est rien, parce que l’aristotélisme continue à faire de la question de l’être la question fondamentale première.

D’autre part cette pensée de l’existence ne parvient pas à s’affranchir d’un cadre religieux, théologique et métaphysique. Nous sommes dans des pensées posant que si nous existons, si nous pensons, c’est parce que nécessairement nous recevons ce que nous appelons l’existence, ce qui, à un certain moment a été appelé notre Être.

Ce qui nous constitue, ce qui nous fait, ce qui nous fait être et exister, nous le recevons d’êtres supérieurs.

De la même façon si notre âme peut penser quelque chose, si nous fabriquons des représentations, cette faculté nous la recevons par imprégnation, par réflexion au sens du miroir qui réfléchit une image. En français,  le terme au sens optique et le terme au sens spéculatif, réfléchir une image et réfléchir quand je pense ma propre image, sont proches.

Cela montre que nous sommes encore très proche de l’antiquité au point de vue pensée, c’est-à-dire lorsque nous réfléchissons, lorsque nous examinons notre propre pensée, d’une certaine façon nous ne faisons pas autre chose que nous transformer en miroir, réfléchir quelque chose qui nous est proposé ailleurs, par un modèle qui sera Dieu ou le premier moteur chez Aristote. Il faut bien comprendre cette idée qu’en fait, ce qui est déterminant, ce qui est premier, c’est le moteur.

Avant la philosophie, il faut remonter à des traditions extrêmement anciennes, des traditions religieuses où on pense que les astres, le ciel, les corps célestes, les astres que l’on voit au firmament sont des intelligences célestes. Et puisqu’ils brillent ce sont des miroirs, c’est-à-dire ce sont des intelligences qui reçoivent leurs pensées et leurs propres mouvements d’une intelligence première, que l’on appelle cause première, premier moteur, qui meut toutes choses et qui va répondre de la pensée dans l’univers.

En définitive, rien ne peut être autonome, et le présupposé fondamental est que notre être, incluant ici notre existence et notre pensée, tout étant confondu, sont des satellites, des choses qui dépendent étroitement de ces intelligences motrices et à terme de cette intelligence ultime, première, cause de toute chose, premier moteur chez Aristote.

Nous avons besoin de ce cadre religieux, puis théologique. Aristote sera le premier à faire une théologie, pour ensuite descendre progressivement dans le monde des choses qui est le monde des êtres vivants.

Quand nous passerons dans les religions monothéistes, rien ne changera. Le dogme de la création fait que le monde est créé, il n’est pas éternel comme les anciens le disaient. Cela posera des problèmes aux docteurs de théologie, parce qu’il va falloir continuer à lire Aristote et en même temps être chrétien.

Dans le cadre général de la pensée cela n’a pas bousculé les choses. On va mettre Dieu à la place du premier moteur et de la cause suprême et tout va continuer à fonctionner. Il ne faut pas s’attendre à ce que le cadre général s’effondre et que cela libère des questions nouvelles. Pendant très longtemps on va essayer, sur certains points, de faire rentrer les choses qu’apportent les religions révélées dans ce cas de la métaphysique traditionnelle.
Ne nous étonnons pas que chez Aristote tout soit régi par ces postulats ontologiques, donc existence d’un être premier, cause première.

Pour Aristote l’ontologie, c’est-à-dire la science de l’être en tant qu’être, constitue ce qu’il appelle la philosophie première, par rapport à quoi tous les autres domaines qui constituent les sciences, la philosophie, tout ce qui constitue le savoir qui développe l’homme, la physique, la mathématique, la morale…, est appelé philosophie seconde. La philosophie première c’est bien la métaphysique, et particulièrement l’ontologie qui sous-tend tout.
Pour Aristote, il n’existe pas, au-delà du sensible, ce pur domaines d’êtres, d’essences que Platon appelait les idées. Néanmoins il va conserver cette notion d’essence, mais va la débaptiser. Il n’emploiera plus du tout le terme d’essence, ou en tout cas pas dans ce sens-là, et lui substituera le terme de substance.

Le postulat fondamental d’Aristote est celui-ci : être est, pour lui désormais, exister comme une substance.

Qu’est-ce qu’exister comme une substance ? Comment comprendre cela ? Nous pourrons comprendre très rapidement cette notion d’accident arrivée jusqu’à nous.

Fondamentalement l’accident est toujours quelque chose qui affecte l’existence, même au sens banal et courant dans lequel nous utilisons ce terme.

Si nous nous penchons sur l’accident et si l’accident est vraiment quelque chose auquel, par définition, nous ne saurions nous préparer, c’est qu’il se fiche, littéralement comme une écharde plus ou moins grosse, dans l’existence. Ce vocabulaire vous l’avons peut-être vidé de ce sens savant qu’il avait mais il en reste quelque chose et il charrie forcément des valeurs qu’il a instaurées.

Traité des catégories- livre II.

Qu’est-ce qu’une substance ?

Aristote répond comme à l’accoutumée par la voie négative, c’est-à-dire lorsqu’il doit définir quelque chose, au lieu de commencer par une définition positive telle chose est ceci, telle substance est ceci, il va d’abord dire ce qu’elle n’est pas. Et quand il aura dégagé ce qu’elle n’est pas, il va forcément trouver un résidu ce sera ce qu’elle est. Chose tout à fait simple et facile pour une fois, par la voie négative il va éliminer ce que la substance n’est pas.
Qu’est-ce qui n’appartient pas à la substance ? Qu’est-ce qu’elle n’est pas ?

Réponse.

L’ensemble des choses qui sont présentes dans un sujet ou attribuées à un sujet.

Que va-ton éliminer tout d’abord de la substance et qu’est-ce qui ne saurait définir la substance, ne saurait la constituer ?

C’est d’une part toutes les choses qui sont présentes dans un sujet ou de l’autre côté attribuées à un sujet. Ces deux formulations désignent l’ensemble des qualités des corps comme les dimensions, les couleurs, la texture, la grandeur…

Comme exemple Aristote prend la grandeur et la couleur blanche et dit que la grandeur ou le blanc ne sont pas des substances parce que la blancheur ne peut pas exister en elle-même, de même la grandeur ne peut pas exister en elle-même, nécessairement la couleur comme la grandeur doivent se rapporter à quelque chose, chose qui sera une substance.

Imaginons un monde dans lequel les qualités existeraient sans leur substance (Lewis Carroll- Alice au pays des merveilles). Ceci va nous conduire directement à cette notion d’accident.

Qu’est-ce qu’un accident ?

C’est une qualité, on dira en logique un prédicat, c’est-à-dire une chose rapportée à un sujet. Prédiquer, c’est rapporter une qualité à quelque chose qui va recevoir des qualités qu’on appellera sujet en grammaire et substance en logique.

L’accident n’est pas autre chose qu’une qualité c’est-à-dire au sens logique un prédicat qui est forcément contingent et qui va servir à qualifier, préciser quelque chose qui lui subsistera, en dessous de ces qualités ou de ces prédicats, qui sera là.

Cette chose sera un sujet en grammaire, sujet grammatical qui associe des fonctions dans la phrase, et en logique ce sera une substance.

C’est exactement la même chose sauf que l’on ne la désigne pas par le même mot selon que l’on passe de la logique à la grammaire.

On voit que la substance se distingue radicalement des accidents, des qualités qui lui sont rapportées d’une façon contingente. La substance peut exister à part des accidents, mais l’inverse n’est pas vrai.

Qu’est-ce qui n’est pas une substance ?

Nous avons vu l’ensemble des qualités que nous appelons accident. Est-ce tout ?

Non dit Aristote. Il y a une autre catégorie qu’il ne faut pas oublier, ce sont les termes génériques que nous n’arrêtons pas d’utiliser dans les phrases les plus banales de tous les jours et qui ne peuvent pas constituer véritablement des substances.
Par exemple l’homme, au sens de l’être humain et non pas l’être de sexe masculin, l’homme ne peut pas exister tout seul. D’où le nominalisme.

Comme dit Aristote je vois ce cheval dans le pré, mais en voyant ce cheval, je ne peux pas voir le Cheval, c’est-à-dire la chevalinité.

C’est un terme générique que nous construisons purement mentalement pour nous permettre d’identifier des êtres singuliers, divers.

C’est une ruse pour sortir de tous les problèmes que posent la différence en tant que différence en elle-même et pour elle-même. Comme nous héritons depuis Parménide d’une logique qui est la logique de l’identité, la différence fait toujours problème.

L’invention de termes génériques est une invention qui permet de poser des enveloppes vides, de grands réservoirs dans lesquels nous pourrons fourrer des êtres qui présentent des qualités similaires, mais aussi des différences et qui vont nous permettre de passer outre ces différences, de ne pas nous laisser arrêter, et de savoir que même si j’ai un percheron sous les yeux, ou un pur-sang de course et qu’il y a de grandes différences, j’ai quand même affaire à un cheval, à quelque chose qui manifeste le cheval, la chevalinité.

Ces termes génériques nous les employons constamment, parce que nous en avons besoin, ils nous permettent d’identifier en permanence les choses et les ranger dans de grandes catégories.
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