Vous dites que, pour Aristote, "nous ne connaissons pas l'homme en pensant que c'est un animal doué de raison". Bien sûr que si. D'un point de vue aristotélicien, c'est même la seule manière de le connaître, ou, ce qui revient au même de connaître son essence : partir du genre ("animal") et indiquer sa différence spécifique ("doué de raison"). Aristote appelle cela une "définition" (horos). On peut, bien entendu, définir l'homme autrement ("animal politique", "animal métaphysique", "animal cérémoniel", etc.) mais la démarche est toujours la même. De nos jours les mathématiques et les sciences ne procèdent d'ailleurs pas autrement lorsqu'on définit un nombre premier comme un nombre qui n'a que lui-même et l'unité pour seuls diviseurs ou l'or comme un métal de numéro atomique 79. Le problème d'Aristote, qui était déjà celui de Platon, et qui deviendra très vite celui de la vérité en général, est de circonscrire l'essence ou la substance (hupokeïmenon) d'un être, autrement dit ses propriétés nécessaires, là où les sophistes se contentaient d'évoquer ses accidents (sumbébèkota), ses qualités contingentes (on se souvient du Ménon où Socrate demande quelle est l'essence de la vertu et où Ménon répond en donnant "un essaim de vertus", bref, des exemples contingents).
Kant fera une objection fondamentale à cette conception de la vérité : la définition proprement dite ne concerne que les sciences, c'est-à-dire les activités de classification dans lesquelles la différence spécifique est un concept suffisamment précis (= mathématisé) pour pouvoir faire l'objet d'un constat expérimental (dans le cas de l'or, compter le nombre de protons). En d'autres termes, on ne peut dire connaître que les seuls phénomènes et jamais les noumènes (les choses en soi). Ce qui exclut la métaphysique et la logique du champ de la connaissance : on voit mal, en effet, comment on pourrait "expérimenter" le caractère "doué de raison" de l'homme ou bien le caractère "divisible par soi-même et par un" d'un nombre premier. Pour lui, seules les propositions scientifiques sont synthétiques, c'est-à-dire nous apprennent quelque chose de l'essence d'un phénomène. Les propositions métaphysiques ou logiques sont dites analytiques dans la mesure où ce qui est dit du sujet (le prédicat) est présupposé ou postulé et, donc, ne nous apprennent rien que nous ne sachions déjà. Toutefois, Kant ne dénie pas à la logique ou à la métaphysique le droit de dire quelque chose : simplement elles sont cantonnées dans le rôle d'auxiliaires (théorique pour l'une, pratique pour l'autre) de la connaissance.
Wittgenstein ira beaucoup plus loin que Kant en disant que seuls les phénomènes expérimentables sont, non seulement dicibles mais aussi pensables c'est-à-dire, en quelque manière, représentables. Contre Kant et toute la tradition métaphysique, il n'existe pas, pour lui, de chose en soi dont on puisse prétendre connaître l'essence : savoir, c'est toujours savoir comment sont les choses dans un état de fait déterminé et jamais savoir ce qu'elles sont en soi. S'agissant de la logique, elle ne nous est non plus d'aucune sorte d'aide puisque toute capacité à dire (ou à penser) quelque chose de sensé au sujet des phénomènes la présuppose. Ce qui fait dire à Wittgenstein que ce que prétend "dire" la logique ou la métaphysique, en réalité ne dit rien mais montre quelque chose. Quelque chose d'important, certes. Mais on ne peut pas dire quoi, on peut juste dire comment. Reprenons juste vos deux exemples : celui de l'inconscient et celui du chat. Lorsque Lacan écrit que "l'inconscient est structuré comme un langage", il ne dit rien au sujet de "l'inconscient", il ne dit pas comment est "l'inconscient", il ne "le" décrit comme constitutif d'un fait. Mais il montre quelque chose d'important : il montre qu'il projette une image du langage sur un objet ("l'inconscient) qu'il essaie de nous évoquer analogiquement. Bref, il montre la logique de son discours. S'agissant du chat, tant que vous le pensez "comme étant un animal ayant quatre pattes, une fourrure douce et qui ronronne, [...] comme un animal que je peux approcher, caresser et anticiper qu'il pourra ronronner", vous dites comment il est, et non ce qu'il est. En revanche si vous l'aimez, le soignez, l'éduquez, le protégez, etc., tout en ne disant rien, vous montrez néanmoins ce qu'il est pour vous, en quoi il participe de votre conception de la vie bonne. Et si vous vous entêtez à vouloir "dire" ce qu'il est, peut-être écrirez-vous, à l'instar de Baudelaire, que "les amoureux fervents et les savants austères // aiment également dans leur mûre saison // les chats puissants et doux, orgueil de la maison // qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires". Dans aucun des deux cas, vous ne dites quoi que ce soit de l'essence du chat. Mais vous la montrez : dans le premier cas, à travers l'éthique, dans le second, à travers l'art.
Kant fera une objection fondamentale à cette conception de la vérité : la définition proprement dite ne concerne que les sciences, c'est-à-dire les activités de classification dans lesquelles la différence spécifique est un concept suffisamment précis (= mathématisé) pour pouvoir faire l'objet d'un constat expérimental (dans le cas de l'or, compter le nombre de protons). En d'autres termes, on ne peut dire connaître que les seuls phénomènes et jamais les noumènes (les choses en soi). Ce qui exclut la métaphysique et la logique du champ de la connaissance : on voit mal, en effet, comment on pourrait "expérimenter" le caractère "doué de raison" de l'homme ou bien le caractère "divisible par soi-même et par un" d'un nombre premier. Pour lui, seules les propositions scientifiques sont synthétiques, c'est-à-dire nous apprennent quelque chose de l'essence d'un phénomène. Les propositions métaphysiques ou logiques sont dites analytiques dans la mesure où ce qui est dit du sujet (le prédicat) est présupposé ou postulé et, donc, ne nous apprennent rien que nous ne sachions déjà. Toutefois, Kant ne dénie pas à la logique ou à la métaphysique le droit de dire quelque chose : simplement elles sont cantonnées dans le rôle d'auxiliaires (théorique pour l'une, pratique pour l'autre) de la connaissance.
Wittgenstein ira beaucoup plus loin que Kant en disant que seuls les phénomènes expérimentables sont, non seulement dicibles mais aussi pensables c'est-à-dire, en quelque manière, représentables. Contre Kant et toute la tradition métaphysique, il n'existe pas, pour lui, de chose en soi dont on puisse prétendre connaître l'essence : savoir, c'est toujours savoir comment sont les choses dans un état de fait déterminé et jamais savoir ce qu'elles sont en soi. S'agissant de la logique, elle ne nous est non plus d'aucune sorte d'aide puisque toute capacité à dire (ou à penser) quelque chose de sensé au sujet des phénomènes la présuppose. Ce qui fait dire à Wittgenstein que ce que prétend "dire" la logique ou la métaphysique, en réalité ne dit rien mais montre quelque chose. Quelque chose d'important, certes. Mais on ne peut pas dire quoi, on peut juste dire comment. Reprenons juste vos deux exemples : celui de l'inconscient et celui du chat. Lorsque Lacan écrit que "l'inconscient est structuré comme un langage", il ne dit rien au sujet de "l'inconscient", il ne dit pas comment est "l'inconscient", il ne "le" décrit comme constitutif d'un fait. Mais il montre quelque chose d'important : il montre qu'il projette une image du langage sur un objet ("l'inconscient) qu'il essaie de nous évoquer analogiquement. Bref, il montre la logique de son discours. S'agissant du chat, tant que vous le pensez "comme étant un animal ayant quatre pattes, une fourrure douce et qui ronronne, [...] comme un animal que je peux approcher, caresser et anticiper qu'il pourra ronronner", vous dites comment il est, et non ce qu'il est. En revanche si vous l'aimez, le soignez, l'éduquez, le protégez, etc., tout en ne disant rien, vous montrez néanmoins ce qu'il est pour vous, en quoi il participe de votre conception de la vie bonne. Et si vous vous entêtez à vouloir "dire" ce qu'il est, peut-être écrirez-vous, à l'instar de Baudelaire, que "les amoureux fervents et les savants austères // aiment également dans leur mûre saison // les chats puissants et doux, orgueil de la maison // qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires". Dans aucun des deux cas, vous ne dites quoi que ce soit de l'essence du chat. Mais vous la montrez : dans le premier cas, à travers l'éthique, dans le second, à travers l'art.