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La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 23 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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Ou la place de l'intelligence dans l'évolution de la vie ?

La place de l'intelligence dans l'évolution de la vie c'est l'intelligence de la Nature. Mais pour que vous puissiez en avoir conscience, il faudrait que vous vous intéressiez aux sciences naturelles.
Ou la distinction entre l'intelligence et raisonnements ?

La distinction entre intelligence et raisonnements peut être suivie au cours de l'évolution biologique à mesure que les systèmes nerveux se complexifient.
Ou vers quelles intelligibilités du milieu de vie va-t-on ?

La complexification du cerveau n'est pas terminée...

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 23 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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Une conséquence de la formation naturelle de tous les corps à partir du mélange des quatre éléments.


C'est une blague ? Il y a encore des gens aujourd'hui qui pensent comme nos ancêtres gréco-latins vivant il y a plus de 2000 ans ? Comme si le temps s'était arrêté là, que le dépassement de l'âge préscientifique n'avait jamais eu lieu. Comme s'il n'y avait pas d'historicité de la pensée humaine. Comme si les premières prouesses du cerveau humain en matière de philosophie devaient être considérées comme des fondements sur lesquels il faudra éternellement baser sa pensée. Il est donc si difficile de voir, pour certains, que ces ancêtres n'avaient que leur imagination poétique pour se construire une vision du monde et que notre imagination doit se nourrir d'informations nouvelles, celles de la science ? Les quatre éléments !!! Je suis sur mon séant.

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 23 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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PhiloGL a écrit:
"Ces 3 mondes ne s'inscrivent pas dans le contexte de la science au sens des sciences de la nature. Ils relèvent d'un domaine qu'il faut dénommer autrement, disons la métaphysique". Aujourd'hui, m'étant intéressé à l'informatique après la biologie, [...] et ayant trouvé une affirmation péremptoire d'un biochimiste renommé qui m'a toujours plongé dans la perplexité : "l'information est une forme de l'énergie" (dans The molecular basis of biological energy transformations,  Albert L. Lehninger), je me dis que la théorie des 3 mondes de Popper, ce n'est pas de la métaphysique mais une théorie de l'information, qu'il reste à développer dans le contexte des sciences de la nature. 


Vous vous dites ce que vous voulez, mais ce que soutient Popper dans La Connaissance Objective est disons un peu plus profond que vos allégations à l'emporte-pièce. Dire que :
PhiloGL a écrit:
le monde est constitué d’au moins trois sous-mondes ontologiquement distincts ; ou, dirais-je, il y a trois mondes : le premier est le monde physique, ou le monde des états physiques ; le second est le monde mental, ou le monde des états mentaux ; et le troisième est le monde des intelligibles, ou des idées au sens objectif ; c’est le monde des objets de pensée possibles : le monde des théories en elles-mêmes et de leurs relations logiques ; des argumentations en elles-mêmes ; et des situations de problèmes en elles-mêmes

Venant de la part d'un épistémologue positiviste du XX° siècle, cela devrait vous faire réfléchir un peu. Notamment du point de vue de la logique de l'argumentation. Parce que, de deux choses l'une : ou bien il n'y a qu'un seul monde (le monde 1 ou monde physique), ou bien, s'il y en a plusieurs (2, ou 3 ou n) et tous les mondes non-physiques sont, par définition, méta-physiques, non ?

PhiloGL a écrit:
L'ADN des organismes contiendrait un ensemble de propositions dont la valeur de vérité déterminerait les possibilités de survie de ces organismes dans un environnement donné, et ces propositions, qui sont de l'information, seraient liées aux réactions biochimiques de production et consommation d'énergie dont l'efficacité conditionne le succès évolutif des organismes.

Des propositions dans l'ADN ??!! C'est à mourir de rire ! Au moins Fodor avec son language of thought et Chomsky avec sa transformational generative grammar situent-ils le niveau computationnel du langage archaïque dans le cerveau humain conçu comme une sorte d'ordinateur. Pas dans l'ADN !!!! Personnellement, je croyais qu'un brin d'ADN était constitué d'un certain nombre de nucléotides, chacun comprenant un acide nucléique (adénine, guanine, thymine ou cytosine), d'un désoxyribose et d'un phosphate. Mais bon, votre culture scientifique dépasse manifestement la mienne, alors... Il est vrai que l'on parle souvent d'information génétique ou de code génétique à propos des séquences de nucléotides qui se transforment en ARN puis en protéine. Mais, outre qu'il s'agit là d'une analogie, il faudra m'expliquer comment vous vous y prendriez (car je constate que vous utilisez tout de même le conditionnel, comme les journalistes qui parlent sans savoir) pour déterminer la valeur de vérité d'une séquence ACCCTTAAAAGGCC !!! Bref, non nageons en plein délire scientiste.

PhiloGL a écrit:
C'est une blague ? Il y a encore des gens aujourd'hui qui pensent comme nos ancêtres gréco-latins vivant il y a plus de 2000 ans ? Les quatre éléments !!! Je suis sur mon séant.

Il est vrai que, depuis l'apparition du WIFI, Patanjali, Zarathoustra, le Bouddha, Héraclite, Platon, le Christ, Mahomet et, d'une manière plus générale, tous les sages, les prophètes, les philosophes, les poètes, les écrivains n'ont plus rien à nous apprendre. Encore que... tiens, écoutez donc cette chanson. Ridicule et arrogante vulgarité du scientisme ! 

Zeugme a écrit:
Si nous proposons que l’intelligence soit dans son acte, une requalification d’une information à partir de la discontinuité de l’information sensible, il y a une proportionnalité positive à ce que le contact entre les sens et le milieu de vie soit en retour fortement modifié par l’activité de l’intelligence puisque tout échange (comme toute relation) fait participer les deux pôles par symbiose, à savoir le milieu et le corps, avec un diverse rapport entre la qualité et la quantité, c’est à ce point que tout le devenir des techniques dans le travail en porte l’évidence puisqu’elles sont les restes de l’action de l’intelligence pour remédier  à  cette disjonction entre les sens et le milieu de vie…
 
Ainsi la place de l’intelligence dans la nature serait la continuité d’un contact discontinu des sens, ou plus exactement de l’impermanence d’une direction de l’information sensible qui aurait rendu possible un nouveau cadre de gestion de l’information, jusqu’au point où les premiers raisonnements ont établi une figuration complexe du monde et sont à l’origine des cultures civilisationnelles… 

Ce que vous dites est intéressant (ça change un peu de ce qui précède !). D'autant plus que cela recoupe l'étymologie latine de la racine du terme intelligence : inter-ligo "je fais la liaison entre ..." ou inter-lego "je lis entre (les lignes)". Par ailleurs, cela correspond, grosso modo, à la conception humienne de la perception sensible en termes de données discontinues des sens dont la continuité serait assurée par des inférences spontanées et inconscientes exigées par la nécessité de survivre et positivement sanctionnées puis renforcées par l'habitude vitale (la sanction négative étant l'inhibition de l'habitude par la douleur ou la mort). Nous pouvons néanmoins faire au moins deux objections :
- on en reste là au niveau de la psychologie individuelle et on fait l'impasse sur les conditions sociales d'existence des organismes biologiques (pas uniquement humains, d'ailleurs) qui imposent à l'intelligence des contraintes de communication, de compréhension et d'ajustement mutuels
- à supposer que l'intelligence soit bien une instance d'information du corps, il n'y a aucune raison de réduire cette fonction à une représentation du monde extérieur pour l'organisme percevant, ce qui impose la notion d'image mentale et suscite toute une série de difficultés conceptuelles (sophisme de l'homoncule, statut de l'image des objets inexistants, nature des "représentations" non-visuelles, etc.) ; en d'autres termes, l'information peut être conçue, au sens étymologique du terme, comme une in-formation, c'est-à-dire comme la faculté de donner une forme à la matière corporelle (cf. mon article).

Je me souviens d'une discussion sur un autre forum du concept d'être-pour-la-mort de Heidegger, que Hannah Arendt a réussi à lui faire transformer en être-vers-la-mort.

Non. C'est un simple problème de traduction de la préposition zum dans Sein zum Tode. Hannah Arendt n'a aucune responsabilité là-dedans.

Je soutenais qu'il n'y a pas qu'une métaphysique neutre spirituelle, et intemporelle, projection dans notre monde réel temporel et intelligible de l'Idée de Métaphysique - pour faire platonicien brièvement - mais surtout chez lui quelque chose de profondément ancré dans la culture germanique et surtout de son époque. Donc d'ancré dans la politique alors qu'objectivement métaphysique et politique se marient difficilement voire pas du tout.
L'Être chez Heidegger j'y soutenais c'est l'Être allemand (Seyn en vieil allemand) et pour-la-mort cela signifie qu'il est prêt à mourir pour le Führer cet Être-là. Et aussi mourir pour l'Allemagne qui est la Sainte Allemagne bien sûr... 

C'est, en gros, ce que soutient Pierre Bourdieu dans son ouvrage L'Ontologie Politique de Martin Heidegger.

Tout ça pour revenir au sujet par ce biais indirect et dire qu'en Occident nous sommes dualiste et cartésien alors qu'en Orient on est spiritualiste et sensualiste. Et que la vision ou conception de Dehaene de la conscience via un "code de la conscience" serait très loin voire complètement différente de celle d'un moine bouddhiste : je ne connais pas assez l'Orient pour développer même si ce dernier revient à la mode régulièrement.

Sur ce point, cf. la dernière partie de mon article Nécessité du Dualisme Corps-Esprit.

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 23 EmptyVues sur l'image mentale vue

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Vues sur l'image mentale vue

Wikipedia présente l’image mentale ainsi : « Le terme d’image mentale est utilisé pour décrire la représentation cérébrale mémorisée ou imaginée d’un objet physique, d’un concept, d’une idée ou d’une situation ». Une telle définition implique bien sûr que l’image mentale ne saurait se réduire à la réalité visuelle à laquelle le terme image nous envoie. Et même qu’il pourrait ne pas renvoyer du tout à une réalité qui participe de la vue. Il y aurait ainsi des images mentales sonores, tactiles, kinesthésiques et même olfactives ou gustatives.

J’entends cependant me limiter aux visuelles. Dehaene a recherché surtout son « code de la conscience » au travers de considérations sur la vue. Et c’est sur elles que j’ai centré ma critique de son ouvrage. Les images visuelles mentales présentent d’ailleurs à elles seules un sujet extrêmement vaste du seul fait de leur variété d’aspects. On peut en distinguer au moins quatre types.

Les images remémorées d’abord. Elles s’impriment dans notre conscience en nous renvoyant à un objet précédemment perçu. Lorsque nous observons une scène visuelle et que nous fermons soudain les yeux, ce que nous en retrouvons peut figurer l’image remémorée type. Les images imaginées ensuite. Elles se distinguent des premières parce qu’elles ne renvoient pas au moins directement à une scène de mémoire. Elles en diffèrent aussi parce qu’elles sont modifiables par notre volonté. Les images rêvées en troisième lieu. Ce sont elles qui composent nos rêves nocturnes. Les images hallucinées enfin, d’un type qu’on peut considérer comme maladif, qui s’imposent à notre conscience comme des images réelles bien qu’elles ne reposent sur nul réel objet perçu.

De toutes ces images, les images imaginées sont les plus familières. Elles accompagnent nos pensées et, souvent, elles en tiennent lieu. Ce ne sont pas pour autant les plus faciles à saisir. Elles sont en mouvement sans cesse et ont comme une pâleur native qui peut les faire disparaître quand on tourne vers elles la lumière de notre conscience. Impondérables, évanescentes, elles semblent ce qui en nous donne présence à l’esprit, dont elles auraient l’immatérialité pure mais aussi la force puisqu’elles s’imposent souvent davantage à notre conscience que ce que perçoit notre œil réellement.

Une théorie de l’image visuelle comme celle que j’ai développée dans mon approche moduliste est d’abord une théorie de l’image consciente. L’image mentale par définition en est une. Ma théorie doit donc s’y appliquer ou renoncer à être candidate à une véritable explication scientifique. Toute ma critique de Dehaene est d’abord celle d’une explication connexionniste et computationnaliste où l’image visuelle émergerait avec l’intégration d’informations obtenues par calcul. Et si les images visuelles qui par leur pâleur, leur légèreté, leur évanescence donnent le sentiment d’être des abstractions étaient justement le produit intégré de pures opérations cybernétiques ? Quel moyen avons-nous, d’ailleurs, de vérifier qu’elles ne le sont pas alors qu’elles semblent par leur nature même, absolument subjective, devoir échapper à toute forme d’expérimentation ?

L’expérimentation peut prendre bien des formes et il ne faut jamais désespérer que l’une d’entre elles se prête un jour aux vérifications qu’on veut faire. Lisant l’article de Wikipedia auquel je me suis déjà référé, j’en ai eu récemment confirmation. Je recopie : 
Le psychologue Zenon Pylyshyn a développé une théorie selon laquelle l'esprit d'humain traite des images mentales en les décomposant en propositions mathématique fondamentale. Roger Shepard et Jacqueline Metzler (1971) se sont opposés à cette affirmation en présentant à des personnes une figure composée de lignes représentant un objet en trois dimensions et en leur demandant de déterminer si d'autres figures étaient la représentation du même objet après rotation dans l'espace. Shepard et Metzler ont supposé que si nous nous décomposions, puis recomposions mentalement les objets en propositions mathématiques de base - comme le suggérait la pensée dominante de l'époque par analogie au traitement d'un ordinateur - le temps pour déterminer si l'objet était identique ou pas aurait alors été indépendant du degré de rotation de l'objet. Or, cette expérience montrait, au contraire, que ce temps était proportionnel au degré de rotation qu'avait subi l'objet sur la figure. Shepard et Metzler ont ainsi pu en déduire que le cerveau humain maintient et manipule les images mentales en tant qu'entités topographiques et topologiques globales.


Si l’image mentale qui se donne à voir représente bien une entité topographique et topologique globale, elle ne diffère pas sur ce plan-là de l’image visuelle. Elle doit donc s’analyser de la même façon et être constituée de composants analogues. Quels pourraient-ils donc être pour moi, dans ma conception moduliste des choses, sinon une variété d’« images-points » ?

Dans « Deux points de vue sur la vision », je précisais les caractéristiques principales de l’« image-point ». La première est d’occuper un point du champ visuel correspondant à son emplacement dans l’espace rétinotopique. L’autre est d’avoir une certaine luminance, ou intensité lumineuse. A ces deux caractéristiques, j’en ajoutais une troisième si la vision chromatique fonctionne, c’est celle d’avoir une couleur bleue, verte ou rouge. Je précisais enfin que ce type de sensation était induit par l’activité d’une seule colonne corticale et par rien d’autre.

Je regarde par la fenêtre sud, devant l’épaisseur des branches nues, la floraison blanche du prunellier et la flamme jaune du forsythia un peu au-dessous. Je tourne la tête vers la fenêtre nord. Elle donne sur une prairie. Au bout, la maison des voisins se découpe sur le ciel bleu pâle. Comme à l’arrière-plan du nouveau paysage, l’arbre blanc et l’arbuste jaune se projettent avec leur fraîche mémoire.

Image réelle et image mentale se superposent indubitablement dans le même temps et le même espace où se situent ma conscience. Mais si les images-points qui composent l’une et l’autre proviennent chacune d’une seule colonne corticale, leur coexistence n’est pas possible. Une colonne corticale ne peut produire à la fois l’image-point interne à l’image visuelle et celle aux caractéristiques a priori indépendantes interne à l’image mentale.

Ou bien alors les images-points qui composent l’image mentale proviennent d’ailleurs. Les colonnes corticales sont constituées par la superposition de six aires rétinotopiques dans le cortex visuel primaire. Cependant ce n’est pas six mais au moins dix-sept aires rétinotopiques qui ont été repérées dans le cerveau, c’est à dire dix-sept aires où des groupes de neurones ont un emplacement et un fonctionnement en relation à la fois avec un point de la rétine et un point du champ visuel de mêmes coordonnées (excentricité et angle polaire). Si, selon mon hypothèse, un système de modulation propre peut exister pour le groupe de neurones appartenant à chaque point de jonction de ces six aires et constituant une colonne corticale, il est tout à fait concevable que ce même système de modulation se retrouve à un niveau ou à un autre pour l’ensemble des neurones situés au point correspondant dans les onze autres aires.

Autrement dit, on aurait deux systèmes fonctionnant de façon indépendante mais produisant chacun des images-points de coordonnées parallèles : un système d’images visuelles fonctionnant dans chaque colonne corticale et un système d’images mentales fonctionnant dans la dizaine d’ensembles de neurones extérieurs à la colonne corticale mais ayant les mêmes coordonnées rétiniennes.

Dire que l’image-point visuelle et l’image-point mentale sont de même nature et ne diffèrent que par leur intensité, la première étant considérablement plus forte que la seconde, est une possibilité que j’envisage avec prudence. Pour cela, il faudrait d’abord que les quatre types d’image-point mentale, la remémorée, l’imaginée, la rêvée, l’hallucinée se distinguent par les circonstances et les modalités de leur apparition mais pas par le groupe de neurones au fonctionnement propre qui l’induit pour un emplacement donné. Autrement dit que les images présentes dans nos rêves, nos pensées, nos hallucinations ou nos souvenirs seraient issues du même mécanisme physico-physiologique. Cela n’apparaît pas si malaisé à concevoir dans la mesure où les frontières entre les uns et les autres peuvent être bien floues. Les images imaginées apparaissent toujours à l’examen formées à partir d’images remémorées. Les images des rêves semblent sortir de notre imagination en prenant la force d’images hallucinées.

Qu’il y ait entre l’image-point mentale et l’image-point visuelle une différence non de nature mais d’intensité, on ne parvient pas à le percevoir directement sans doute mais on peut l’admettre par analogie avec ce que nous ressentons sur le plan sonore. Dans une chambre obscure et silencieuse, au milieu de la nuit, nous pouvons rester longtemps dans l’incertitude de savoir si le léger craquement qu’on a cru entendre était venu à nos oreilles ou n’existait que dans notre esprit.

Je me garderai de conclure pour l’heure, sachant de toute façon que ce n’est pas à moi mais aux expérimentateurs de le faire après avoir réfléchi à des protocoles d’expérience qui permettraient d’avancer. En attendant ceux-là, laissons la parole à ce romancier qui a su mieux que quiconque nous montrer la force des images mentales et la façon dont leurs divers types interfèrent. Souvenir, poésie, rêve et hallucination se mêlent ainsi superbement dans cette page de Proust :
Dans ce cas-là comme dans tous les précédents, la sensation commune avait cherché à recréer autour d’elle le lieu ancien, cependant que le lieu actuel qui en tenait la place s’opposait de toute la résistance de sa masse à cette immigration dans un hôtel de Paris d’une plage normande ou d’un talus d’une voie de chemin de fer. La salle à manger marine de Balbec, avec son linge damassé préparé comme des nappes d’autel pour recevoir le coucher du soleil, avait cherché à ébranler la solidité de l’hôtel de Guermantes, d’en forcer les portes et avait fait vaciller un instant les canapés autour de moi, comme elle avait fait un autre jour pour les tables d’un restaurant de Paris. Toujours, dans ces résurrections-là, le lieu lointain engendré autour de la sensation commune s’était accouplé un instant comme un lutteur au lieu actuel. Toujours le lieu actuel avait été vainqueur ; toujours c’était le vaincu qui m’avait paru le plus beau, si bien que j’étais resté en extase sur le pavé inégal comme devant la tasse de thé, cherchant à maintenir aux moments où ils apparaissaient, à faire réapparaître dès qu’ils m’avaient échappé, ce Combray, cette Venise, ce Balbec envahissants et refoulés qui s’élevaient pour m’abandonner ensuite au sein de ces lieux nouveaux, mais perméables pour le passé. Et si le lieu actuel n’avait pas été aussitôt vainqueur, je crois que j’aurais perdu connaissance ; car ces résurrections du passé, dans la seconde qu’elles durent, sont si totales qu’elles n’obligent pas seulement nos yeux à cesser de voir la chambre qui est près d’eux pour regarder la voie bordée d’arbres ou la marée montante. Elles forcent nos narines à respirer l’air de lieux pourtant si lointains, notre volonté à choisir entre les divers projets qu’ils nous proposent, notre personne tout entière à se croire entourée par eux, ou du moins à trébucher entre eux et les lieux présents, dans l’étourdissement d’une incertitude pareille à celle qu’on éprouve parfois devant une vision ineffable, au moment de s’endormir.

Marcel Proust, Le Temps retrouvé

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Wikipedia présente l’image mentale ainsi : « Le terme d’image mentale est utilisé pour décrire la représentation cérébrale mémorisée ou imaginée d’un objet physique, d’un concept, d’une idée ou d’une situation ». Une telle définition implique bien sûr que l’image mentale ne saurait se réduire à la réalité visuelle à laquelle le terme image nous envoie. Et même qu’il pourrait ne pas renvoyer du tout à une réalité qui participe de la vue. Il y aurait ainsi des images mentales sonores, tactiles, kinesthésiques et même olfactives ou gustatives.


Serait-il possible, dans un forum "philosophique", d'avoir d'autres définitions à se mettre sous la dent que celles de Wikipedia ? Par exemple, celle de Platon pour qui "l’opinion est à la connaissance ce que l’image est à l’objet" (Platon, République, VI, 510a), c'est-à-dire que l'image est, analogiquement, une re-présentation qui a perdu nombre des propriétés substantielles de l'objet re-présenté. Ou encore, l'acception mathématique selon laquelle x est l'image de y si et seulement si y est l'antécédent, dans un ensemble de départ et conformément à une relation déterminée, de x dans l'ensemble d'arrivée. Tout cela pour dire que le terme "image" est évidemment polysémique, de sorte que si l'expression "image mentale" a manifestement un sens, c'est ce sens-ci qu'il faudrait cerner autrement que par l'étalage de fausses évidences comme "le terme d’image mentale est utilisé pour décrire la représentation cérébrale mémorisée ou imaginée d’un objet physique, d’un concept, d’une idée ou d’une situation". D'abord parce qu'une image montre son objet et ne le décrit pas. Ensuite parce que l'expression "représentation cérébrale" est obscure et confuse : où se situe-t-elle ? par qui (ou par quoi) est-elle "perçue" ? quid de la "représentation" des objets inexistants ou impossibles mais néanmoins imaginés (Dieu, un carré rond, l'escalier d'Escher, etc.) ? Enfin parce que la "représentation" d'un objet physique (existant et perçu) est, d'un point de vue neuro-physiologique, de nature fort différente de celle d'un concept, d'une idée (différence entre les deux ?) ou d'une situation. Pour ne rien dire des distinctions qu'il faudrait établir entre "représentation" visuelle et non-visuelles, entre perception, imagination et mémoire. Sur toutes ces difficultés, la phénoménologie et la philosophie des qualia ont avancé des arguments intéressants. Encore une fois, la philo, ce n'est pas le Café du Commerce.

Je me garderai de conclure pour l’heure, sachant de toute façon que ce n’est pas à moi mais aux expérimentateurs de le faire après avoir réfléchi à des protocoles d’expérience qui permettraient d’avancer.

Non. Ce n'est pas un problème empirique mais un problème conceptuel. Ce que, d'ailleurs, vous reconnaissez implicitement en citant Proust. Essayez donc d'y appliquer la "définition" de Wikipedia en termes de "description de la représentation mentale" !
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