Phiphilo a écrit: on en reste là au niveau de la psychologie individuelle et on fait l'impasse sur les conditions sociales d'existence des organismes biologiques (pas uniquement humains, d'ailleurs) qui imposent à l'intelligence des contraintes de communication, de compréhension et d'ajustement mutuels
à supposer que l'intelligence soit bien une instance d'information du corps, il n'y a aucune raison de réduire cette fonction à une représentation du monde extérieur pour l'organisme percevant, ce qui impose la notion d'image mentale et suscite toute une série de difficultés conceptuelles (sophisme de l'homoncule, statut de l'image des objets inexistants, nature des "représentations" non-visuelles, etc.) ; en d'autres termes, l'information peut être conçue, au sens étymologique du terme, comme une in-formation, c'est-à-dire comme la faculté de donner une forme à la matière corporelle (cf. mon article).
Pour vos deux remarques, j’extrais un infime éclat d’un article que vous avez publié le jeudi 3 décembre 2015 sur votre blog pour essayer de vous répondre :
De là l'idée que comprendre un acte humain, ou, plus exactement, comprendre ce qu'il y a de proprement humain dans un acte, ne consiste pas à décrire un processus mécanique dont l'acte serait le terme ultime (12). C'est plutôt inévitablement en faire une description phénoménologique, c'est-à-dire une description de l'intention de l'agent en tant que cette intention révèle la pensée de l'agent (sa conscience) à la fois à l'agent lui-même et au monde.
(12) Entre la volonté consciente et l'acte, à la manière du Descartes du Traité des Passions, ou bien entre une instance psychique inconsciente et l'acte, à la manière de la psychanalyse freudienne.
Ainsi ce que j’ai proposé dans ma dernière participation, c’est une ouverture d’occurrences pour faire correspondre le réel et le corps par le moyen-terme des sens, et donner ainsi une possibilité de reprendre la question de la conscience et donc de la dualité corps/esprit, avec
un nouveau regard simplifié.
Alors que mon but n’était pas de faire le tour de toutes
les ‘‘contraintes’‘ de communication, de compréhension et d’ajustements mutuels qui sont liées au devenir du vivre ensemble, ni de faire
une description phénoménologique de ce vivre ensemble, mais plutôt de retourner à une base universelle de correspondance du corps avec son milieu de vie…
Pareillement et pour votre deuxième remarque, je n’ai pas voulu réduire la place de l’intelligence à une fonction de simple régulation ou de recombinaison des sensations, avec le risque des difficultés que vous énumérez judicieusement, mais de repositionner l’intelligence comme mouvement naturel, face aux autres mouvements de la nature qui nous sont intelligibles (entre autres) par les catégories saisies à partir des expériences sensibles (voir les pages 143 et suivantes du très bon livre de Paul Jorion,
Comment la vérité et la réalité furent inventées, Gallimard 2009 )
Donc ce qui me semble être une distinction (et pas une séparation) inévitable, c‘est celle de l’intelligence et des raisonnements, dont le langage est un signe, ou mieux encore un pont entre l'intelligence et les raisonnements, car si le langage s’est établit lui-même en ces premiers moments comme un raisonnement en substitution de la mémoire, sorte de recherche d'une continuité entre les individus par-delà l’altérité, de même l’intelligence a cherché une continuité avec le réel par-delà les sensations, une unité de sens et donc de finalité...
Et c’est même là une des capacités adaptatives de notre espèce, mais qui porte aussi en elle une limite (tragique dans certains cas) c’est que l’augmentation des possibilités d’agir, en qualité et en quantité (et en inversant trop souvent ces deux catégories), a formé un nouveau monde artificiel de contraintes encore plus prégnant que les milieux de vies naturels, mais surtout un monde construit d’irréversibilités qu’il n’est pas temps ici d’analyser.
Bref, je comprends vos remarques et j’en prends note, mais encore une fois il ne s’agissait pas dans cet exposé de décrire ou d’expliciter toutes les conséquences des liens entre le réel et nos corps en vie…
P.S. : Si j’ai même inclus les quatre éléments à cette ouverture d’occurrences, c’est qu’il m’est évident que chacun de nos cinq sens ont été formé au cours de l’évolution biologique par un des éléments en priorité, ce qui m’a toujours semblé une bonne piste pour commencer à réfléchir sur l'origine de l’apport d’informations que l’intelligence naturelle tire du milieu de vie, mais qui évidemment peut, il est vrai surprendre, en notre monde de raisonnements scientifiques.