Vangelis a écrit:Comment faire l'économie des neurotransmetteurs ? Le dialogue entre neurones se fait principalement au travers de synapses chimiques. De plus ils agissent sur les neurones ! Bref, en vous focalisant sur un champ magnétique vous ne dévoilez qu'une infime partie du fonctionnement neuronale.
Par contre, puisque vous avez précisé qu'il s'agissait d'un groupement de neurones, il faut savoir que de nombreuses recherches existent sur leurs propriétés et notamment sur la synchronisation de groupe de neurones. Donc votre "modulisme" - si j'ai bien compris - est une piste déjà empruntée par les neurosciences.
Nous nous comprenons mal. Il ne s’agit pas pour moi de faire « l’économie des neurotransmetteurs » quand je considère le fonctionnement du cerveau. Je ne conçois pas que le cerveau puisse fonctionner sans eux. Mon propos n’est pas d’ailleurs de remettre en cause ce qui a pu être établi scientifiquement sur le fonctionnement du cerveau.
Mon intention, au départ, est de proposer une explication sur la façon dont pourraient être produits certains contenus de conscience, en l’occurrence les sensations se présentant comme une « réalité fixe et indécomposable : étendue colorée uniforme, odeur, son unique, heurt sur telle partie du corps, douleur interne localisée etc. ». Ces contenus sont extrêmement loin de recouvrir la totalité de ce qu’on peut envisager comme contenu de conscience.
Ma première hypothèse est que chacun des susdits contenus est « le fruit d’une succession rapide et périodique d’affects primaires appartenant chacun à un type de gamme donné. Il y aurait une gamme d’affects primaires pour les couleurs, les sons, les odeurs, les saveurs, les sensations tactiles et somesthésiques ». Vous voyez bien qu’à ce niveau-là, il n’y a pas d’utilité de parler des neurotransmetteurs.
Ma deuxième hypothèse se situe de l’autre côté de ce que les philosophes et ici Philophil, il me semble, appelle « le fossé explicatif » et donc dans le fonctionnement du cerveau. Elle est de dire que, simultanément et corrélativement à cette « succession rapide et périodique d’affects primaires », il y aurait une modulation, elle aussi périodique, de l’intensité du champ magnétique interne. Cette modulation du champ magnétique interne serait essentiellement due aux décharges électriques des neurones qui sont des déplacements de charge. C’est une application de la loi physique suivante : « Le déplacement d’une quantité de charge électrique produit un champ magnétique d’une grandeur proportionnelle à cette quantité dans une direction perpendiculaire à ce déplacement. » Il n’y a pas plus d’intérêt ici que tout à l’heure à considérer l’activité des neurotransmetteurs. Ils ont très certainement un rôle causal dans les décharges de neurone mais ce n’est pas le sujet.
Tous les neurones dont l’activité de décharge intervient dans la modulation d’intensité sont regroupés dans un même module cortical. Vous me dites que je n’ai pas inventé la notion de module cortical. Si j’ai pu laisser croire le contraire, j’en rougis de honte. Mais ce que je dis (et tant mieux si c’est avec d’autres!) c’est que l’activité de ce module cortical unique est la cause de la modulation unique du champ magnétique interne et le seul élément causal que je vois du côté corporel (cérébral) du fossé explicatif qui peut être relié au fait mental de l’autre : le contenu particulier de conscience contemporain. Et là les neurotransmetteurs n’ont aucun rôle. Ils ont tous les rôles que vous voulez avant, ils n’en ont pas là, c’est tout.
Je vais continuer. J’en reviens à la piqûre à l’index et au majeur. Si l’on suit le trajet des potentiels d’action pour la piqûre à l’index, on peut déterminer un algorithme particulier qui ne sera pas le même que pour le trajet vers le majeur. Cet algorithme équivaut à une information qui est transmise au cortex supérieur et qui, selon sa nature, me fera dire : « Maman ! Ça me pique sous l’ongle de l’index » ou « Maman ! Ça me pique sous l’ongle du majeur ! »
Pour les computationnalistes, cette information, certes réelle, est au bord du fossé explicatif et elle produit par elle-même l’émergence de la sensation. Pour moi, cette notion d’émergence n’est pas valable. L’algorithme produit une information et c’est tout. Cette information ne se transforme pas miraculeusement en sensation ressentie. Il faut un autre mécanisme, le mécanisme moduliste, pour produire cette sensation.
Mais si on admet une seconde la notion d’émergence valable et l’explication computationnaliste bonne, on n’a toujours pas besoin de considérer ici le rôle des neurotransmetteurs. Pas plus d’ailleurs qu’on a besoin de considérer alors le rôle des modules corticaux et leur façon de moduler particulièrement le champ magnétique interne.
Maintenant si vous avez une explication où l’action des neurotransmetteurs apparaîtra comme le dernier élément au bord du fossé explicatif qui peut produire l’affect de l’autre côté, je ne demande qu’à vous lire.
Encore un autre exemple avant d’en finir. Prenez un téléviseur à tube cathodique. L’appareil comprend des condensateurs, des oscillateurs, des transistors et autres… Tout ça doit bien fonctionner pour que l’image puisse apparaître sur l’écran. Mais si l’intérieur de l’écran n’est pas tapissé de photophores qui émettent des photons quand ils sont frappés par le faisceau d’électrons, il n’y aura pas d’image. Si on pose la question de savoir pourquoi le téléviseur peut faire apparaître des images sur son écran, on peut se contenter de ne parler que des photophores et de leur propriété d’émettre des photons s’ils sont frappés par le faisceau d’électrons...