Phiphilo a écrit:Cet argument ressemble fort à celui que David Chalmers a popularisé sous l'appellation de "zombie argument" : "[le zombie] est identique à moi à la molécule près, identique jusqu'aux dernières propriétés de niveau inférieur postulées par une physique achevée, mais il est complètement dépourvu d'expérience consciente […] Sur un plan fonctionnel, il sera sûrement identique à moi ; il traitera le même genre d'information, il réagira de la même manière que moi aux inputs, et ses configurations internes seront modifiées de manière appropriée jusqu'à ce qu'en résulte un comportement indiscernable du mien […] Le problème est que rien dans ce fonctionnement ne sera accompagné de la moindre expérience consciente réelle. Il n'existera pas pour lui de ressenti phénoménal. Il n'y aura nul effet que cela fait d'être un zombie"(Chalmers, the Conscious Mind). Ce qui est ennuyeux, c'est que cet argument amène la conclusion, non pas "qu'il n'y a pas un mais deux systèmes mécaniques", mais exactement l'inverse : si le zombie (ou le somnanbule) a strictement le même comportement mécanique que le sujet conscient au ressenti conscient près, alors c'est que le sentiment conscient n'est en rien un système mécanique et qu'aucune "analyse très fine de la fréquence électromagnétique globale de l'un et de l'autre" ne permettra jamais "d'apercevoir des différences décisives" !
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Superbe ! On n’arrête pas le progrès ! Voilà maintenant que vous construisez une argumentation à partir des zombies. Demain ce sera sans doute à partir des sirènes, des kobolds ou des sphinges ! A moins que votre américanocentrisme vous fasse me contredire en examinant la physiologie d’E.T.!Eh bien, non, Phiphilo, un somnambule n’est pas un zombie et la pertinence de mon argumentation n’est en rien remise en cause par votre boiteux détour analogique.
Si votre point de départ est impertinent, votre raisonnement, excusez-moi Phiphilo, est en plus totalement stupide. Vous écrivez : « si le zombie (ou le somnambule) a strictement le même comportement mécanique que le sujet conscient, au ressenti conscient près, alors c’est que le sentiment conscient n’est en rien un système mécanique... » Qu’est-ce qu’un même comportement mécanique au ressenti conscient près ? Vous ne voyez pas ici qu’en utilisant dans la même phrase le même mot mécanique, vous parlez de deux réalités différentes. La première est celle de mouvements du corps, de gestes et de déplacements liés à l’activité musculaire tels que pourrait les avoir non pas un « zombie » qui est un être irréel mais un robot dont on peut toujours supposer valablement qu’il pourrait imiter à la perfection la fluidité précise des gestes humains. La seconde est celle de mouvements qui peuvent être de particules ou d’ondes et qui interviennent au niveau cellulaire, moléculaire, atomique, subatomique et au moins au niveau directement ou indirectement observable des potentiels d’action, des oscillations des neurones, des fréquences et amplitudes d’ondes cérébrales… C’est d’une de ces réalités mécaniques dont parle Dehaene dans le Code de la conscience comme en parle d’ailleurs Dennett. C’est cette mécanique et elle seule qui est à l’oeuvre non pas dans les déplacements et gestes du somnambule, mais dans la façon dont ses yeux grands ouverts, recueillant les informations lumineuses par l’intermédiaire des bâtonnets ou cônes de la rétine, puis des fibres du nerf optique, puis des colonnes corticales, les transmettent à l’appareil cérébral, les traitent par tout un algorithme de circulations de potentiels d’action. Cette mécanique qui aboutira non au déplacement et gestes du dormeur mais à la connaissance qui fera que ces gestes et déplacements ne s’effectueront pas à l’aveugle. Et comme cette mécanique-là n’aboutit pas à la conscience qui serait celle du même être vivant effectuant le même parcours et les mêmes gestes, mais éveillé cette fois, il faut bien qu’elle soit différente de celle qui aboutit à cette nouvelle réalité, celle de la conscience.
Après ma verte critique, c’est avec prudence bien sûr que je dois avoir recours au raisonnement analogique. Je le fais cependant car cela me permet à la fois d’éclaircir la distinction de deux mécaniques et d’approcher la notion d’énergie psychique liée à la seconde.
Supposons le somnambule être un souple robot muni d’une caméra. L’enregistrement que fait le robot avec cette caméra et le traitement cybernétique des images enregistrées aboutissent à la cognition de l’environnement. Enregistrement et traitement sont deux effets de la mécanique connexionniste ou computationnelle qui ne conduit pas à la conscience. Cette mécanique repose entièrement sur des déplacements d’énergie électrique.
Supposons maintenant que ce robot est relié à un écran. Sur cet écran est projeté l’image enregistrée par la caméra. Tout observateur peut voir sur cet écran l’image dont le robot a la « cognition ». Cette vision de l’image sur l’écran c’est la conscience. Elle suppose une réalité nouvelle basée sur les déplacements de photons et donc sur une forme d’énergie nouvelle, qu’on appelle lumineuse tout simplement. Cette forme d’énergie qui existe chez le noctambule mais pas chez le somnambule, je l’appelle énergie psychique. Elle entre dans un système qui ne fonctionne pas comme le précédent, celui que j’ai appelé « moduliste » et qui est pourvu d’une mécanique propre.