Ce qui est nouveau, ce serait l'usage abusif du mot "hallucination", le détournement de sens, la néosémie problématique, d'où l'illusionnisme coupable. Vous conviendrez peut-être avec moi que, par exemple, une couleur bleue peut (trop) facilement être appelée "hallucination" si l'on considère que dans le monde physique (à l'extérieur) elle n'existe pas : il s'y trouve seulement des photons et leur longueur d'onde associée de x nanomètres
Que les objets prétendument perçus n'existent peut-être pas (en tout cas tels que nous les percevons), voilà qui n'est pas franchement nouveau. Déjà, au XVII° siècle, Descartes ou Calderón se demandent si la vie n'est pas un rêve, Berkeley ou Malebranche si nos perceptions ne sont pas des "idées en Dieu". Bien avant eux, Pyrrhon d'Élis préconisait de suspendre tout jugement portant sur la réalité des choses. En allant vers l'Orient (extrême), on rencontre la notion de mâyâ, c'est-à-dire d'illusion du monde phénoménal, etc. Et, après tout, tout dans la science moderne conduit à distinguer plusieurs niveaux de pertinence dans la représentation du réel, un peu à la manière de Platon qui considérait les perceptions comme de pâles copies des choses, elles-mêmes pâles copies de leurs "idées". Ce qui est nouveau, en revanche, c'est l'imposture scientiste consistant, pour le "scientifique", à faire de la métaphysique sans en avoir les moyens conceptuels, en l'occurrence, à faire le buzz avec des formules à l'emporte-pièce dont la présence n'est ni construite ni justifiée. À cet égard, les (contre-)emplois, dans les passages cités, des termes "hallucination" ou "expérience" sont tout à fait consternants. Encore une fois, le "moi" n'est pas un objet, a fortiori, un objet d'expérience, a fortiori, un objet d'expérience hallucinatoire (ou alors, il va falloir expliquer longuement, patiemment, progressivement, logiquement, en quoi il l'est).