G.Simondon, fin de l’introduction de sa thèse :
« Seule l’individuation de la pensée peut, en s’accomplissant, accompagner l’individuation des autres êtres que la pensée ; ce n’est donc pas une connaissance immédiate ni une connaissance médiate que nous pouvons avoir de l’individuation, mais une connaissance qui est une opération parallèle à l’opération connue ; nous ne pouvons, au sens habituel du terme, connaître l’individuation ; nous pouvons seulement individuer, nous individuer, et individuer en nous ; cette saisie est donc, en marge de la connaissance proprement dite, une analogie entre deux opérations, ce qui est un certain mode de communication. »
Bien que je sois d’accord avec cet auteur dans sa proposition que l’on connaît l’individuation qu’en individuant, mais sous un autre regard nous pouvons peut-être souligner les diverses causalités de l’individu à partir du principe d’individuation qui se répartissent en trois zones :
Restiforme/cordon, suivant la cause formelle.
Rétiforme/filet, suivant la cause efficiente.
Rectiforme/lien direct, suivant la cause finale.
puisque l’individuation au sens stricte est à la fois une cause matérielle et une cause exemplaire indémêlables pour l’individu en recherche de finalité…
1/la zone pré-individuation ou zone restiforme. Cause formelle
c’est toute la distinction que nous trouvons entre tendance et instinct et qui montre ce qu’est la formation en cordon de l’origine de l’individu qui exerce une seule traction vitale vers son milieu de vie, mais instinct et tendance peuvent être confondues ce qui poussent certain-es alors à mettre en symétrie parfaite l’attirance vers la vie et la répulsion de la mort, ce qui n’est évidemment pas le cas, car la conscience n’estime pas la mort comme l’alter-ego de la vie…
bien plus, puisque c’est la saisie consciente de la durée de vie (durée connue qualitativement/inconnue quantitativement) qui est principalement ce qui lui donne l’appréciation et le développement de sa propre continuité vitale, et qui est naturellement ponctuée par la successivité de jour/veille et de nuit/sommeil, tout autant que par les effets naturelles des saisons additionnées abstraitement, récapitulent le temps d’une année, cette figuration du temps de la vie continue (durée) provenant comme fusion et répartition, de la matière vivante en déploiement dans la nature…
L’émergence de l’individu se trouve donc enracinée dans une conjonction entre deux dimensionnalités de la matière, fusionnelle et répartitive (analogie avec l’instinct/vie/fusion et la tendance/mort/répartition), car la vie comme singularité de l’individu se trouvant être un résumé de son espèce et une projection de l’évolution, tient de ces deux dimensionnalités de la matière, autrement dit, le corps vivant singulier individué dans un milieu, tout en résumant les caractéristiques de son espèce, en déploie une nouvelle potentialité (épigénétique)…
ainsi l’instinct de vie tend à la fusion procréative et instinctivement la tendance à mourir rendu consciente par la croissance/vieillissement du corps révèle la répartition prochaine de sa matière, mais est-ce-que la certitude de sa propre mort conduit à se reproduire ? Non, c’est plutôt le passage instinctif du témoin de sa propre vitalité qui stimule la reproduction, car la mort n’est pas un élément de stimulation pour la vie, tout juste une connaissance instinctive qui tend à sauvegarder sa vie ou celles de ses proches en cas de danger, (pouvant être étendu à tous les vivants mais pas sans quelques ajustements)…
cette formation restiforme de l’individu pose aussi la question de son autonomie radicale et donc re-délimite la disponibilité de la zone suivante, car de la pré-individuation, l’inter-individuation a évidemment quelques points transductifs communs, puisque l’effet a toujours quelque chose à voir à sa cause dans la successivité de la vie biologique…(voir en détail la thèse de G.Simondon)
pour le sujet qui occupe ici les débateurs, la conscience saisie dans sa conductivité neuronale, ne pourra pas rendre compte de cette zone restiforme, car l’évaluation scientifique devrait résumer statistiquement toutes les informations possibles de l’instinct et toutes celles de la tendance en les distinguant à chaque fois les unes des autres, mais seule la conscience a et est cette capacité de distinction, non pas par l’analyse psychologique ou par la compréhension qu’apporteraient les autres intelligibilités (comme le dit Simondon), mais par elle même dans ses actes puisque elle est à l’origine de son état singularisé, et donc de cette distinction individuée entre tendance et instinct…
2/ la zone inter-individuation ou zone rétiforme. Cause efficiente.
C’est toute la distinction que nous trouvons entre vie psychique et vie relationnelle, car c’est une formation en filet des deux origines de la vie consciente qui maintient des réseaux plus fins, presque infinis du développement des civilisations humaines, et qui pour le coup est déjà un état dans l’état, je veux dire que l’état conscient est dans l’état collectif des cultures et inversement…(voir les notions de la conscience politique)
Ce qui est remarquable dans l’individu considéré comme résultat singulier issu en partie de ce filet et entretenant celui-ci comme un prolongement de son individuation natif, c’est que les nœuds évolutifs des civilisations se situent tous dans la tension maximale entre la prudence personnelle et la prudence collective, car pour l’individu, la prudence est l’état conscient de son appartenance et de sa responsabilité personnelle face au groupe, et comme telle elle est cette « partie vertueuse» de la conscience qui tend à perdurer comme entité individuelle…
Aparté : La zone rétiforme implique donc une dépendance fluctuante au monde (peut-être comme dans le modèle de C. Dousset) de la communication interhumaine, et il est notable là aussi que l’évolution de l’intelligence collective par les médiats et les technologies, veuille formaliser cette zone pour en contrôler les entrées et les sorties, l’individuation informative des médias devenant alors une structure de conscience interactive qui soutient le sujet rendu indifféremment comme individu ou événement, dans son milieu de vie artificiel…
(voir Marcin Sobieszczanski. Vers une génétique cognitive des médias. métamorphoses numériques :Art, culture et communication : , 2017. )
vision critique –– tant est si bien que la prudence collective (politique) parfois prenant le pas sur la prudence personnelle, une sorte de « confiance aveugle » peut réduire la vitalité du groupe dans un prolongement de l’endurance des individus (effort sociétal) et les confiner par millions dans une dépendance mortifère à un système de « développement » , tout comme des millions animaux et de végétaux dans un état d’esclavage ou de mort programmée…
3/ la zone post-individuation ou zone rectiforme. Cause finale
Une fois l’individu rendu apte de participer consciemment au développement de sa destinée, par l’éducation et toutes les autres formes de mimétismes passifs et actifs, il devient acteur conditionné de son quotidien comme partie d’un tout, droits et devoirs sont alors cœxtensifs et contribuent à sa responsabilisation, c’est là que la zone rectiforme commence à régir son appartenance au groupe…
Car depuis les premières formes complexes d’organisations sociales, il s’est formé un état de droit (voir le glissement sémantique entre le pouvoir et l'autorité politique), soutenu par un consensus qui alterne les priorités entre, l’économie quotidienne des individus et certaines idéologies politiques, philosophiques, religieuses ou scientifiques, que l’additionnelle gestion administrative des pays a refondu en une seule constitution nationale…
Dans cette objectivité écrite, l’on retrouve toutes les nuances de cette droite formulation (ortos logos d’Aristote) et c’est par l’énumération des points directionnels qu’un groupe se donne pour unifier les choix de chacun, que se trouve aussi une dimension de la conscience participative, puisque la gestion de la complexité des projets humains réclame en temps réel une régulation légale, la loi étant l'écriture droite de la pensée agissante, ainsi de toute constitution sociale (écrite ou tacite/en devenir) naît un statut de citoyenneté participative qui résume cette individuation rectiforme…
Pourtant plus les choix de la vie collective deviennent formellement des lois et des normes, plus la distanciation entre les individus se charge d’individualisme, et cela est une conséquence logique de la différence qualitative de participation de chaque citoyen-ne au bien commun, car plus le bien commun devient une recherche d’obtention d’un bien privé, plus la réunion de la diversité des choix devient impossible…
C’est alors une succession de lignes de fuite, (référence au dessin) où le profit dans le développement entrepreneuriale ne recoupent jamais les exigences du bien commun, ou si peu qu’il faille tout un arsenal administratif pour les maintenir dans une seule et même économie…
Par l’émancipation du cycle naturel de la mise en commun qui prévaut dans la recherche rectiforme du changement évolutif, les humains postulent pour une direction involutive qu’eux seuls peuvent suivre (et encore pas tous) et surtout un dirigisme technologique de programmation qui tient cette ligne rectiforme comme la plus apte pour continuer à mobiliser l’effort collective par l’inventivité progressive du consommable (non-cyclique bien qu’involuée)…
Reste que cette fuite en avant ne tenant plus compte de son support naturel, en vient à le négliger comme base, et par la vitalité restante du corps va donc continuer à inventer une socialisation trans-humaniste, qui ne résoudra pas la question de la finitude de l’individu ni celle du groupe, et qui en plus risque fort de ne pas pouvoir être réversible, si la conscience de la dépendance au milieu naturel de vie s’estompe complètement…
1/ C’est déjà le cas dans la systématisation des économies libérales où la singularité du choix est chassée comme élément disruptif au profit de l’uniformisation nécessaire à la consommation de masse comme source du plus grand profit rapide, le lien qui existe entre les sciences et l’économie de marché devient de plus en plus évident, c’est une entente qui tend à une gestion conjointe du nombre des individus par les chiffres prospectifs sur une échelle programmatique…
2/ Pareillement dans la gestion de la santé publique qui veut évaluer la cause universelle à partir des effets singuliers en temps et lieux des diverses maladies ou des troubles comportementaux, par planification forcée ou par protection contrôlée des populations à risques, cela ne peut conduire qu’à une symptomatologie poussée à son maximum et finira par réduire les nœuds évolutifs à l’unique intervention technologique (vaccination), faisant de l’accident de parcours de cette gestion la seule modification possible et donc interdire celle de la participation individuelle à l’évolution (épigénétique positive)…
3/ idem pour le maintient et « l’amélioration » des armements de tous types, la prudence collective prenant la domination du territoire et des biens qui s’y trouve (y comprit l’identité nationale si c’est un bien ?) relègue la prudence personnelle dans une zone d’obéissance contrainte car dans le modèle de conscience collective de la survie, la « défense du groupe idéel » prévaux sur la sauvegarde de l’individu réel…
Conclusion :
Les facultés neurobiologiques du cerveau humain mise en lumière par l’expérimentation, n’opérant que par stimulation avec un « objet » ad hoc, il se posera toujours la question de la stabilité individuelle de la conscience comme le problème rétroactif du contact, de l’interprétation et de la projection dynamique du corps présent hic et nunc, ce pourquoi l’étude expérimentale des neurosciences aura toujours aussi à se défier de cette formule « ce que mon filet prend je l’appelle poisson » car de cette formalisation scientifique peut advenir et advient la plupart du temps in fine, une modification technologique des rapports induits par le savoir répandu…
Annexe :
1/Est-ce que la recherche d’une vision rectiforme de la progressivité consciente est une fatalité ?
2/ Peut-on réformer sans déformer et imposer sans recomposer la conscience individuelle ?
3/ Garde-t-on sa liberté de conscience dans un monde ultra-médiatisé ?
4/ les facteurs évolutifs sont ils assez connus pour formaliser une vision projective de l’humanité ?
5/ la vertu comme « actes répétitifs » et « état stable de la conscience » est-elle suffisamment élucidée ?
1/Est-ce une fatalité de suivre la participation rectiforme de notre socialisation (progressivité consciente), qui ne garde qu’une quantification normative de l’effet de groupe et rejette la qualification singulière de chaque personne, à savoir sa conscience spirituelle ? (donc impossible a identifier avec l’une ou l’autre des fonctionnalités du cerveau par voie d’évaluation matérielle) …
En fait plus le nombres des individus s’accroit et plus la gestion des strates socio-économiques devient complexe, plus augmente aussi les systèmes de régulations réflexes/automatisés, (comme dans un cerveau ou dans une unité informatique) donc plus la société humaine quitte la zone restiforme, plus elle génère une normalisation de la zone rétiforme par une gestion de la zone rectiforme, passant donc de l’instinct aux tendances et de ces deux à un système normatif et quantifiable aboutissant à une norme sociale de l’information collective…( IA )
L’uniformisation des consciences étant la solution la plus pratique (artificiellement et plus selon la nature) pour entretenir les échanges et les partages sociétaux normalisés et c’est à mon avis la tendance intellectuelle des sciences cognitives et neurobiologiques bien que cela conduise l’humanité vers un non-sens évolutif…Existe-t-il une autre voie de développement évolutif pour l’humanité ? est un autre sujet…
2/Peut-on réformer sans déformer et imposer sans recomposer la conscience individuelle ?
Il semble que cela ne soit pas possible au regard des quelques dizaines d’années où la vision progressiste des politiques, acteur-trices économiques et scientifiques ont déployer des efforts de rationalisation du travail et des techniques et des relations sociales, il se trouve au contraire et de façon oppositionnelle, que le développement pratique des structures de production des idées et des objets et relations, suive la voie d’une relativisation du substrat conscient de l’individu, pour imposer un modèle systémique unique où l’information est une donnée quantifiée par la numération programmatique…
Cette sorte de dictat consensuel où la quotidienneté psychologique ne soit plus la base de la consommation, du travail ou des relations amicales et sociales, mais un vaste champs d’expérimentations rationnelles de l’inventivité du « marché »là encore dans une coupe réglée* qui recompose la conscience personnelle à n’être que réactive et pratiquement plus active de sa destinée, le destin commun des populations devenant une déformation imposée à chacun-e dans une recomposition par réformes successives…
3/ Garde-t-on sa liberté de conscience dans un monde ultra-médiatisé ?
C’est là que l’information collective prend toute son ampleur, que se soit par la presse ou par la médiatisation des informations en réseaux sociaux, car pour entretenir la dynamique réformatoire il est indispensable d’avoir des points de contrôles et donc des zones d’accès à la conscience personnelle, le paradoxe de cette systématisation de l’information étant de la proposer comme unique source de jugement personnel et donc d’une certaine autonomie de conscience identifiée avec une liberté acquise…
4/ les facteurs évolutifs sont ils assez connus pour réifier une vision projective naturelle de l’humanité ?
à mon avis non pas du tout, car si nous connaissons par la biologie, l’anthropologie ou la sociologie voir la psychologie comportementale, une part de cette évolution, elle est immédiatement rendue formelle, c’est-à-dire extraite de sa dynamique naturelle, et ce faisant perd son caractère transductif puisque toute représentation conceptuelle est coupée de sa source pour devenir par elle-même une source de connaissance…
C’est là le statut de la connaissance théorique qui est désigné comme parenthèse déformante, alors que la connaissance de l’évolution devrait être uniquement contenue dans le vécu lui même, (non pas par l’analyse du vécu comme le fait la psychologie), mais là encore dans une conscience de sa propre participation et personnalisation à et de l’évolution…
Les facteurs évolutifs naturels devenant de plus en plus remplacés par les facteurs informatifs artificiels, il est certain qu’une sorte d’involution remplace aussi de plus en plus l’évolution, cela est assez simple à comprendre car le statut du savoir théorique du corps social remplaçant progressivement le statut du savoir pratique du corps individué, l’évolution qui se génère en chacun comme une part de continuation naturelle, devient une formalisation stéréotypique (stéréo-isomérie programmée épigénétiquement par un savoir conceptuel)…
Puisque la plasticité de la structure synaptique permettant de programmer une « conscience réactive d’obéissance » à la ressemblance d’un programme informatique, l’évolution naturelle liée au contact du corps à son milieu de vie naturelle se trouve donc remplacée par une involution systémique, sorte d’algorithme d’application de l’intelligence humaine au système d’exploitation d’une « machine sociale complexe »( comme le langage par la lecture, objet suggestif d’expérimentation de S. Dehaene)…
5/ la vertu comme « actes répétitifs » et « état stable de la conscience » est-elle suffisamment élucidée ?
À ce qu’il semble, la vertu qui est une disposition et une tendance porte une suite de phases interactives de conscience par ses effets en situation, car c’est toujours dans l’expérience singulière que la vertu trouve ses points d’appuis et de corrections, (évolution transductive individuée) mais comme un fleuve qui dépose ses sédiments, la vertu dépose des strates mnésiques qui stabilisent la conscience dans un état vertueux, donc référentiel à la prochaine action…
Ce qui n’est pas assez connu c’est sans doute la capacité naturelle de l’intelligence à préparer son environnement pour que l’acte vertueux soit intégré comme élément d’évolution majeure, rappelons que l’acte vertueux naturel est uniquement ce qui permet de penser et d’agir pour le bien ultime comme pour le bien relatif, dans une adéquation des moyens pour la fin…
De ce fait l’erreur globale de l’éducation et de la socialisation résulte que l’état vertueux est imposé comme un programme théorique d’application extérieur à la conscience, alors qu’il ne peut exister que par le choix libre et répétitif face à un bien singulier, comme pour la vue qui est la vertu de voir, c’est la lumière qui à sollicité une réaction interne de l’organisme du vivant pour qu’il se stabilise dans la formation de l’œil…
De plus ce qui peine à être admis avec la formation vertueuse de la conscience, c’est l’implication de la volonté comme symétrie évolutive de l’intelligence, autrement dit que c’est par l’acte de l’intelligence répété et choisi non pas pour lui-même mais en vu d’un bien singulier ou collectif, que la volonté confère à l’individu son caractère évolutif, en synchronisant la quotidienneté des vivants, comme nécessité synthétique de l’information transductive…
Les pollutions qui sont les preuves de cette disjonction entre la symétrisation de la volonté et de l’intelligence est la plupart des fois dû à un savoir scientifique qui a été coupé de la volonté évolutive de survie de tout le vivant, ce faisant les informations ne sont plus orientées (l’évolution est avant tout une direction vitale) vers le bien de toutes les parties réunies en un tout, mais se réduisent à satisfaire une seule partie au détriment des autres, c’est pourquoi l’on confond souvent le progrès avec la proposition darwinienne de la loi du plus fort…(qui elle même serait à revisiter)
« Seule l’individuation de la pensée peut, en s’accomplissant, accompagner l’individuation des autres êtres que la pensée ; ce n’est donc pas une connaissance immédiate ni une connaissance médiate que nous pouvons avoir de l’individuation, mais une connaissance qui est une opération parallèle à l’opération connue ; nous ne pouvons, au sens habituel du terme, connaître l’individuation ; nous pouvons seulement individuer, nous individuer, et individuer en nous ; cette saisie est donc, en marge de la connaissance proprement dite, une analogie entre deux opérations, ce qui est un certain mode de communication. »
Bien que je sois d’accord avec cet auteur dans sa proposition que l’on connaît l’individuation qu’en individuant, mais sous un autre regard nous pouvons peut-être souligner les diverses causalités de l’individu à partir du principe d’individuation qui se répartissent en trois zones :
Restiforme/cordon, suivant la cause formelle.
Rétiforme/filet, suivant la cause efficiente.
Rectiforme/lien direct, suivant la cause finale.
puisque l’individuation au sens stricte est à la fois une cause matérielle et une cause exemplaire indémêlables pour l’individu en recherche de finalité…
1/la zone pré-individuation ou zone restiforme. Cause formelle
c’est toute la distinction que nous trouvons entre tendance et instinct et qui montre ce qu’est la formation en cordon de l’origine de l’individu qui exerce une seule traction vitale vers son milieu de vie, mais instinct et tendance peuvent être confondues ce qui poussent certain-es alors à mettre en symétrie parfaite l’attirance vers la vie et la répulsion de la mort, ce qui n’est évidemment pas le cas, car la conscience n’estime pas la mort comme l’alter-ego de la vie…
bien plus, puisque c’est la saisie consciente de la durée de vie (durée connue qualitativement/inconnue quantitativement) qui est principalement ce qui lui donne l’appréciation et le développement de sa propre continuité vitale, et qui est naturellement ponctuée par la successivité de jour/veille et de nuit/sommeil, tout autant que par les effets naturelles des saisons additionnées abstraitement, récapitulent le temps d’une année, cette figuration du temps de la vie continue (durée) provenant comme fusion et répartition, de la matière vivante en déploiement dans la nature…
L’émergence de l’individu se trouve donc enracinée dans une conjonction entre deux dimensionnalités de la matière, fusionnelle et répartitive (analogie avec l’instinct/vie/fusion et la tendance/mort/répartition), car la vie comme singularité de l’individu se trouvant être un résumé de son espèce et une projection de l’évolution, tient de ces deux dimensionnalités de la matière, autrement dit, le corps vivant singulier individué dans un milieu, tout en résumant les caractéristiques de son espèce, en déploie une nouvelle potentialité (épigénétique)…
ainsi l’instinct de vie tend à la fusion procréative et instinctivement la tendance à mourir rendu consciente par la croissance/vieillissement du corps révèle la répartition prochaine de sa matière, mais est-ce-que la certitude de sa propre mort conduit à se reproduire ? Non, c’est plutôt le passage instinctif du témoin de sa propre vitalité qui stimule la reproduction, car la mort n’est pas un élément de stimulation pour la vie, tout juste une connaissance instinctive qui tend à sauvegarder sa vie ou celles de ses proches en cas de danger, (pouvant être étendu à tous les vivants mais pas sans quelques ajustements)…
cette formation restiforme de l’individu pose aussi la question de son autonomie radicale et donc re-délimite la disponibilité de la zone suivante, car de la pré-individuation, l’inter-individuation a évidemment quelques points transductifs communs, puisque l’effet a toujours quelque chose à voir à sa cause dans la successivité de la vie biologique…(voir en détail la thèse de G.Simondon)
pour le sujet qui occupe ici les débateurs, la conscience saisie dans sa conductivité neuronale, ne pourra pas rendre compte de cette zone restiforme, car l’évaluation scientifique devrait résumer statistiquement toutes les informations possibles de l’instinct et toutes celles de la tendance en les distinguant à chaque fois les unes des autres, mais seule la conscience a et est cette capacité de distinction, non pas par l’analyse psychologique ou par la compréhension qu’apporteraient les autres intelligibilités (comme le dit Simondon), mais par elle même dans ses actes puisque elle est à l’origine de son état singularisé, et donc de cette distinction individuée entre tendance et instinct…
2/ la zone inter-individuation ou zone rétiforme. Cause efficiente.
C’est toute la distinction que nous trouvons entre vie psychique et vie relationnelle, car c’est une formation en filet des deux origines de la vie consciente qui maintient des réseaux plus fins, presque infinis du développement des civilisations humaines, et qui pour le coup est déjà un état dans l’état, je veux dire que l’état conscient est dans l’état collectif des cultures et inversement…(voir les notions de la conscience politique)
Ce qui est remarquable dans l’individu considéré comme résultat singulier issu en partie de ce filet et entretenant celui-ci comme un prolongement de son individuation natif, c’est que les nœuds évolutifs des civilisations se situent tous dans la tension maximale entre la prudence personnelle et la prudence collective, car pour l’individu, la prudence est l’état conscient de son appartenance et de sa responsabilité personnelle face au groupe, et comme telle elle est cette « partie vertueuse» de la conscience qui tend à perdurer comme entité individuelle…
Aparté : La zone rétiforme implique donc une dépendance fluctuante au monde (peut-être comme dans le modèle de C. Dousset) de la communication interhumaine, et il est notable là aussi que l’évolution de l’intelligence collective par les médiats et les technologies, veuille formaliser cette zone pour en contrôler les entrées et les sorties, l’individuation informative des médias devenant alors une structure de conscience interactive qui soutient le sujet rendu indifféremment comme individu ou événement, dans son milieu de vie artificiel…
(voir Marcin Sobieszczanski. Vers une génétique cognitive des médias. métamorphoses numériques :Art, culture et communication : , 2017. )
vision critique –– tant est si bien que la prudence collective (politique) parfois prenant le pas sur la prudence personnelle, une sorte de « confiance aveugle » peut réduire la vitalité du groupe dans un prolongement de l’endurance des individus (effort sociétal) et les confiner par millions dans une dépendance mortifère à un système de « développement » , tout comme des millions animaux et de végétaux dans un état d’esclavage ou de mort programmée…
3/ la zone post-individuation ou zone rectiforme. Cause finale
Une fois l’individu rendu apte de participer consciemment au développement de sa destinée, par l’éducation et toutes les autres formes de mimétismes passifs et actifs, il devient acteur conditionné de son quotidien comme partie d’un tout, droits et devoirs sont alors cœxtensifs et contribuent à sa responsabilisation, c’est là que la zone rectiforme commence à régir son appartenance au groupe…
Car depuis les premières formes complexes d’organisations sociales, il s’est formé un état de droit (voir le glissement sémantique entre le pouvoir et l'autorité politique), soutenu par un consensus qui alterne les priorités entre, l’économie quotidienne des individus et certaines idéologies politiques, philosophiques, religieuses ou scientifiques, que l’additionnelle gestion administrative des pays a refondu en une seule constitution nationale…
Dans cette objectivité écrite, l’on retrouve toutes les nuances de cette droite formulation (ortos logos d’Aristote) et c’est par l’énumération des points directionnels qu’un groupe se donne pour unifier les choix de chacun, que se trouve aussi une dimension de la conscience participative, puisque la gestion de la complexité des projets humains réclame en temps réel une régulation légale, la loi étant l'écriture droite de la pensée agissante, ainsi de toute constitution sociale (écrite ou tacite/en devenir) naît un statut de citoyenneté participative qui résume cette individuation rectiforme…
Pourtant plus les choix de la vie collective deviennent formellement des lois et des normes, plus la distanciation entre les individus se charge d’individualisme, et cela est une conséquence logique de la différence qualitative de participation de chaque citoyen-ne au bien commun, car plus le bien commun devient une recherche d’obtention d’un bien privé, plus la réunion de la diversité des choix devient impossible…
C’est alors une succession de lignes de fuite, (référence au dessin) où le profit dans le développement entrepreneuriale ne recoupent jamais les exigences du bien commun, ou si peu qu’il faille tout un arsenal administratif pour les maintenir dans une seule et même économie…
Par l’émancipation du cycle naturel de la mise en commun qui prévaut dans la recherche rectiforme du changement évolutif, les humains postulent pour une direction involutive qu’eux seuls peuvent suivre (et encore pas tous) et surtout un dirigisme technologique de programmation qui tient cette ligne rectiforme comme la plus apte pour continuer à mobiliser l’effort collective par l’inventivité progressive du consommable (non-cyclique bien qu’involuée)…
Reste que cette fuite en avant ne tenant plus compte de son support naturel, en vient à le négliger comme base, et par la vitalité restante du corps va donc continuer à inventer une socialisation trans-humaniste, qui ne résoudra pas la question de la finitude de l’individu ni celle du groupe, et qui en plus risque fort de ne pas pouvoir être réversible, si la conscience de la dépendance au milieu naturel de vie s’estompe complètement…
1/ C’est déjà le cas dans la systématisation des économies libérales où la singularité du choix est chassée comme élément disruptif au profit de l’uniformisation nécessaire à la consommation de masse comme source du plus grand profit rapide, le lien qui existe entre les sciences et l’économie de marché devient de plus en plus évident, c’est une entente qui tend à une gestion conjointe du nombre des individus par les chiffres prospectifs sur une échelle programmatique…
2/ Pareillement dans la gestion de la santé publique qui veut évaluer la cause universelle à partir des effets singuliers en temps et lieux des diverses maladies ou des troubles comportementaux, par planification forcée ou par protection contrôlée des populations à risques, cela ne peut conduire qu’à une symptomatologie poussée à son maximum et finira par réduire les nœuds évolutifs à l’unique intervention technologique (vaccination), faisant de l’accident de parcours de cette gestion la seule modification possible et donc interdire celle de la participation individuelle à l’évolution (épigénétique positive)…
3/ idem pour le maintient et « l’amélioration » des armements de tous types, la prudence collective prenant la domination du territoire et des biens qui s’y trouve (y comprit l’identité nationale si c’est un bien ?) relègue la prudence personnelle dans une zone d’obéissance contrainte car dans le modèle de conscience collective de la survie, la « défense du groupe idéel » prévaux sur la sauvegarde de l’individu réel…
Conclusion :
Les facultés neurobiologiques du cerveau humain mise en lumière par l’expérimentation, n’opérant que par stimulation avec un « objet » ad hoc, il se posera toujours la question de la stabilité individuelle de la conscience comme le problème rétroactif du contact, de l’interprétation et de la projection dynamique du corps présent hic et nunc, ce pourquoi l’étude expérimentale des neurosciences aura toujours aussi à se défier de cette formule « ce que mon filet prend je l’appelle poisson » car de cette formalisation scientifique peut advenir et advient la plupart du temps in fine, une modification technologique des rapports induits par le savoir répandu…
Annexe :
1/Est-ce que la recherche d’une vision rectiforme de la progressivité consciente est une fatalité ?
2/ Peut-on réformer sans déformer et imposer sans recomposer la conscience individuelle ?
3/ Garde-t-on sa liberté de conscience dans un monde ultra-médiatisé ?
4/ les facteurs évolutifs sont ils assez connus pour formaliser une vision projective de l’humanité ?
5/ la vertu comme « actes répétitifs » et « état stable de la conscience » est-elle suffisamment élucidée ?
1/Est-ce une fatalité de suivre la participation rectiforme de notre socialisation (progressivité consciente), qui ne garde qu’une quantification normative de l’effet de groupe et rejette la qualification singulière de chaque personne, à savoir sa conscience spirituelle ? (donc impossible a identifier avec l’une ou l’autre des fonctionnalités du cerveau par voie d’évaluation matérielle) …
En fait plus le nombres des individus s’accroit et plus la gestion des strates socio-économiques devient complexe, plus augmente aussi les systèmes de régulations réflexes/automatisés, (comme dans un cerveau ou dans une unité informatique) donc plus la société humaine quitte la zone restiforme, plus elle génère une normalisation de la zone rétiforme par une gestion de la zone rectiforme, passant donc de l’instinct aux tendances et de ces deux à un système normatif et quantifiable aboutissant à une norme sociale de l’information collective…( IA )
L’uniformisation des consciences étant la solution la plus pratique (artificiellement et plus selon la nature) pour entretenir les échanges et les partages sociétaux normalisés et c’est à mon avis la tendance intellectuelle des sciences cognitives et neurobiologiques bien que cela conduise l’humanité vers un non-sens évolutif…Existe-t-il une autre voie de développement évolutif pour l’humanité ? est un autre sujet…
2/Peut-on réformer sans déformer et imposer sans recomposer la conscience individuelle ?
Il semble que cela ne soit pas possible au regard des quelques dizaines d’années où la vision progressiste des politiques, acteur-trices économiques et scientifiques ont déployer des efforts de rationalisation du travail et des techniques et des relations sociales, il se trouve au contraire et de façon oppositionnelle, que le développement pratique des structures de production des idées et des objets et relations, suive la voie d’une relativisation du substrat conscient de l’individu, pour imposer un modèle systémique unique où l’information est une donnée quantifiée par la numération programmatique…
Cette sorte de dictat consensuel où la quotidienneté psychologique ne soit plus la base de la consommation, du travail ou des relations amicales et sociales, mais un vaste champs d’expérimentations rationnelles de l’inventivité du « marché »là encore dans une coupe réglée* qui recompose la conscience personnelle à n’être que réactive et pratiquement plus active de sa destinée, le destin commun des populations devenant une déformation imposée à chacun-e dans une recomposition par réformes successives…
3/ Garde-t-on sa liberté de conscience dans un monde ultra-médiatisé ?
C’est là que l’information collective prend toute son ampleur, que se soit par la presse ou par la médiatisation des informations en réseaux sociaux, car pour entretenir la dynamique réformatoire il est indispensable d’avoir des points de contrôles et donc des zones d’accès à la conscience personnelle, le paradoxe de cette systématisation de l’information étant de la proposer comme unique source de jugement personnel et donc d’une certaine autonomie de conscience identifiée avec une liberté acquise…
4/ les facteurs évolutifs sont ils assez connus pour réifier une vision projective naturelle de l’humanité ?
à mon avis non pas du tout, car si nous connaissons par la biologie, l’anthropologie ou la sociologie voir la psychologie comportementale, une part de cette évolution, elle est immédiatement rendue formelle, c’est-à-dire extraite de sa dynamique naturelle, et ce faisant perd son caractère transductif puisque toute représentation conceptuelle est coupée de sa source pour devenir par elle-même une source de connaissance…
C’est là le statut de la connaissance théorique qui est désigné comme parenthèse déformante, alors que la connaissance de l’évolution devrait être uniquement contenue dans le vécu lui même, (non pas par l’analyse du vécu comme le fait la psychologie), mais là encore dans une conscience de sa propre participation et personnalisation à et de l’évolution…
Les facteurs évolutifs naturels devenant de plus en plus remplacés par les facteurs informatifs artificiels, il est certain qu’une sorte d’involution remplace aussi de plus en plus l’évolution, cela est assez simple à comprendre car le statut du savoir théorique du corps social remplaçant progressivement le statut du savoir pratique du corps individué, l’évolution qui se génère en chacun comme une part de continuation naturelle, devient une formalisation stéréotypique (stéréo-isomérie programmée épigénétiquement par un savoir conceptuel)…
Puisque la plasticité de la structure synaptique permettant de programmer une « conscience réactive d’obéissance » à la ressemblance d’un programme informatique, l’évolution naturelle liée au contact du corps à son milieu de vie naturelle se trouve donc remplacée par une involution systémique, sorte d’algorithme d’application de l’intelligence humaine au système d’exploitation d’une « machine sociale complexe »( comme le langage par la lecture, objet suggestif d’expérimentation de S. Dehaene)…
5/ la vertu comme « actes répétitifs » et « état stable de la conscience » est-elle suffisamment élucidée ?
À ce qu’il semble, la vertu qui est une disposition et une tendance porte une suite de phases interactives de conscience par ses effets en situation, car c’est toujours dans l’expérience singulière que la vertu trouve ses points d’appuis et de corrections, (évolution transductive individuée) mais comme un fleuve qui dépose ses sédiments, la vertu dépose des strates mnésiques qui stabilisent la conscience dans un état vertueux, donc référentiel à la prochaine action…
Ce qui n’est pas assez connu c’est sans doute la capacité naturelle de l’intelligence à préparer son environnement pour que l’acte vertueux soit intégré comme élément d’évolution majeure, rappelons que l’acte vertueux naturel est uniquement ce qui permet de penser et d’agir pour le bien ultime comme pour le bien relatif, dans une adéquation des moyens pour la fin…
De ce fait l’erreur globale de l’éducation et de la socialisation résulte que l’état vertueux est imposé comme un programme théorique d’application extérieur à la conscience, alors qu’il ne peut exister que par le choix libre et répétitif face à un bien singulier, comme pour la vue qui est la vertu de voir, c’est la lumière qui à sollicité une réaction interne de l’organisme du vivant pour qu’il se stabilise dans la formation de l’œil…
De plus ce qui peine à être admis avec la formation vertueuse de la conscience, c’est l’implication de la volonté comme symétrie évolutive de l’intelligence, autrement dit que c’est par l’acte de l’intelligence répété et choisi non pas pour lui-même mais en vu d’un bien singulier ou collectif, que la volonté confère à l’individu son caractère évolutif, en synchronisant la quotidienneté des vivants, comme nécessité synthétique de l’information transductive…
Les pollutions qui sont les preuves de cette disjonction entre la symétrisation de la volonté et de l’intelligence est la plupart des fois dû à un savoir scientifique qui a été coupé de la volonté évolutive de survie de tout le vivant, ce faisant les informations ne sont plus orientées (l’évolution est avant tout une direction vitale) vers le bien de toutes les parties réunies en un tout, mais se réduisent à satisfaire une seule partie au détriment des autres, c’est pourquoi l’on confond souvent le progrès avec la proposition darwinienne de la loi du plus fort…(qui elle même serait à revisiter)