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La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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(suite de ...)


Elizabeth Anscombe puise sa notion de connaissance de soi sans observation en empruntant à Aristote la distinction entre deux formes de connaissance : "se peut-il que la philosophie moderne n'ait rien compris du tout à une chose : à savoir ce que les philosophes anciens et médiévaux entendaient par connaissance pratique ? Assurément, en philosophie moderne, nous avons de la connaissance une conception incurablement contemplative. [Or] il y a deux connaissances : l'une par observation, l'autre par intention"(Anscombe, l'Intention, §32). En effet, Aristote remarque que "deux facultés [désir -orexis- et intellect -noûs-] sont donc principes du mouvement local. [...] L’intellect qui raisonne en vue d’un but [logizomenos] c’est-à-dire l’intellect pratique [noûs praktikos] se distingue de l’intellect théorique [noûs theoretikos] par sa fin [telei]"(Aristote, de l'Âme, 433a). Autrement dit le mouvement que nous faisons vers quelque chose est toujours motivé (comme chez Spinoza ou Freud) par le désir, lequel, dans le cas spécifique de l'homme, est guidé par l'intellect. Sauf que ce quelque chose vers quoi nous nous mouvons, soit il existe déjà indépendamment de nous et il est à l'origine du mouvement, soit il n'existe pas encore ou, du moins, pas comme nous le souhaiterions et il est alors la fin du mouvement. Dans ce cas, que "le terme final du raisonnement est le point de départ de l’action"(Aristote, de l'Âme, 433a), puisqu'il peut être envisagé, soit de modifier, soit de détruire, soit même de créer un objet qui, avons-nous dit, pourrait être autre qu'il n'est au moment où nous le désirons. Tandis que dans l'autre cas, notre mouvement vers lui se bornera donc, par définition, à une contemplation ("theoria") au moyen de l’intellect théorique ("noûs theoretikon"). Aussi, la vertu, l'excellence de l'intellect guidant le désir ne peut être la même dans les deux cas. Aristote les nomme, respectivement excellence théorique ("sophia") et excellence pratique ("phronèsis") : "l'excellence théorique consiste à rechercher la vérité dans ce qui est universel et nécessaire, […] tandis que l'excellence pratique consiste à être capable de vouloir comme il convient ce qui peut être bon et utile"(Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 1140a-b). Il va de soi que le succès de l'entreprise vengeresse d'Ulysse doit être rapportée à son excellence pratique, car "l'excellence pratique, c’est ce mode d’être qui […] détermine notre action à l’égard des choses qui peuvent être bonnes pour l’homme en général"(Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 1140b). Or, l'excellence pratique est une vertu ("aretè") au sens où Aristote dit que "la vertu est un juste milieu […] entre deux vices, l'un par excès et l'autre par défaut.Voilà pourquoi aussi c'est tout un travail que d'être vertueux. En toute chose, en effet, on a peine à trouver le moyen : par exemple trouver le centre d'un cercle n'est pas à la portée de tout le monde, mais seulement de celui qui sait. Ainsi également, se livrer à la colère est une chose à la portée de n'importe qui, et bien facile, de même donner de l'argent et le dépenser ; mais le faire avec la personne qu'il faut, dans la mesure et au moment convenables, pour un motif et d'une façon légitimes, c'est là une œuvre qui n'est plus le fait de tous, ni d'exécution facile, et c'est ce qui explique que le bien soit à la fois une chose rare, digne d'éloge et belle"(Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 1109a). De fait, la colère d'Ulysse, tout comme celle d'Achille, sont, à cette aune, des colères éminemment vertueuses. La difficulté d'être vertueux réside dans l'aspect périlleux, voire franchement aléatoire, du choix des moyens d'atteindre le but fixé dans un mode sublunaire gouverné par l'incohérence des dieux, autrement dit par le destin ("tukhè"). Encore une fois, si la fin visée existait déjà, il n'y aurait pas vraiment de problème : soit on serait capable de la viser par la seule force de l'intellect théorique, soit on n'en serait pas capable. En revanche, c'est parce qu'elle n'existe pas encore qu'elle est contingente et que les difficultés s'amoncellent parce que rien ne garantit à l'agent, quelque vertueux qu'il soit, que ladite fin, action ou production, de possible ("dunamis") qu'elle est au moment de la visée intentionnelle ("prohairèsis") devienne une réalité ("énergéïa"). C'est pourquoi "nous ne délibérons pas tellement sur le but que nous nous proposons, c’est plutôt sur les moyens qui doivent nous y conduire […]. La fin qu’on poursuit étant l’objet de l'intention, les moyens qui mènent à cette fin peuvent être soumis à notre délibération et à notre décision"(Aristote, Éthique à Nicomaque, III, 1112b-1113b). Or, parmi les risques que court l'agent qui choisit ses moyens d'agir ou de produire, il y en a un qui l'emporte en gravité sur tous les autres : manquer l'occasion ("kaïros"), rater le moment opportun. Car, au fond, la connaissance pratique ("noûs praktikos"), contrairement à la connaissance théorique (noûs théorétikos), "n'a rien de stable [puisque] c'est aux agents eux-mêmes qu'il appartient de tenir compte de l'opportunité [ton kaïron], comme c'est aussi le cas pour l'art médical et pour celui de la navigation"(Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 1104a). Les exemples du médecin et du navigateur que prend Aristote pour illustrer son propos sont très significatifs. De même, le succès de l'entreprise d'Odusséus Polumètis, ("Ulysse aux mille ruses") dépend, entre autres choix, de celui, crucial, du moment opportun pour se saisir de l'arc, décocher la flèche, viser une autre victime, se déclarer auprès d'elle, l'invectiver, la tuer, etc., le tout dans un ordre chronologique déterminé tout en étant parfaitement aléatoire quant à son issue.

Nous sommes à présent en mesure de fonder, par et dans la métaphysique d'Aristote, l'irréductible dualité de l'âme et du corps en considérant, précisément, le corps, non pas dans l'absolu comme chez Spinoza ou les phénoménologues, mais en situation dans un biotope déterminé quoiqu'inachevé et, par là, incertain, et l'âme non plus comme une substance éthérée et supérieure en dignité comme chez Platon ou Descartes, ni comme une fonction représentative comme chez la plupart des philosophes, mais comme la forme que prend le corps, en situation, dans ledit biotope, bref, comme une in-formation du corps. Dans un article déjà un peu ancien, nous montrions, à la lumière de la philosophie de Spinoza et, surtout, de celle d'Aristote, que l'information est essentielle à la matière, tout particulièrement à la matière vivante, sans pour autant être une représentation de quoi que ce soit.Dans un passage célèbre mais un peu obscur du livre II de la Physique, Aristote écrit qu'"en un premier sens, on appelle cause [aitia] ce dont provient une chose et qui est en elle, ainsi l'airain est, en ce sens la cause de la statue […] ; en un autre sens la cause est la forme et le modèle des choses, c'est la notion qui détermine l'essence d'une chose, par exemple, en musique, la cause de l'octave est le rapport de deux à un"(Aristote, Physique, II, 194b). Et de continuer en disant que "dans une troisième acception, la cause est le principe premier d'où vient le mouvement et le repos, [en ce sens], ce qui produit le changement est cause du changement produit […] ; en dernier lieu, la cause signifie la fin et c'est alors le "en-vue-de-quoi" de la chose, ainsi la santé est la cause de la promenade"(Aristote, Physique, II, 194b). D'où les quatre sens de la notion de causalité : le sens matériel, le sensformel, le sens mécanique et le sens final. Les deux premiers sens de la notion de "cause" fondent ce qu'il est convenu d'appeler l'hylémorphisme, c'est-à-dire l'idée qu'il n'y a pas de matière (en grec "hulè") sans forme (en grec "morphè") ni de forme sans matière. Les deux derniers participant de ce qu'on pourrait appeler, par parallélisme étymologique, le poïétotélisme, à savoir l'idée qu'il n'y a pas non plus de fin ("télos") sans moyen ("poïèsis") et inversement. En tout cas, forme et matière sont mutuellement immanentes l'une à l'autre : la forme n'est pas une option pour la matière, pas plus que la matière ne se surajoute à une forme pré-existante. Les deux exemples qu'il donne sont, à cet égard, parfaitement clairs : la matière de la statue a toujours déjà une certaine forme, de la même manière qu'il n'y a pas de musique sans un certain rapport réglé (forme) entre les notes de la gamme (matière) et vice versa. À cet égard, Gilbert Simondon fait l'hypothèse que "ce n'est pas seulement l'argile et la brique, le marbre et la statue qui peuvent être pensés selon le schéma hylémorphique, mais aussi un grand nombre de faits de formation, de genèse et de composition, dans le monde vivant et dans le monde psychique [...]. Le rapport même de l'âme et du corps peut être pensé selon le schème hylémorphique"(Simondon, l'Individu et sa Genèse Physico-Biologique). Comment, en effet, Aristote, pense-t-il le vivant ? "Parmi les corps naturels, certains ont la vie et certains ne l’ont pas"(Aristote, de l’Âme, I, 412a). Or, d'une part, "l’être, pour les vivants, c’est la vie"(Aristote, de l’Âme, II, 415b), et, d'autre part, "nous entendons par vie [zôèle fait de se nourrir, de croître et de dépérir par soi-même"(Aristote, de l’Âme, II, 412a). D'où l'on peut comprendre que la nutrition, la croissance et même la mort sont à la fois les causes mécaniques du corps vivant et, dans la mesure où elles sont aussi "le en-vue-de-quoi" du corps vivant, ses causes finales. Si maintenant "l'âme [psukhè] n'est pas le corps [sôma] mais quelque chose du corps"(Aristote, de l’Âme, II, 414a), elle n'est donc ni cause matérielle du corps (sinon elle se confondrait avec lui), ni sa cause mécanique ou sa cause finale (sinon elle se confondrait avec la nutrition, la croissance et la mort). Puisque l'âme est néanmoins "quelque chose du corps", il reste à conclure qu'elle est la forme du corps vivant. Mais ce n'est pas tout car, si l'âme n'était que la forme du corps, comme il n'existe pas de matière sans forme, on pourrait généraliser à tout corps ce qui a été dit du corps vivant. Certes, tout corps peut et doit être dit, au sens étymologique du terme, in-formé dans le sens précis où, en physique, une information est le contre-effet causal d'une augmentation de l'entropie dans un contexte spatio-temporel bien déterminé. Mais Aristote utilise le raisonnement contrefactuel suivant : si nous (nous autres humains, mais peut-être bien aussi tous les vivants) vivions dans l'Île des Bienheureux, autrement dit, si nous étions immortels comme les dieux ou inertes comme les pierres, nous n'aurions nul besoin de nous nourrir, nous déplacer, nous protéger, nous soigner et même, à cet effet, percevoir quoi que ce soit. Si, tout au contraire, nous éprouvons de tels besoins, c'est parce que, mortels et non inertes, nous avons à nous adapter à un milieu dans lequel nous allons naître, croître, dépérir et mourir. Comme l'écrira plus tard Karl Popper, "la sélection darwinienne apprend aux différentes espèces vivantes à conserver de l’information et à l’adapter aux divers problèmes qui se posent à elles ; la vie consiste donc en systèmes physiques qui tentent de résoudre des problèmes"(Popper, la Quête Inachevée, xxxvii). Bref, l'âme est, non seulement la forme du corps vivant, mais aussi, en tant que vivant, corps in-formé en permanence de la relation immanente qu'il entretient avec son milieu. Donc, en termes aristotéliciens, l'âme n'est pas seulement forme d'un corps vivant, mais aussi et surtout, forme d'un corps vivant en acte, c'est-à-dire en mesure d'affronter les problèmes liés à son caractère vivant. "En conséquence l'âme est la réalisation première d'un corps naturel qui a potentiellement la vie"(Aristote, de l’Âme, II, 412a),autrement dit, c'est cette forme du corps que l'on nomme l'âme qui rend le corps vivant. En ce sens, seuls les corps vivants sont animés, c'est-à-dire, littéralement, dotés d'une âme dans la simple mesure où ce sont des systèmes physiques dont la particularité est de conserver et organiser (ontogénétiquement ou phylogénétiquement) dans un milieu "intérieur" des informations sur leur milieu"extérieur", et pas seulement de les recevoir passivement de celui-ci. Est-ce à dire qu'Aristote nie toute spécificité à l'âme humaine ?

(à suivre ...)

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prière de lire, à ce propos, mon exposé ici-même


Votre vœu, PhiPhilo, est en voie d'être exaucé.


Vous reprendrez bien un peu de scientisme ?


Ceci n'est pas une provocation ; il me semble que l'on peut maintenant dépasser le stade  de l'affrontement et constater que si l'étude scientifique de la conscience est critiquable par la philosophie pour "l'inconsistance de sa démarche pseudo-scientifique, en réalité scientiste, le non-sens de son monisme réductionniste voire éliminativiste, et la naïveté de son représentationalisme cognitif", derrière "l'explication en apparence scientifique mais en réalité métaphysique, typique de l'idéologie scientiste" se cache un problème scientifique très ardu qui tient à la complexité de la matière vivante, qui est encore compliqué, justement, par le fait que biologistes et philosophes ne semblent pas voir qu'ils parlent du même sujet, mais dans des langages différents. Il s'agit donc d'un dialogue entre science et philosophie, mais avec la nécessaire intervention d'un traducteur. A cette fin, je vais essayer de formuler le problème biologique en utilisant au maximum les termes et notions que vous maniez, avec des questions que je vous poserai à leur sujet, si vous le permettez ; cela permettra d'éviter "les niaiseries wikipédesques reprises sans recul, sans filtre ni critique par des contributeurs dépourvus de culture philosophique".

(à suivre...)

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Bingo ! Encore que, parler d'entrée de jeu de "matière vivante" laisse assez peu d'espoir sur l'orientation future de l'analyse. Mais bon ... Je vous accorde le bénéfice du doute.

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parler d'entrée de jeu de "matière vivante" laisse assez peu d'espoir sur l'orientation future de l'analyse


C'est l'occasion d'éclaircir un point. Pensez-vous comme Descartes : "quand bien même je ne posséderais point de corps, je ne cesserais d'être ce que je suis, à savoir une âme" ?
 

Admettez-vous que vous êtes un être biologique et que, quelles que soient les performances de votre Pensée, elle est le produit de l'évolution biologique ? Que la philosophie puisse s'isoler "lexicalement" et conceptuellement, de même que le fait la science biologique dans son domaine, il faut obligatoirement trouver un point de passage qui permette le dialogue entre les deux disciplines. Vous citez vous-même Popper et poursuivez en parlant d'"un corps vivant" et de sa relation avec son environnement.



Comme l'écrira plus tard Karl Popper, "la sélection darwinienne apprend aux différentes espèces vivantes à conserver de l’information et à l’adapter aux divers problèmes qui se posent à elles ; la vie consiste donc en systèmes physiques qui tentent de résoudre des problèmes"(Popper, la Quête Inachevée, xxxvii). Bref, l'âme est, non seulement la forme du corps vivant, mais aussi, en tant que vivant, corps in-formé en permanence de la relation immanente qu'il entretient avec son milieu



Maintenant, si vous considérez que le simple mot "cellule" ne doit pas apparaître dans une discussion philosophique, cela barre la route à un dialogue. 

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Pensez-vous comme Descartes : "quand bien même je ne posséderais point de corps, je ne cesserais d'être ce que je suis, à savoir une âme" ?


Déjà répondu ICI. Je me cite :

Descartes va beaucoup plus loin que Platon dans l'établissement d'une asymétrie entre l'âme et le corps au moyen de l'expérience de pensée selon laquelle je pourrais, à la limite, douter de l'existence de mon corps, mais quand bien même je ne posséderais point de corps, je ne cesserais d'être ce que je suis, à savoir une âme. En effet, Descartes, au terme de son entreprise de doute méthodique destiné à dégager des vérités qui, justement, seraient susceptibles de résister au doute, parvient à la première vérité métaphysique, la plus solide de toutes : "je ne suis donc précisément parlant qu’une chose qui pense, c’est-à-dire un esprit, un entendement ou une raison [...], la pensée seule ne peut être détachée de moi"(Descartes, Méditations Métaphysiques, II, 9). A contrario, le corps peut être détaché de moi, puisqu'il est une machine animale automatique, et que, à ce titre, il ne dépend pas de moi. C'est bien pourquoi "ce moi, l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, [...] est plus aisée à connaître que lui, et qu'encore qu'il ne soit point, elle ne cesserait pas d'être tout ce qu'elle est"(Descartes, Discours de la Méthode). Bref, pour Descartes, il est absolument hors de doute, c'est une idée claire et distincte que je suis une âme (res cogitans, "chose pensante", substance spirituelle) et que je ne suis pas un corps (res extensa, "chose étendue", substance corporelle). Je possède un corps (le corps n'est pas moi, il est à moi, il est uni à l'âme que je suis). 


Admettez-vous que vous êtes un être biologique et que, quelles que soient les performances de votre Pensée, elle est le produit de l'évolution biologique ?


Déjà répondu ICI. Je me cite : 

"il est évident, et personne ne peut raisonnablement en douter que ces processus cognitifs sont représentés, incarnés dans le système nerveux ; qu'ils sont, en dernière instance, autant de manifestations et d'expressions du fonctionnement du cerveau"(Imbert, Neurosciences et Sciences Cognitivesin Introduction aux Sciences Cognitives, I, i). En effet, c'est "évident" du point de vue de ce qui existe, de ce qui est, de ce qui est réel. On ne voit pas très bien, au seuil du XXI° siècle comment on pourrait prendre en défaut une telle prémisse de fait. Autrement dit, si on excepte quelques illuminés, nul ne "peut raisonnablement douter" aujourd'hui que tout ce qui existe s'analyse, in fine, en matière et/ou énergie au sens où Poincaré et Einstein ont établi cette équivalence. Sauf que le niveau d'analyse qui est ici évoqué est celui de la conditio sine qua non (condition nécessaire), du soubassement ultime de l'émergence des phénomènes mentaux, comme d'ailleurs de tout phénomène, mais non pas celui d'une condition suffisanteLa tendance à réduire les conditions suffisantes d'un phénomène à ses conditions nécessaires peut, à la rigueur, se justifier à l'époque des Lumières qui voient, à juste titre, dans la science (plus exactement, dans la méthode scientifiquela meilleure arme pour combattre l'obscurantisme, les superstitions et les privilèges y associés. Mais, aujourd'hui, ce réductionnismevoire cet éliminativisme consistant à prétendre éliminer tout idiome mentaliste, est caractéristique, encore une fois, du scientisme.


Vous citez vous-même Popper et poursuivez en parlant d'"un corps vivant" et de sa relation avec son environnement :

Comme l'écrira plus tard Karl Popper, "la sélection darwinienne apprend aux différentes espèces vivantes à conserver de l’information et à l’adapter aux divers problèmes qui se posent à elles ; la vie consiste donc en systèmes physiques qui tentent de résoudre des problèmes"(Popper, la Quête Inachevée, xxxvii). Bref, l'âme est, non seulement la forme du corps vivant, mais aussi, en tant que vivant, corps in-formé en permanence de la relation immanente qu'il entretient avec son milieu.


Prière d'aller jusqu'au bout du raisonnement (destiné à rendre compte de la philosophie d'Aristote et non de celle de Popper) :


Comme l'écrira plus tard Karl Popper, "la sélection darwinienne apprend aux différentes espèces vivantes à conserver de l’information et à l’adapter aux divers problèmes qui se posent à elles ; la vie consiste donc en systèmes physiques qui tentent de résoudre des problèmes"(Popper, la Quête Inachevée, xxxvii). Bref, l'âme est, non seulement la forme du corps vivant, mais aussi, en tant que vivant, corps in-formé en permanence de la relation immanente qu'il entretient avec son milieu. Donc, en termes aristotéliciens, l'âme n'est pas seulement forme d'un corps vivant, mais aussi et surtout, forme d'un corps vivant en acte, c'est-à-dire en mesure d'affronter les problèmes liés à son caractère vivant. "En conséquence l'âme est la réalisation première d'un corps naturel qui a potentiellement la vie"(Aristote, de l’Âme, II, 412a),autrement dit, c'est cette forme du corps que l'on nomme l'âme qui rend le corps vivant. En ce sens, seuls les corps vivants sont animés, c'est-à-dire, littéralement, dotés d'une âme dans la simple mesure où ce sont des systèmes physiques dont la particularité est de conserver et organiser (ontogénétiquement ou phylogénétiquement) dans un milieu "intérieur" des informations sur leur milieu"extérieur", et pas seulement de les recevoir passivement de celui-ci.


Maintenant, si vous considérez que le simple mot "cellule" ne doit pas apparaître dans une discussion philosophique, cela barre la route à un dialogue. 



Où ai-je prétendu une telle chose ?
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