jeje62 a écrit:Je tiens à m'excuser de l'agacement que j'ai pu vous inspirer. J'ai une légère tendance à répondre de manière impulsive. Pourrions-nous dire que c'est la fougue de la jeunesse ? :roll: Je réfléchirai de manière plus posée à l'avenir.
Vous n'avez pas à vous excuser. Votre réflexion est sérieuse et vos qualités sautent aux yeux. C'est ce que j'appellerai votre "synthétisme débridé" qui constitue un obstacle et qui plombe les fondements de vos hypothèses. Ce qui ne m'empêche pas le moins du monde de prendre plaisir à discuter avec vous.
jeje62 a écrit:Je n'apprécie pas le pourquoi car je considère qu'à cette question il n'y a pas de réponse précise. Le pourquoi implique une multitude de réponses et je pense que je tente d'isoler chacune des réponses pour les expliquer.
C'est en effet une entreprise indéfinie, qui a de quoi contrarier un scientifique. Mais cette question du pourquoi compte moins par les résultats impossibles auxquels elle ne mène pas que par l'obligation où elle nous jette de penser sans interruption, de multiplier, moins les réponses que les hypothèses, les perspectives, l'expérimentation intellectuelle, et plus encore, pour qui s'intéresse aux choses mêmes. Je ne sais pas si vous connaissez Kant, mais sa Critique de la Raison Pure devrait satisfaire vos exigences intellectuelles, car c'est l'œuvre majeure pour qui veut mettre de l'ordre dans sa pensée.
jeje62 a écrit:La communication s'exprime de diverses façons. La plus courante étant la parole. Le langage est amusant car finalement, il n'y a que soi pour comprendre vraiment ce qui est dit par soi. Une fois maîtrisé, le langage manipulé avec aisance est une grande arme, non seulement pour mieux se protéger soi, mais permet aussi une meilleure compréhension des personnes qui nous entourent. En effet à force de jouer sur les mots, on en découvre les multiples sens et sous-entendus.
C'est ce qui fait la beauté de la chose. Sans cela, pas de parole incarnée. La parole est humaine, de bout en bout. Le malentendu lui est consubstantiel. Or c'est très exactement cela, la communication. Si tout ce que nous disons était à la fois complètement dit et entendu (au double sens d'entendre et de comprendre) au moment où on le dit à celui à qui on le dit, la parole ne serait pas humaine, ou les hommes ne parleraient pas ; ils ne seraient jamais que traversés par quelque chose ou quelqu'un qui pense et se pense en eux. (Émanation cosmique ou divine, comme le pensaient les stoïciens ? Qui sait ?) Parler, vous l'avez bien compris, c'est mobiliser une myriade de choses qui, sans parler, disent quelque chose (cf. le paraverbal, la proxémie, etc.). De sorte qu'il nous faut bien admettre que, quand nous ne serions que deux à parler, quand deux personnes se parlent, ce n'est pas seulement un dialogue, mais un concert : plusieurs choses parlent en même temps. C'est plus ou moins cacophonique, euphonique ou symphonique, selon qu'on est capable de syntonie. Preuve qu'une conversation ne peut jamais n'être qu'intellectuelle, il y faut une quelconque forme de collaboration. On retrouve la notion d'implication : de l'énoncé, des personnes en présence et du contexte extérieur.
Dernière remarque à ce sujet : vous dites qu'il n'y a que soi pour se comprendre soi. Méfiance...
Nietzsche a écrit:Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas, nous ne pouvons faire autrement que de nous prendre pour autre chose que ce que nous sommes, pour nous vaut de toute éternité la formule : "Chacun est à soi-même le plus lointain".
La généalogie de la morale, Avant-propos, § 1.
Encore Nietzsche n'est-il pas original ici, c'est aussi vieux que le monde.
jeje62 a écrit:Je me rends compte à l'instant que le système de scolarisation réduit les capacités de vue d'ensemble. A moins que cela ne s'applique qu'à moi.
Ça s'applique malheureusement à beaucoup d'élèves. Il est désobligeant, qu'on le veuille ou non, de pointer systématiquement du doigt l'institution scolaire. Il n'est pas moins vrai qu'elle déstructure un nombre ahurissant d'élèves qui ne savent plus, au bout du compte, qu'ils sont intelligents, et qui, quand on leur demande, non de réfléchir — on ne le leur demande plus (ce n'est pas républicain, paraît-il) —, mais de répondre à des consignes et à des questions, restent complètement désemparés s'ils n'ont pas la méthode mais seulement leur intelligence, toute leur intelligence, rien que leur intelligence. Le voilà le cache-misère sacrificiel confectionné par la technocratie égalitaire : la méthode (qui, en fait de méthode, n'est qu'une collection de tiroirs, un musée des citations, une fosse luxueuse et confortable, aseptisée, d'où l'on regarde, moqueur mais fasciné, envieux mais improbateur, les penseurs qui passent. Or c'est cela, la méthode, se promener, frayer son chemin).
jeje62 a écrit:La Biologie explique quelque chose, les sciences humaines une autre, elles parlent du même sujet mais de façons différentes et font exactement ce que je fais. Je réduis. Ils réduisent leurs explications à leurs domaines de compétences. Pourtant les deux domaines expliquent l'être humain non ?
En effet. Dans ce cas, découvrez vite Aristote. Il ne peut pas ne pas convenir à un scientifique.
Dernière édition par Euterpe le Jeu 13 Fév 2014 - 0:42, édité 2 fois