Georges Réveillac a écrit: la gauche et la droite fluctuent à tel point qu’on ne sait plus les définir.
Vous l'avez rappelé, la distinction entre la gauche et la droite est celle que fit le premier président de l'Assemblée constituante. Cette distinction de circonstance ne signifie pas pour autant qu'on ne puisse établir des distinctions claires si on tient compte de l'histoire. Les bancs de l'assemblée ne bougent pas. Les hommes peuvent le faire, mais une assemblée où les parlementaires bougeraient systématiquement au gré des débats qui solliciteraient un coup leur "nature" de gauche, un coup de droite, une telle assemblée serait intenable. La seule chose qui puisse défiler, bouger sans nécessiter le déploiement de toute une logistique, ce sont les idées. Mieux vaut consulter l'histoire, donc, qui permet d'aller encore plus loin que vous ne faites vous-même en essayant de montrer que chaque individu est un composé de "droite" et de "gauche", à la fois égoïste et altruiste. Bien sûr, nous sommes à la fois les deux, mais vous figez à votre tour ce que vous disiez justement ne pas pouvoir figer. On peut être un monstre communiste, on peut être un inoffensif de droite. Quand Staline provoque la famine que l'on sait dans les années trente, en Ukraine, et qui a provoqué des millions de morts, est-il de "droite" ou de "gauche" ? Quand il envoie au goulag des millions de personnes, dont 17 millions décèderont sous son "règne", est-il de "droite" ou de "gauche" ?
Aux États-Unis, il n'y a pas de gauche, uniquement des démocrates ou des républicains. L'altruisme n'y existe pas ? Savez-vous comment on appelait les démocrates (les républicains), dans la première moitié du XIXe siècle ? Les libéraux
exagérés. Benjamin Constant siégeait à la droite des exagérés, à la gauche du centre (les libéraux). Or qu'a-t-on retenu de B. Constant ? Son "individualisme" : l'individu comme sphère absolument privée, interdite aux prérogatives de l'État. Et dire qu'un génie politique de sa trempe ne saurait pas où siéger aujourd'hui...
Pour ceux qui prétendent qu'on ne peut plus faire de différence entre droite et gauche (modernes), au motif que la gauche s'est "droitisée", si j'ai bien compris, outre le contre-exemple américain, vous avez le contre-exemple anglais, pour voir que cette indistinction prétendue est fallacieuse. Voilà deux grands pays caractérisés par un bipartisme très net, et que personne n'aurait l'idée de mettre au ban de la démocratie au motif qu'on n'y trouve pas une gauche à la française (le socialisme). Le problème vient plutôt de ce que les sociaux-démocrates français ne sont pas acceptés chez nous comme ils le sont ailleurs. Nous, et nous seuls, rêvons encore du rêve d'une gauche qui n'est plus qu'un objet historique (monde bipolaire, industriel, etc.). Les royalistes, qui ont aussi leur ridicule, quoique ou parce qu'ils sont réduits à une quasi inexistence, ne font pas tant de manières ; ils auraient pourtant mille raisons de réclamer des titres et une existence politique, si on se réfère à l'histoire.