NOU-JE a écrit:Ne déformez pas mes propos... Vous ne savez pas penser la technique, vous ne savez pas en faire un objet de pensée. D'abord parce que Stiegler ne vous donne pas les éléments qui vous permettraient de le faire, ensuite parce que vous appliquez systématiquement vos mêmes schémas à tout et à n'importe quoi ou qui (Debord, Marx, Deleuze...).S'il s'agit de dire que je ne sais pas penser
NOU-JE a écrit:La question n'est pas de savoir ce que je pense d'internet, ou ce qu'en pense quelqu'un d'autre. La question est de savoir ce qu'est "l'objet" internet, quelle connaissance on en peut avoir. Je vous l'ai dit, internet n'a pas une fonction à laquelle on l'aurait préassigné. Les fonctions sont venues avec les usages qu'on en fait. Il ne se passe presque pas un jour sans qu'on ne lui en invente de nouveaux. Parce que n'étant ni un objet au sens commun, ni un outil, il n'a pas de destination évidente. Si, donc, on s'en rapporte aux usages qu'on en fait, que constate-t-on ? L'usage principal concerne les réseaux sociaux, Facebook en tête. Pour autant Internet est-il le support d'un nouveau type de relations ? Non. La recherche d'informations prend une place importante. Sauf qu'internet ne propose pas de hiérarchisation, les sources et la qualité de l'information constituent un problème majeur. Les blogs et les forums, innombrables, montrent (les enquêtes le confirment) que les usagers souhaitent d'abord et avant tout s'exprimer et commenter les informations plutôt que d'en chercher, donner des avis plutôt que de les éclairer et de les étoffer avec de l'information. C'est du reste comme ça qu'on vend internet, avec des "arguments" porteurs : expression, liberté, démocratie, etc. C'est ainsi l'opinion publique qui se trouve renforcée, quand dans le même temps la qualité et les sources de l'information représentent le cadet des soucis de la plupart des usagers. Internet, c'est le paradis de la rumeur, et il faut du buzz. La durée n'y a aucune place. On passe beaucoup de temps avec de l'instantané, et pour cause, dans l'instantané le temps est aboli.Bon, dans le fond, vous en pensez quoi d'internet ?
NOU-JE a écrit:Pour confirmer il faut étayer. Vous basculez arbitrairement, et sans réfléchir aux implications conceptuelles, de l'addiction à la maladie en général. L'addiction induite par les nouvelles technologies n'est pas une "maladie". On n'emploie du reste le terme que par transposition, métaphore héritée des problèmes liés à la drogue, en raison de ressemblances. C'est une perversion, au sens littéral du terme : détournement, réorientation, dévoiement, déviance. Avec toutes les conséquences psychologiques et sociales que l'on connaît. Allez donc raconter vos théories aux familles complètement détruites qui vivent un enfer avec ce genre de phénomènes ; mieux : allez donc en conférer avec des thérapeutes.Une addiction peut devenir une tare ou l'avoir été oui je confirme. Si l'addiction est quelque chose de négatif, pour vous, d'absolument négatif, alors l'est aussi la maladie, chose que je ne crois pas... La maladie c'est la vie, je veux dire que ça en fait partie, que c'est intimement lié à elle.
NOU-JE a écrit:La râpe à fromage est une machine, maintenant ? Vous êtes complètement hors-sujet ! D'abord, vous reprenez un vieil argument hérité passivement et servilement de Marx parce que vous vous contentez de le trouver tous azimuts chez des épigones qui vous donnent l'illusion que vous pourriez faire de la philosophie sans l'étudier. Et puis quoi encore ? Vous seriez au fait de toute la littérature sur le machinisme, l'industrialisation, la technique ? Regardez du côté de Sauvy, d'Ellul, etc. Lui au moins a lu Marx - et en France, on les compte sur les doigts de la main ses lecteurs avérés. En proposant d'expliquer la prolétarisation et l'aliénation par la lutte des classes, par l'exploitation des uns sur le dos des autres, Marx a non seulement contribué à réconcilier les hommes et la machine (toutes les études montrent que la machine faisait l'unanimité, du XVIIIe jusqu'au milieu du XIXe environ, pour dénoncer les problèmes des ouvriers), mais a contribué à développer et à enraciner l'idée que les "patrons" sont, par définition, des exploiteurs. Ellul a démonté tout ça implacablement et on ne peut plus clairement : le problème est bien dans la technique en général. C'est à lui qu'on doit d'avoir eu une vision globale, dont le machinisme, l'industrialisation, etc., ne sont qu'un aspect. C'est lui qui a compris et théorisé l'autonomie de la technique, dont vous n'avez manifestement pas eu vent. Vous devriez enfin étudier plus attentivement vos luddites, ils savent ce qu'ils font, ils connaissent leurs vraies cibles.Mais c'est un peu facile dis-je. Car en effet, ces machines, qui remplacent le travail des ouvriers, diminuent le temps de travail humain au profit d'un temps de travail plus rentable qui est celui des machines, lorsque cette usine ferme pour la nuit, elles restent des machines, elles restent maîtresses d'un ordre qui règne dans la production, la division sociale du travail et qui l'organisera encore à la réouverture de l'usine. Une râpe à fromage sera toujours râpe à fromage, parce qu'elle est là. Je trouve la distinction que vous faire un peu inutile en fait. Autrement dit, en tant qu'outil technologique, ces machines déterminent-matérialisent, par la présence même de leur installation, un ordre des choses, qui même lorsque la machine est à l’arrêt, perdure : lorsque les "luddites" (conflit socio-industriel opposant artisan et manufacturier) détruisent les équipements de la production, font œuvre de sabotage des machines dans les manufactures, leur théorie n'est pas assez consistante pour leur montrer le fait d'existence des machines, l'importance centrale qu'elles ont dans la production et son organisation. Ils supposent qu'en détruisant les machines, on éliminera l'exploitation, alors qu'il s'agit non pas de détruire la matérialisation de l'idée, mais l'idée elle-même. Vous donnez l'illusion que nous pourrions faire abstraction de l'existence de ces machines lorsque nous ne les utilisons plus. C'est presque idéologique, tandis que ces machines peuvent fonctionner et sont même surveillées par des gardiens que l'on paye afin d'être certain qu'elles fonctionneront correctement et qu'aucun luddite "mélanchoné" ne viendra les saboter dans la nuit. Tant qu'elles peuvent fonctionner, elles existent en tant que telles, je ne vois pas où il vous serait permis d'en faire abstraction.
[...]
Alors après, vous pouvez me répondre que s'il y a grève, les équipements de travail n'existent plus comme tels. Et bien je vous réponds qu'ils existent encore comme tel, même s'ils ne sont pas utilisés, et ce n'est que dans votre relativisme que ces machines "n'existeraient" plus. La machine aurait pu libérer l'homme, mais elle l'a prolétarisé. Ce processus second de prolétarisation n'est pas lié à la machine en elle-même, mais à l'environnement économique, social, marchand, dans lequel elle apparaît et qu'elle servira directement dans son fonctionnement institutionnalisé, dans le rôle central que va commencer à jouer en Angleterre la division sociale du travail.
NOU-JE a écrit:C'est vrai que la râpe à fromage n'a pas la noblesse de l'imprimerie ! Je pouvais prendre n'importe quel autre exemple, c'est pourquoi j'ai pris un exemple quelconque, comme toujours. Vous devriez en méditer les vertus, à commencer par celle du bon sens. Quant au reste, je vous l'ai déjà écrit : Stiegler mélange tout. Il n'y a rigoureusement aucune comparaison possible, du point de vue qu'il occupe, entre l'écriture ou l'imprimerie, et les technologies modernes. C'est comme ça. Sa pharmacologie, c'est intellectuellement stimulant, c'est une manipulation amusante d'idées, mais le résultat n'est pas plus ni moins probant que celui des expériences farfelues qu'on peut trouver chez maints artistes contemporains. Il pourra prendre tous les mots qu'il veut : s'il les utilise comme il utilise l'hypomnésie, on obtiendra toujours la même chose. Il ferait mieux d'étudier avec plus de soin ce qu'on appelle des artefacts.Il parle d'inventions majeures dans l'histoire, de l'imprimerie, de l'alphabet, de la photographie, cinéma, scanner... Et du reste, on ne peut pas imaginer l'existence du cinéma sans celle préalable de la photographie.