Euterpe a écrit: Internet et la télévision n'ont rien à voir, sinon l'écran. Notre "rapport" à la télévision est unilatéral, par définition. Avec internet, il y a multilatéralité. Le problème, c'est qu'on a une multilatéralité de trajectoires parallèles. Or, les parallèles ne se croisent pas. Ce qu'offre internet, c'est la simultanéité, pas le croisement.
Je ne suis pas certain qu'Internet et la télévision n'aient "rien à voir" (belle formule !). D'abord, comme dirait Wittgenstein, il y a entre les deux technologies de nombreuses "ressemblances de famille" (
Familienähnlichkeiten), ne fût-ce que l'écran, justement qui impose à leurs utilisateurs respectifs des postures communes. Et puis il est manifeste qu'il y a d'une part de plus en plus de télévision interactive et d'autre part une dose incompressible de passivité chez l'utilisateur d'Internet. Mais bon, il faudrait approfondir tout cela.
Euterpe a écrit: Le langage est constitutif de la réalité. Il la construit.
Non. Le langage ne construit pas, ne constitue pas la réalité. Il la découpe, il l'organise, il la rend pertinente pour nous, si on veut. Il nous indique ce qui existe, dit Quine. C'est-à-dire qu'il permet, entre autres discours, de tenir un discours ontologique, étymologiquement, discours sur ce qui est. Mais le réel n'a évidemment pas attendu l'apparition de l'homme et de son langage pour être ce qu'il est.
Euterpe a écrit: Les moyens techniques de communication ne sont pas des médiations, mais des immédiations, ils abolissent toute distance, toute temporalité.
Paul Virilio dit des choses très intéressantes là-dessus. Il a notamment une formule qui résume bien, ce me semble, le paradoxe posé par l'inflation du rapport de la distance au temps (ce qu'on appelle la "vitesse") :
Ce qui est venu avec l'engin rapide ce ne sont même plus les hasards du voyage, c'est la surprise de l'accident. (Esthétique de la Disparition)
C'est-à-dire que, paradoxalement, en voulant parcourir de plus en plus de distance en de moins en moins de temps (distance tendant, virtuellement, vers l'infini et temps tendant, virtuellement, vers 0 pour Internet), loin d'accroître la maîtrise de notre destin comme on aurait pu le supposer, c'est la quantité d'événements imprévisibles qui s'accroît exponentiellement et qui rend donc,
in fine, notre maîtrise de nous-mêmes de plus en plus problématique.
Euterpe a écrit: nous vivons dans une société [...] complètement atomisée
Encore une formule remarquable !