Je ne vais pas vous prendre trop de votre temps, je vais toucher juste, dans le mille.
Comme ceux qui m'ont lu doivent s'en douter, je suis un débutant en matière de philosophie au sens de l'institution philosophique. J'exerce le pouvoir de ma pensée aussi longtemps que je me souvienne, avec disons, assiduité, sans toutefois avoir su saisir chaque opportunité de l'enrichir ni même, loin s'en faut, avoir exercé sur elle une critique un tant soit peu critique d'elle-même.
Voilà plusieurs semaines que j'essaie de rédiger ici même la genèse de mes réflexions, et toujours, immanquablement, me vient l'impression que je n'ai rien à dire. Mauvais départ, disons. La futilité de mes écrits n'a d'égale que leur désespérante volatilité ; ils n'ont aucune autre portée que celle d'une introspection quelconque. Je pourrais vous parler des heures durant des réflexions qui me viennent quand à la notion de désir, il n'en reste pas moins que posées à l'écrit, et Dieu seul connaît mon penchant à Sacraliser ce média, mes pensées sont à mon goût légères, au point même de ne pas légitimer une seconde d'attention en plus.
Dieu soit loué ! J'acquiers du goût, et ce goût me dégoûte de moi-même. C'est une avancée conséquente, reconnaîtrons tous ceux qui ont connu ces turpitudes, ou même tous ceux qui m'ont lu, ici ou ailleurs.
Je ne vais pas vous infliger mes idées sur le désir, pas tout de suite, elles germent toujours et je sens encore le poids de la masse opaque de l'expérience ; sur le point d'être éclatée en une mosaïque de floraisons plus ou moins conscientes, plus ou moins fertiles elles-mêmes.
Ma grande question, barbarisée ou sacralisée (c'est selon) reste : suis-je maître de mes pensées ?
Moi qui viens concentrer mes affirmations pour les voir démolies et reconstruites, me voilà les bras pendants devant une question en apparence simpliste. J'en viens à vous écrire, et je crois que je vais publier cet écrit sur le forum, non pas parce qu'il me satisfait, en dehors du fait que la fluidité de mes idées, induite par l'alcool dois-je concéder, me rend fier de moi-même et des progrès que j'ai fait - je me l'accorde - en très peu de temps ; non, je vais publier cet écrit parce qu'il rend compte de la radicalisation de l'éventail de questionnements que je parcours. Cette question de la maîtrise de ma propre pensée est le point de croisement de la plupart des questionnements qui animent mon intellect. La question de savoir si cette question en elle-même n'est qu'un résidu des écrits et débats auxquels j'ai eu accès me torture tout simplement.
Comme je l'ai déjà écrit à une connaissance forumique, j'ai le sentiment d'avoir, depuis toujours, concédé l'application de petites peaux (qualifications) sur les choses de mes sens, ou sur les choses produites par l'imagination à partir de mes sens et de ma mémoire. Par exemple, le fait que la poussière soit une mauvaise chose, ou encore le fait que l'Amérique, alors que j'ai 6 ans et n'ai rien en tête sur l'Amérique hormis la genèse imaginative des choses que j'ai compris sur les États-Unis dans les livres pour enfant, est un pays libre. Ainsi dis-je, j'ai placé sur nombre de choses sensorielles ou imaginatives, des petites peaux, des opinions d'autrui, des ressentis d'autrui, non pas parce que la nature de ces choses m'intéressait mais parce que jouer au jeu des petites peaux m'intéressait. Avoir des opinions était quelque chose de valorisé chez moi, faire preuve d'intelligence et de lucidité également. Le débat a toujours été mis en avant, malgré (parce que ?) une opinion paternelle faisant foi d'étalon.
Ainsi en suis-je venu à penser que je pensais par moi-même, à développer cette dynamique. Également, en suis-je venu à croire en ma capacité à comprendre les idées d'un autre. Je pouvais comprendre l'organisation des petites peaux de mon frère, de ma mère, de mon maître d'école même, j'intuitais leurs logiques, je parlais mieux qu'eux de leurs opinions, les défendais mieux qu'eux, les ridiculisais mieux qu'eux. J'ai toujours su mettre à profit le jeu des petites peaux, j'ai même cru et, j'ose le dire, ressenti la valeur de la vérité. Ceci sachant toujours que plus était à venir, que mes connaissances ne valaient rien si ce n'est qu'elles avaient valeur d'échange et même de domination sur le plan intellectuel. En effet, j'ai vite compris que l'admiration des autres sur le plan sportif se trouvait éclipsée bien vite par l'admiration sur le plan intellectuel. L'un et l'autre sont rarement le fruit d'un travail digne de mérite, au moins jusqu'à l'adolescence, toutefois le plan intellectuel contient plus de profondeur, de mystère, bref, d'aura. Cette aura, soutenue par une confiance en son corps, vaut alors tout l'or du monde parce qu'elle vaut l'admiration des amis, de la famille, des filles surtout. Et quelle conquête que celle-là ! Les filles. Mon adolescence et ma post adolescence ont été régies par le désir de maîtriser la femme, de la dominer de mon corps, de mon expérience, de mes pensées. La dominer juste assez pour l'ouvrir, à la manière d'un fruit qu'on éclate assez pour en libérer le nectar. Or me fallait-il seulement 20 secondes de réflexion pour découvrir que ce désir était un désir de moi-même ? Un désir ego-centré ?
Qu'est-ce que je cherche dans cette poussée inexorable vers la femme, vers l'ami, vers l'Autre, si ce n'est une expérience de moi-même conforme aux exigences de la femme, de l'ami, de l'Autre ? Pourquoi ?
C'est ici que je ne vous tiendrais pas gré de ne plus me suivre, de vous rebeller contre l'inconsistance de mes suppositions.
Savez-vous qu'aux échecs, lorsque toutes les possibilités de mouvement d'une pièce équivalent à sa perte, la pièce est dite dominée ?
Voyez la situation d'un enfant. Pour les joueurs d'échecs, considérons un cavalier noir en d8 et un fou blanc en d5 ; le cavalier est dominé par le fou. Pourquoi ? Non pas parce que sa position est attaquée, non pas parce que le cavalier lui-même est attaqué, mais parce que toute opportunité de mouvement, de poussée, est interdite, ou du moins soumise à la volonté du fou. De la même manière, le désir (mouvements) de l'enfant se trouve soumis à celui de ses parents. Non seulement il dépend d'eux, mais surtout, et c'est d'après moi cette compréhension qui l'habite longtemps, il est dominé par eux. Cette constatation faite, fatale en un sens, de la précarité de son existence, le voilà qui s'assure 1 que les désirs de ses parents équivalent le plus possible à la réalisation des siens propres, et 2 que les siens propres équivalent à la réalisation de leurs désirs. La logique binaire qui soutient cela réside en 0 indifférence 1 différence, et c'est au moyen de celle-ci qu'il commence à se sensibiliser à ses parents en tant qu'êtres (en même temps qu'il tend de toutes ses forces à les rendre objets). Il continue longtemps à réduire ses parents à l'état d'objets en utilisant leurs caractères d'êtres, jusqu'à ce que peut-être, et c'est mon cas actuellement, il se rende compte finalement que son désir de les rendre objets n'est effectif qu'aussi longtemps qu'ils sont êtres, et par là-même, lointains et infinis. Il en va de même pour les relations amoureuses. J'ai personnellement longtemps perçu la femme comme le moyen de me séduire moi-même, comme un objet que j'acquiers et qui vient combler les attentes que j'ai de moi-mêmes, elles-mêmes basées sur les attentes de l'autre et sur ses désirs que j'ai plus ou moins efficacement su percer à jour. Mais, et c'est un exemple et un témoignage, qui n'a d'autre valeur que celle d'un témoignage, voilà 6 mois que je suis engagé dans une relation avec une femme et me viennent subitement, pendant 2 semaines et de manière régulière, des rêves et des pensées axées autour de la peur de l'abandon, de la perte de cette femme. Il me semble que c'est l'Amour qui me frappe de plein fouet. J'ai toujours ressenti de la jalousie, de l'envie pour ce que je possède moi-même, et alors que 4 nuits de suite je rêve que ma copine me trompe ou du moins y tend, je réalise que ces cauchemars sont significatifs de plusieurs choses. En premier lieu, ces peurs sont bien réelles, elles sont actives, il m'arrive d'être happé par elles au cours de la journée, elles peuvent me prendre au ventre pour un rien, elles me terrassent et me paralysent, me renvoient à cette situation si inconfortable de domination. En second lieu, elles génèrent du désir, de l'amour, de l'Eros au sens de Platon. En réalisant que cette fille ne m'appartient pas, mais surtout ne m'appartiendra JAMAIS, je réalise que mon entreprise (plus ou moins avouée) de la rendre objet de mon désir de moi-même, est vouée à l'échec, ou disons, ne suffit pas. J'ai besoin qu'elle soit inaccessible, j'ai besoin de redécouvrir ce gouffre infranchissable entre nous, cet espace qui parfois semble s'atténuer entre deux êtres mais reste en réalité toujours prêt à aspirer toute confiance, toute certitude, et me remettre face à ma condition d'être multiple et fragmenté par l'autre. Ainsi me voilà pris, une semaine durant, dans une "nuanciation" du réel selon l'opposition objet/sujet, objet de désir/être de désir, analysant combien je tends à la fois à rendre l'autre objet, et à l'entretenir comme sujet. Et quand l'autre s'impose comme sujet, me voilà décryptant la manière dont je me rends objet afin d'acquérir les positions sur lesquelles siège la domination de cet autre Sujet. Voilà rapidement un aperçu des réflexions qui motivaient à l'origine, voilà quelques semaines de ça, ma prise de risque sur ce site.
Toutefois ces réflexions me sont apparues sans aucun autre fondement que mes pensées, et il me semblait évident qu'elles étaient centrées autour de l'opposition sujet/objet et que cette opposition était, sinon faible disons, impertinente. Ainsi me suis-je dis : "cette opposition, à l'aide de laquelle je pense comprendre mieux ma réalité, a été induite par des présupposés philosophiques que j'ai abordé cette année en cours, selon lesquels sujet et objet seraient opposés. Or si j'observe mon attitude, même un objet désiré, mettons une montre, dans le désir, par le désir, semble acquérir la qualité de sujet. La montre n'est pas seulement ce que je désire, mais représente également l'être auquel j'aspire. Si l'objet m'inspire, c'est parce qu'il aspire à un sujet qui m'est autre et à la fois proche, à portée de main, de rêve, de désir." Ainsi m'apparaissait non seulement que sujet et objet, dans leur opposition évidente, trahissent une fraternité, ils sont inhérents l'un à l'autre, mais également que le langage et les présupposés qu'il véhicule sont facteurs d'erreur et d'égarement dans l'analyse que je fais du réel.
Alors me voilà venu à cette question ; la vie langagière que tu connais ne te contraint-elle pas à ces questionnements ? Tout ce brassage intellectuel n'est il pas un déroulé plus ou moins conscient de paradoxes langagiers en face desquels et à l'intérieur desquels se dressent des réalités sensibles ? Cette opposition entre réalité et langagier ne s'effrite-t-elle pas elle-même pour peu qu'on l'observe de plus près, qu'on lui tire un sourire ? Toute l'organisation de ta pensée ne dépend-elle pas de ses sources ? De tes discussions, des notions que tu as rencontrées, avec lesquelles tu as dû te familiariser ? Si effectivement ces notions n'ont aucune autre base que le jeu de ta mémoire et de ton imagination, il est évident qu'elles n'ont aucune autre valeur que de rendre à toi-même appréciable les nuances de tes propres mouvements de pensée, eux-mêmes engendrés par les questions au centre des affirmations de tes sources. En bref, tu n'es pas, en tant que "je", être responsable, au fait des directions et de l'alimentation de ta propre pensée, qui est pourtant ce à quoi tu te réfères pour expérimenter la responsabilité elle-même.
Comme ceux qui m'ont lu doivent s'en douter, je suis un débutant en matière de philosophie au sens de l'institution philosophique. J'exerce le pouvoir de ma pensée aussi longtemps que je me souvienne, avec disons, assiduité, sans toutefois avoir su saisir chaque opportunité de l'enrichir ni même, loin s'en faut, avoir exercé sur elle une critique un tant soit peu critique d'elle-même.
Voilà plusieurs semaines que j'essaie de rédiger ici même la genèse de mes réflexions, et toujours, immanquablement, me vient l'impression que je n'ai rien à dire. Mauvais départ, disons. La futilité de mes écrits n'a d'égale que leur désespérante volatilité ; ils n'ont aucune autre portée que celle d'une introspection quelconque. Je pourrais vous parler des heures durant des réflexions qui me viennent quand à la notion de désir, il n'en reste pas moins que posées à l'écrit, et Dieu seul connaît mon penchant à Sacraliser ce média, mes pensées sont à mon goût légères, au point même de ne pas légitimer une seconde d'attention en plus.
Dieu soit loué ! J'acquiers du goût, et ce goût me dégoûte de moi-même. C'est une avancée conséquente, reconnaîtrons tous ceux qui ont connu ces turpitudes, ou même tous ceux qui m'ont lu, ici ou ailleurs.
Je ne vais pas vous infliger mes idées sur le désir, pas tout de suite, elles germent toujours et je sens encore le poids de la masse opaque de l'expérience ; sur le point d'être éclatée en une mosaïque de floraisons plus ou moins conscientes, plus ou moins fertiles elles-mêmes.
Ma grande question, barbarisée ou sacralisée (c'est selon) reste : suis-je maître de mes pensées ?
Moi qui viens concentrer mes affirmations pour les voir démolies et reconstruites, me voilà les bras pendants devant une question en apparence simpliste. J'en viens à vous écrire, et je crois que je vais publier cet écrit sur le forum, non pas parce qu'il me satisfait, en dehors du fait que la fluidité de mes idées, induite par l'alcool dois-je concéder, me rend fier de moi-même et des progrès que j'ai fait - je me l'accorde - en très peu de temps ; non, je vais publier cet écrit parce qu'il rend compte de la radicalisation de l'éventail de questionnements que je parcours. Cette question de la maîtrise de ma propre pensée est le point de croisement de la plupart des questionnements qui animent mon intellect. La question de savoir si cette question en elle-même n'est qu'un résidu des écrits et débats auxquels j'ai eu accès me torture tout simplement.
Comme je l'ai déjà écrit à une connaissance forumique, j'ai le sentiment d'avoir, depuis toujours, concédé l'application de petites peaux (qualifications) sur les choses de mes sens, ou sur les choses produites par l'imagination à partir de mes sens et de ma mémoire. Par exemple, le fait que la poussière soit une mauvaise chose, ou encore le fait que l'Amérique, alors que j'ai 6 ans et n'ai rien en tête sur l'Amérique hormis la genèse imaginative des choses que j'ai compris sur les États-Unis dans les livres pour enfant, est un pays libre. Ainsi dis-je, j'ai placé sur nombre de choses sensorielles ou imaginatives, des petites peaux, des opinions d'autrui, des ressentis d'autrui, non pas parce que la nature de ces choses m'intéressait mais parce que jouer au jeu des petites peaux m'intéressait. Avoir des opinions était quelque chose de valorisé chez moi, faire preuve d'intelligence et de lucidité également. Le débat a toujours été mis en avant, malgré (parce que ?) une opinion paternelle faisant foi d'étalon.
Ainsi en suis-je venu à penser que je pensais par moi-même, à développer cette dynamique. Également, en suis-je venu à croire en ma capacité à comprendre les idées d'un autre. Je pouvais comprendre l'organisation des petites peaux de mon frère, de ma mère, de mon maître d'école même, j'intuitais leurs logiques, je parlais mieux qu'eux de leurs opinions, les défendais mieux qu'eux, les ridiculisais mieux qu'eux. J'ai toujours su mettre à profit le jeu des petites peaux, j'ai même cru et, j'ose le dire, ressenti la valeur de la vérité. Ceci sachant toujours que plus était à venir, que mes connaissances ne valaient rien si ce n'est qu'elles avaient valeur d'échange et même de domination sur le plan intellectuel. En effet, j'ai vite compris que l'admiration des autres sur le plan sportif se trouvait éclipsée bien vite par l'admiration sur le plan intellectuel. L'un et l'autre sont rarement le fruit d'un travail digne de mérite, au moins jusqu'à l'adolescence, toutefois le plan intellectuel contient plus de profondeur, de mystère, bref, d'aura. Cette aura, soutenue par une confiance en son corps, vaut alors tout l'or du monde parce qu'elle vaut l'admiration des amis, de la famille, des filles surtout. Et quelle conquête que celle-là ! Les filles. Mon adolescence et ma post adolescence ont été régies par le désir de maîtriser la femme, de la dominer de mon corps, de mon expérience, de mes pensées. La dominer juste assez pour l'ouvrir, à la manière d'un fruit qu'on éclate assez pour en libérer le nectar. Or me fallait-il seulement 20 secondes de réflexion pour découvrir que ce désir était un désir de moi-même ? Un désir ego-centré ?
Qu'est-ce que je cherche dans cette poussée inexorable vers la femme, vers l'ami, vers l'Autre, si ce n'est une expérience de moi-même conforme aux exigences de la femme, de l'ami, de l'Autre ? Pourquoi ?
C'est ici que je ne vous tiendrais pas gré de ne plus me suivre, de vous rebeller contre l'inconsistance de mes suppositions.
Savez-vous qu'aux échecs, lorsque toutes les possibilités de mouvement d'une pièce équivalent à sa perte, la pièce est dite dominée ?
Voyez la situation d'un enfant. Pour les joueurs d'échecs, considérons un cavalier noir en d8 et un fou blanc en d5 ; le cavalier est dominé par le fou. Pourquoi ? Non pas parce que sa position est attaquée, non pas parce que le cavalier lui-même est attaqué, mais parce que toute opportunité de mouvement, de poussée, est interdite, ou du moins soumise à la volonté du fou. De la même manière, le désir (mouvements) de l'enfant se trouve soumis à celui de ses parents. Non seulement il dépend d'eux, mais surtout, et c'est d'après moi cette compréhension qui l'habite longtemps, il est dominé par eux. Cette constatation faite, fatale en un sens, de la précarité de son existence, le voilà qui s'assure 1 que les désirs de ses parents équivalent le plus possible à la réalisation des siens propres, et 2 que les siens propres équivalent à la réalisation de leurs désirs. La logique binaire qui soutient cela réside en 0 indifférence 1 différence, et c'est au moyen de celle-ci qu'il commence à se sensibiliser à ses parents en tant qu'êtres (en même temps qu'il tend de toutes ses forces à les rendre objets). Il continue longtemps à réduire ses parents à l'état d'objets en utilisant leurs caractères d'êtres, jusqu'à ce que peut-être, et c'est mon cas actuellement, il se rende compte finalement que son désir de les rendre objets n'est effectif qu'aussi longtemps qu'ils sont êtres, et par là-même, lointains et infinis. Il en va de même pour les relations amoureuses. J'ai personnellement longtemps perçu la femme comme le moyen de me séduire moi-même, comme un objet que j'acquiers et qui vient combler les attentes que j'ai de moi-mêmes, elles-mêmes basées sur les attentes de l'autre et sur ses désirs que j'ai plus ou moins efficacement su percer à jour. Mais, et c'est un exemple et un témoignage, qui n'a d'autre valeur que celle d'un témoignage, voilà 6 mois que je suis engagé dans une relation avec une femme et me viennent subitement, pendant 2 semaines et de manière régulière, des rêves et des pensées axées autour de la peur de l'abandon, de la perte de cette femme. Il me semble que c'est l'Amour qui me frappe de plein fouet. J'ai toujours ressenti de la jalousie, de l'envie pour ce que je possède moi-même, et alors que 4 nuits de suite je rêve que ma copine me trompe ou du moins y tend, je réalise que ces cauchemars sont significatifs de plusieurs choses. En premier lieu, ces peurs sont bien réelles, elles sont actives, il m'arrive d'être happé par elles au cours de la journée, elles peuvent me prendre au ventre pour un rien, elles me terrassent et me paralysent, me renvoient à cette situation si inconfortable de domination. En second lieu, elles génèrent du désir, de l'amour, de l'Eros au sens de Platon. En réalisant que cette fille ne m'appartient pas, mais surtout ne m'appartiendra JAMAIS, je réalise que mon entreprise (plus ou moins avouée) de la rendre objet de mon désir de moi-même, est vouée à l'échec, ou disons, ne suffit pas. J'ai besoin qu'elle soit inaccessible, j'ai besoin de redécouvrir ce gouffre infranchissable entre nous, cet espace qui parfois semble s'atténuer entre deux êtres mais reste en réalité toujours prêt à aspirer toute confiance, toute certitude, et me remettre face à ma condition d'être multiple et fragmenté par l'autre. Ainsi me voilà pris, une semaine durant, dans une "nuanciation" du réel selon l'opposition objet/sujet, objet de désir/être de désir, analysant combien je tends à la fois à rendre l'autre objet, et à l'entretenir comme sujet. Et quand l'autre s'impose comme sujet, me voilà décryptant la manière dont je me rends objet afin d'acquérir les positions sur lesquelles siège la domination de cet autre Sujet. Voilà rapidement un aperçu des réflexions qui motivaient à l'origine, voilà quelques semaines de ça, ma prise de risque sur ce site.
Toutefois ces réflexions me sont apparues sans aucun autre fondement que mes pensées, et il me semblait évident qu'elles étaient centrées autour de l'opposition sujet/objet et que cette opposition était, sinon faible disons, impertinente. Ainsi me suis-je dis : "cette opposition, à l'aide de laquelle je pense comprendre mieux ma réalité, a été induite par des présupposés philosophiques que j'ai abordé cette année en cours, selon lesquels sujet et objet seraient opposés. Or si j'observe mon attitude, même un objet désiré, mettons une montre, dans le désir, par le désir, semble acquérir la qualité de sujet. La montre n'est pas seulement ce que je désire, mais représente également l'être auquel j'aspire. Si l'objet m'inspire, c'est parce qu'il aspire à un sujet qui m'est autre et à la fois proche, à portée de main, de rêve, de désir." Ainsi m'apparaissait non seulement que sujet et objet, dans leur opposition évidente, trahissent une fraternité, ils sont inhérents l'un à l'autre, mais également que le langage et les présupposés qu'il véhicule sont facteurs d'erreur et d'égarement dans l'analyse que je fais du réel.
Alors me voilà venu à cette question ; la vie langagière que tu connais ne te contraint-elle pas à ces questionnements ? Tout ce brassage intellectuel n'est il pas un déroulé plus ou moins conscient de paradoxes langagiers en face desquels et à l'intérieur desquels se dressent des réalités sensibles ? Cette opposition entre réalité et langagier ne s'effrite-t-elle pas elle-même pour peu qu'on l'observe de plus près, qu'on lui tire un sourire ? Toute l'organisation de ta pensée ne dépend-elle pas de ses sources ? De tes discussions, des notions que tu as rencontrées, avec lesquelles tu as dû te familiariser ? Si effectivement ces notions n'ont aucune autre base que le jeu de ta mémoire et de ton imagination, il est évident qu'elles n'ont aucune autre valeur que de rendre à toi-même appréciable les nuances de tes propres mouvements de pensée, eux-mêmes engendrés par les questions au centre des affirmations de tes sources. En bref, tu n'es pas, en tant que "je", être responsable, au fait des directions et de l'alimentation de ta propre pensée, qui est pourtant ce à quoi tu te réfères pour expérimenter la responsabilité elle-même.