C'est en lisant ce livre de Jean-Pierre Le Goff, "Malaise dans la démocratie" que m'est venu le désir de créer ce fil. La description de la désagrégation des rapports humains et sociaux, ce constat, a engendré en moi, conformément à mon héritage culturel, le sentiment de responsabilité.
Bien sûr, ce sentiment de responsabilité ne fait pas partie de mon patrimoine culturel français, mais de mon patrimoine culturel russe. C'est Dostojevski, auteur qui marqua mon adolescence, qui m'a transmis cette idée : nous sommes tous responsables de tout, même si cette responsabilité est limitée à ce que nous pouvons faire. Il ne s'agit pas dans l'esprit russe d'une responsabilité-culpabilité mais d'une responsabilité-action. Tu es responsable donc coupable en France, pour Dostojevski, et derrière lui, ma mère russe, c'est : tu es responsable donc agis.
Pourtant, en lisant ce livre, force m'a été de reconnaître que je ne pouvais rien faire, directement, sur les causes de ce malaise français. Les forces en présence me dépassent largement. Qui plus est, si je remonte dans les causes de ce malaise, je suis obligé de remonter dans l'histoire, détecter à quel moment cela a commencé (ce malaise). Comme tant d'historiens, je le fais remonter à la guerre de 14-18, guerre dont il semble que la France ne se soit jamais relevée.
Il y eut ensuite tant de facteurs de division : la vision marxiste de la société, avec la lutte des classes et la partition du pays entre communistes et libéraux, les divisions pendant la guerre de 39-40, avec la résistance et la collaboration, les guerres coloniales qui divisèrent même les familles dont la mienne (une mère contre la guerre d'Algérie, un père pour la guerre), tant de facteurs de divisions...
Aujourd'hui, c'est une partition ethnique, avec dans les réseaux sociaux un déferlement anti-musulman qui vise en fait les Arabes, rage effrayante pour un homme comme moi qui ne connaît pas trop les réseaux sociaux. Mais c'est aussi la division entre pour ou contre la loi El-Khomri (ou des camps finissent par s'accuser réciproquement de terrorisme), pour ou contre la déchéance de la nationalité, bref, c'est le combat de tous contre tous. Et je ne parle même pas de la haine sociale courante qui fait que celui qui a moins hait celui qui a plus et vive versa.
Alors la question se pose toujours : que puis-je faire, à mon niveau, étant donné mon pouvoir d'action ?