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La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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11 participants

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 15 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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Intervenant sur une partie consacrée aux questions scientifiques d’un forum de philosophie, je ne peux que déplorer l’attitude de nombreux philosophes vis-à-vis justement de la recherche en neuroscience. Tout se passe comme s’ils mettaient un point d’honneur à se situer à l’extérieur de cette recherche, comme si, connaissant à l’avance le champ où elle allait s’effectuer, ils en avaient balisé l’étendue, marqué précisément les limites et avaient défini a priori ce qui était à portée des chercheurs et ce qui ne l’était pas. 


Intervenant dans un forum de philosophie, je ne puis que déplorer l'arrogance scientiste consistant à penser et à proclamer que, certes, la science n'explique encore pas tout, mais qu'avec un peu de patience, ça viendra. Visiblement, vous ne comprenez pas lorsque je vous explique que le mind-body problem relève d'une recherche conceptuelle (= philosophique) et non d'une recherche empirique (= scientifique). Comme le dit Wittgenstein, 
nous parlons de processus et d'états [mentaux] en laissant leur nature indécidée ! Peut-être, un jour, connaîtrons-nous plus de choses à leur sujet, pensons-nous. Mais nous avons arrêté une manière déterminée de les considérer. Car nous avons un concept déterminé de ce que veut dire : apprendre à mieux connaître un certain processus […]. Aussi nous faut-il nier l'existence d'un processus encore incompris qui se déroulerait dans un medium encore inexploré.

Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §308.

Par ailleurs, la position de surplomb du philosophe par rapport au scientifique (je ne parle plus, ici, du scientiste) procède de ce qu'il existe une philosophie des sciences (on l'appelle l'épistémologie) tandis qu'il n'existe pas de science de la philosophie. C'est aussi simple que cela.

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philophil a écrit:
Intervenant dans un forum de philosophie, je ne puis que déplorer l'arrogance scientiste consistant à penser et à proclamer que, certes, la science n'explique encore pas tout, mais qu'avec un peu de patience, ça viendra. Visiblement, vous ne comprenez pas lorsque je vous explique que le mind-body problem relève d'une recherche conceptuelle (= philosophique) et non d'une recherche empirique (= scientifique).

Bonjour Phiphilo,

Je n'ai jamais nié ma prétention. En d'autres temps, vous avez même eu l'amabilité de me trouver trop sévère à mon égard. Quant à mon arrogance, je suis plus réservé et je laisse chacun juge.
Il est vrai que j'ai contré sans trop de précautions un Dehaene prophétisant que les qualia apparaîtront comme une notion ridicule dans les vingt ou trente ans à venir ou affirmant qu'on va bientôt construire des ordinateurs conscients. Je répète et répèterai encore que, si l'on prétend parler de la conscience, il faut parler de son contenu et que la notion de qualia est celle-là-même qui est nécessaire pour appréhender ce contenu. Je répète aussi que la logique computationnelle qui est mise en œuvre dans les connexions neuronales ne produit en aucune manière les contenus de conscience et ne les produira pas davantage mise en œuvre dans une machine, si perfectionnée soit elle.
Mais me voir "proclamer que, certes la science n'explique encore pas tout mais qu'avec un peu de patience, ça viendra", c'est me voir mal. On ne peut à aucun moment je le pense, induire que j'ai avancé cette idée de quelque façon. Je vous ai simplement reproché d'écrire : « Ce qui me laisse perplexe, dans ce débat, c'est qu'il laisse planer l'impression que les neuro-sciences ne savent pas encore produire une théorie satisfaisante des phénomènes conscients mais que cela pourrait être le cas dans un avenir plus ou moins proche. Or il me semble qu'on est là en pleine confusion conceptuelle car la science ("La science" comme dirait l'autre) n'a absolument rien à nous expliquer sur ce sujet. » Je veux signifier seulement par là, et cela me semble assez clair, qu'il n'y a pour moi aucune objection métaphysique ou philosophique à ce que la science produise un jour une théorie satisfaisante des phénomènes conscients mais cela ne veut absolument pas dire qu'il est certain qu'elle le fera. Et vous conviendrez que ce n'est pas du tout la même chose, que, s'il y a d'un côté je ne dirais pas bien sûr arrogance mais affirmation péremptoire, ce n'est pas du mien.

Il serait faux également de dire que je prétend expliquer la conscience en proposant le mécanisme que j'appelle modulisme. Je prétends certes faire une avancée dans l'explication, mais pas plus. Je n'éclaire nullement la façon dont la modulation du champ magnétique peut provoquer la succession d'affects, elle-même génératrice d'une sensation particulière. Je pose une hypothèse qui, je le répète, ne porte que sur des phénomènes conscients très simples et ne les explique pas jusqu'au bout.

Votre thèse sur la conscience a une toute autre ambition que la mienne. "L'esprit", il faut entendre sans doute par là la réalité constitutive de la conscience, serait pour vous un "ensemble de dispositions conscientes à agir", "l'ensemble des règles (lois, codes, normes, prescriptions, préférences, etc.) qu'un agent déterminé est enclin à mobiliser (dans son for intérieur ou à la requête d'autrui) pour se justifier dans le cadre d'un acte intentionnel." Je n'ai rien contre cela a priori même si je le saisis un peu mal. Tout me semble aller très bien pour votre conception de l'esprit comme "ordre de normativité pour un monde humain, c'est-à-dire essentiellement social". Sauf évidemment un tout petit rien que vous déplorez vous-même : "l'objection "anti-spéciste" selon laquelle, si l'intentionalisme a le mérite de rappeler que l'homme est fondamentalement un zôon politikon, un animal social, il semble exclure toute autre espèce vivante de la possibilité d'accès à la conscience..."

Cela ne fait, bien entendu, pas l’affaire de mon nématode, ce caenorhabditis elegans dont j’ai fait le héros de deux de mes articles (« Le générateur de conscience peut être un objet simple » et « Les fondements de la conscience »). J’y montre que ce petit ver qui a juste trois centaines de neurones pourrait très bien jouir, souffrir, désirer, vouloir, s’efforcer même s’il est encore très loin de penser comme moi. Et encore plus de philosopher comme vous…

Le mécanisme qui a sa base perceptible sur la simple oscillation des neurones et qui pourrait générer la substance intime de notre conscience n’a pas moins de raison d’être présent chez lui qu’il ne l’est chez nous. Etudier empiriquement comme je le propose les corrélats des objets les plus simples, les plus frustes qui se présentent à notre conscience, ne serait-ce pas le moyen de rattacher celle-ci aux limbes de la nature animale et d’en approcher la connaissance plus sûrement que de toute autre façon ?...

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Je répète aussi que la logique computationnelle qui est mise en oeuvre dans les connexions neuronales ne produit en aucune manière les contenus de conscience et ne les produira pas davantage mise en oeuvre dans une machine, si perfectionnée soit elle.


Je suis pleinement d'accord avec vous. Cette thèse que vous décriez est pleinement l'illusion scientiste, celle que la science (LaScience) pourra un jour répondre à tout. Absolument tout.. Un jour peut-être pensent ses partisans : quand nous serons encore là ou quand nous ne serons déjà plus là ? That's the question. La question de la conscience est une des plus difficiles qui soit et déjà à froid comme ça, je vois mal comment la science pourra un jour répondre à cette question d'une façon aussi péremptoire et affirmative que Dehaene sans passer par les sciences humaines. À moins peut-être de penser comme Heisenberg (ce qui est mon avis - ou mon credo plutôt - car Heisenberg ne le justifie en aucune manière ou très peu sinon comme un postulat de départ) que la conscience va de pair avec le vivant. Et d'entreprendre une généalogie de la conscience comme Nietzsche avec la morale, en partant de l'amibe pourquoi pas : le point de départ n'en demeure pas moins qu'il ne saurait y avoir de vivant sans conscience du vivant. 
"La conscience est la première stase qui apparaît après la vie organique" (Heisenberg, Manuscrits de 42)

La question là-dedans est ou serait : peut-on abandonner partiellement ou complètement cette vision anthropocentrée de la conscience qui fait que nous, les Etres Humains possédont ou sommes censés posséder la conscience la plus développée et que plus on descend dans l'échelle du vivant, moins on a de chance de trouver "une conscience" ?
Mais le tournesol tire bien son nom du fait qu'il se tourne vers le soleil non ?
L'organisme unicellulaire obéit au principe d'homéostasie concernant différents paramètres comme équilibre de la pression intérieure et externe pour maintenir sa membrane, sa température aussi quoiqu'il y ait ou y ait eu des phénomène empiriques et observés assez étonnants et déroutants comme la présence de vie dans la stratosphère et aussi des formes de vie très élémentaires retrouvées dans des météorites tout à l'intérieur bien profond.
Ce qui a fait que certains scientifiques ont émis l'hypothèse que la vie serait venue de l'espace. From outer space...

Ce que l'on pourrait peut-être (?) traduire par une paraphrase de la célèbre formule de Spinoza : "le corps s'efforce de persévérer dans son être".

Dernière édition par shub22 le Lun 24 Déc 2018 - 12:25, édité 2 fois

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Bonjour Clément Dousset et Shub 22.

Je veux signifier seulement par là, et cela me semble assez clair, qu'il n'y a pour moi aucune objection métaphysique ou philosophique à ce que la science produise un jour une théorie satisfaisante des phénomènes conscients mais cela ne veut absolument pas dire qu'il est certain qu'elle le fera.


Non. Elle ne peut pas le faire. Au sens où 2 + 2 ne peut pas être égal à 5.

Le mécanisme qui a sa base perceptible sur la simple oscillation des neurones et qui pourrait générer la substance intime de notre conscience n’a pas moins de raison d’être présent chez lui qu’il ne l’est chez nous.


Encore une fois, entièrement d'accord. Mais "générer la substance intime de" quoi que ce soit, c'est expliquer une condition sine qua non d'existence d'une chose. Et rien de plus. Quand, faisant de la géologie, vous expliquez quand et comment s'est formée la Montagne Sainte Victoire, vous donnez une condition nécessaire pour que Cézanne ait peint la Montagne Sainte Victoire vue des Lauves. Mais vous ne dites rien sur la manière dont Cézanne a conçu et réalisé son oeuvre, ce qui, jusqu'à preuve du contraire, est cela seul qui intéresse l'amateur d'art.

La question là-dedans est ou serait : peut-on abandonner partiellement ou complètement cette vision anthropocentrée de la conscience qui fait que nous, les Etres Humains, possédons ou sommes censés posséder la conscience la plus développée et que plus on descend dans l'échelle du vivant, moins on a de chance de trouver "une conscience" ? [...] Ce que l'on pourrait peut-être (?) traduire par une paraphrase de la célèbre formule de Spinoza : "le corps s'efforce de persévérer dans son être"


Oui. Sauf que Spinoza a beau être ce qu'on appellerait aujourd'hui un "anti-spéciste" en ce qu'il est substantiellement moniste, premièrement, comme je l'ai déjà dit, il est lexicalement dualiste, secondement, il insiste quand même à plusieurs reprises sur ce qu'"une vie humaine [est] définie, non point par la circulation du sang et les différentes autres fonctions du règne animal, mais surtout par la raison : vraie valeur et vraie vie de l'esprit" (Spinoza, Traité Politique, V, 5).


Allez. Joyeux Noël à tous.

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PhiPhilo a écrit:
Non. Elle ne peut pas le faire. Au sens où 2 + 2 ne peut pas être égal à 5.


C'est hautement péremptoire. Et concernant l'analogie arithmétique, signifiez-vous par là l'impossibilité de l'émergence ? Et même s'il en était, comment pouvez-vous être aussi catégorique ?

Passez de bonnes fêtes.
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