Liber a écrit: Sans assimiler la personne à une chose, posséder en amour signifie tout simplement qu'on
tient à la personne aimée. Accepteriez-vous de la perdre ? Non ? Vous devez donc convenir que vous la possédez, non pas comme une propriété, mais comme une part de vous-même. Vous vous l'êtes assimilée. Elle est entrée en vous et n'en sortira plus que par un déchirement de votre moi. Cet amour est fort peu spirituel, mais il donne les plus fortes émotions, et je crois qu'on y revient toujours avec délices. Le philosophe n'est pas capable d'aimer avec cette force, du moins quand il est philosophe. Le tout est de savoir ce que l'on attend de l'amour, une sensation tiède ou une forte chaleur. Barbey d'Aurevilly a une comparaison amusante mais frappante, quand dans les Diaboliques, il dit à propos d'un amour intense, que les damnés doivent finir par se sentir bien à bouillir dans leur marmite.
Tenir à c'est être tenu par. On ne peut pas assimiler les deux. La relation n'est pas du tout la même. On le voit dans les séparations, qui révèlent souvent la nature du rapport qu'entretenaient deux personnes. Ceux qui en viennent vite à se détester, c'est souvent parce qu'ils étaient dans un rapport possessif et exclusif, qui pouvait même parfois leur donner l'illusion d'une sécurité (comme s'il y avait de la sécurité dans l'amour). Ces gens-là s'étaient pour ainsi dire comme installés dans leur couple. Or, ce que je ne peux plus posséder, et à quoi je croyais être attaché par amour alors qu'il ne s'agissait que d'une banale habitude, la façon la plus rapide et la plus économe pour m'en consoler et m'en débarrasser, c'est de ne plus lui accorder aucune valeur. D'autres ne se remettent pas d'une séparation, c'est souvent parce qu'ils sont fusionnels, en s'abolissant eux-mêmes dans l'être qu'ils croient aimer mais qu'ils n'aiment guère plus que celui qui déteste soudain son ancien partenaire. La question est toujours de savoir ce qu'on perd en perdant l'être qu'on aimait ou qu'on croit avoir aimé. Quand ce calcul est fait, on sait à peu près à qui on a affaire, question amour. Enfin, le supposé déchirement du moi, souvent, n'est rien d'autre que la contrariété de qui ne s'attendait pas à une rupture. Habitude, là encore. Mais il y a des couples qui savent se séparer à point, autrement dit d'un commun accord. En cela, ils sont fidèles à eux-mêmes. Il y en a qui savent ne rien attendre de l'amour, et qui savent bien qu'on attend rien de l'amour, et ils se simplifient grandement l'existence, contrairement à ceux qui font la liste de ce qu'ils veulent et qui ont déjà tout calculé à l'avance.