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Qu'est-ce que la philosophie ?

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Silentio
Euterpe
samok
7 participants

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J'ai souvent entendu dire que la philosophie traditionnelle se terminait avec Nietzsche, et j'ai même l'impression que Nietzsche se définit aussi ainsi, cf. décadent (il achève quelque chose) ; contraire d'un décadent (il commence quelque chose), mais qu'en est-il réellement ?

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Euterpe, je ne suis pas certain que notre ami comprenne plus facilement de quoi il est question avec votre explication (bien qu'elle soit très claire pour moi). Peut-être pourriez-vous (désolé pour l'effort supplémentaire) expliquer la différence entre la quête de la vérité et l'herméneutique comme art de l'interprétation ? Peut-être, pour simplifier, pourriez-vous donner quelques exemples (concrets ou quotidiens), pour lesquels vous êtes incomparablement doué ?

Je me risque à un exemple et à une explication schématiques et simplificateurs : auparavant, disons durant le Moyen-âge et avant les Lumières, la philosophie était associée à la théologie. Le monde était intelligible et ordonné par Dieu et les lois divines. On interprétait le monde de manière univoque (un seul sens) d'après un absolu, la vérité des Écritures. Puis vint la contestation de l'ordre religieux et ce qu'on qualifia de "mort de Dieu". On entra dans une ère de l'humanité où il n'y avait plus de référent suprême donnant son sens au monde. Il n'y avait plus rien pour garantir une hiérarchie des valeurs et placer une vérité (soi-disant objective, intemporelle, etc.) au-dessus de tout le reste. On découvrit que la vérité n'était qu'un mensonge imposé par la force et un objet de croyance. Plus tard, la sociologie, par exemple, je pense à Weber notamment, examina les systèmes de valeurs différents et cohabitant dans le monde, c'est-à-dire les différentes vérités en compétition, sans pour autant qu'il y ait un critère ultime qui nous décide à reconnaître et à embrasser une vérité en particulier comme étant la vérité suprême. Tout n'est plus qu'affaire de croyance, de valeur, bref de sens que l'on donne au monde. Tout est donc affaire de discours, de perspective sur le monde, tout dépend du sujet et de sa relation au monde, et plus rien ne peut être dit du monde en tant que tel. Dans les sciences sociales, on comparera, par exemple en ethnographie, les différentes mœurs et coutumes, croyances et valeurs d'un peuple, d'une société, qu'on comparera à une autre société, et on créera des classifications qui mettront en évidence les différentes significations propres à ces formes de vie. Il n'est donc plus question de vérité, mais de ce qui fait sens pour les uns et les autres, et sans principe directeur absolument objectif et connaissable, on en arrive, par exemple, à penser la façon dont les hommes créent leur monde de significations dans l'histoire (l'homme se fait par ses propres actions, il crée du sens) et l'on en arrive aussi, par exemple, à des philosophies comme l'existentialisme (comment vivre sans Dieu ? comment inventer sa vie ? etc.). On n'est plus capable d'avoir un discours rationnel sur les lois du monde, mais on se demande quelle relation on entretient avec lui, comment on l'interprète, comment on crée des fictions pour vivre. On regarde les hommes tels qu'ils vivent et sont dans leur diversité et l'on ne recherche plus, par exemple, à savoir ce qu'est l'homme, idéalement, hors de ses différentes manifestations socio-culturelles et dans l'histoire. On essaiera de comprendre comment vivait un Romain et ce qui fait sa différence avec nous, mais on ne dira rien sur une vérité de l'homme parce que ce discours-là lui-même sera une interprétation, donc motivé, même inconsciemment, par des valeurs propres à l'époque de l'observateur, qui risque de projeter ses phantasmes sur la civilisation romaine, qu'en plus on n'a pas vécue de l'intérieur. Par ailleurs, on ne pourra pas non plus accéder à une vérité objective de cette civilisation, et cela vaut pour tout objet étudié. On ne l'aborde que par un bout, une facette.

Bref, on est passé du dogmatisme au relativisme.

Dernière édition par Silentio le Ven 3 Fév 2012 - 0:33, édité 4 fois

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Euterpe a écrit:
L'échéance a toujours été repoussée pour des raisons historiques ou scientifiques qui importent peu ici, ce retard prolongé ayant contribué à la "durée de vie" de deux millénaires de la philosophie traditionnelle, la métaphysique, autrement dit le système complet de la connaissance du monde (je rappelle que jusqu'au XVIIIe siècle, la science est non seulement subordonnée à la philosophie, mais constitue l'une des principales disciplines philosophiques). Kant tire les conséquences définitives de ce qu'on avait déjà commencé à constater quelque temps avant lui : les sciences progressent, et à mesure qu'elles progressent le noyau strictement métaphysique de la philosophie ne progresse pas. Les sciences découvrent chaque jour de nouvelles vérités ; l'objet de la métaphysique se montre de jour en jour plus obscur, incompréhensible, inexistant. Il n'y a plus de vérité en philosophie. La vérité n'est plus que du domaine des sciences. La philosophie ne doit donc plus s'occuper que de la morale, de la politique (cf. les sciences anthropologiques, plus haut). Les sciences s'occupent des faits naturels, empiriques ; la philosophie s'occupe des faits moraux, des faits non empiriques. Désormais, les choses se distribuent comme suit : aux sciences la vérité, au moyen de l'entendement ; à la philosophie la "morale" et les sciences anthropologiques, au moyen de la raison.

Or le XIXe siècle fut le siècle de la raison historique et de la "raison" scientifique. D'un côté les interprètes du monde et de l'être (herméneutique, etc.), de l'autre les scientifiques, qui dévoilent chaque jour de nouvelles facettes du monde.

J'aurais dû lire ça bien avant... du coup je réalise encore une fois que je réinvente l'eau tiède chaque jour et que je ferais mieux de ne plus poster...
En signe de gratitude pour le temps passé à la correction de mes fautes et la lecture, pénible parfois j'imagine, de mes inepties.

Merci encore et félicitations pour ce site à la fois sobre, ordonné, et extrêmement riche !

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Aristippe de cyrène a écrit:
J'ai souvent entendu dire que la philosophie traditionnelle se terminait avec Nietzsche, et j'ai même l'impression que Nietzsche se définit aussi ainsi, cf. décadent (il achève quelque chose) ; contraire d'un décadent (il commence quelque chose), mais qu'en est-il réellement ?

Parce que Nietzsche interprète l'histoire de la philosophie comme une histoire de la morale (platonicienne/proto-chrétienne ; chrétienne). Il ne peut pas ne pas intégrer Kant, qui "sauve" la philosophie en la destinant à la "morale". Observez comme Hegel n'existe pour ainsi dire pas chez Nietzsche, qui ne discute jamais ses textes comme il le fait avec Platon (Socrate), le premier philosophe, et Kant (le dernier philosophe). Kant, c'est la mort de la métaphysique ; Nietzsche, la mort de la morale.

Silentio a écrit:
Euterpe, je ne suis pas certain que notre ami comprenne plus facilement de quoi il est question avec votre explication (bien qu'elle soit très claire pour moi). Peut-être pourriez-vous (désolé pour l'effort supplémentaire) expliquer la différence entre la quête de la vérité et l'herméneutique comme art de l'interprétation ? Peut-être, pour simplifier, pourriez-vous donner quelques exemples (concrets ou quotidiens), pour lesquels vous êtes incomparablement doué ?

Pour lors, je vais me contenter de m'appuyer sur ce que vous dites des "discours". A partir du moment où il n'y a plus de vérité de l'être (plus de métaphysique, plus d'ontologie), ne restent que des discours. L'herméneutique s'attache à des discours et les interprète. Jusqu'à Kant, la question de l'être et la question du discours sur l'être sont indissociables (cf. le Sophiste, qui constitue le premier texte métaphysique, avec le Parménide). Si l'être devient inaccessible, ne reste, dans un premier temps (et la linguistique saussurienne ne fera que renforcer cette tendance, avec l'avènement progressif du structuralisme), que le discours. Ce discours n'étant plus référé à rien qui le garantisse (transcendance, etc.), il ne peut qu'être relatif ; d'où l'inflation concurrentielle, notamment dans les années 60-70.

Concernant l'herméneutique, pour ma part, et pour des raisons que je ne peux développer maintenant, je considère que Dilthey en est le seul représentant pertinent (avec Gadamer, dont l'herméneutique est différente). Bien sûr, ça se discute. Disons que pour lui, l'herméneutique ne se réduit pas à la seule question du discours, ou de la réception de l'œuvre (cf. Jauss), sachant que, et ce n'est pas un hasard, la littérature constitue l'objet principal de l'herméneutique. Chez Dilthey, l'herméneutique est appliquée à l'histoire ; interpréter, c'est comprendre (c'est le même souci que les philosophes de l'existence, ou que les "vitalistes" - Bergson, Ortega, etc.). Bref, chez lui ce n'est pas intellectualiste.

Silentio a écrit:
auparavant, disons durant le Moyen-âge et avant les Lumières, la philosophie était associée à la théologie.

C'est exactement à l'exemple de la théologie que je pensais en disant que certaines choses avaient contribué à la "durée de vie" de la métaphysique. C'est plus précisément à Thomas d'Aquin que je pense (autrement dit à "Aristote"). La renaissance a tout relancé en redécouvrant Platon. Mais je pensais également aux découvertes scientifiques (de Copernic à Newton). On a d'abord cru que cela contribuerait à la métaphysique. Du reste jusqu'à Leibniz ça en prend clairement le chemin. Mais l'empirisme et Kant en ont décidé autrement.

Dernière édition par Euterpe le Sam 23 Juil 2022 - 12:51, édité 3 fois

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Je prends le relai de samok.

Euterpe a écrit:
les sciences progressent, et à mesure qu'elles progressent le noyau strictement métaphysique de la philosophie ne progresse pas. Les sciences découvrent chaque jour de nouvelles vérités ; l'objet de la métaphysique se montre de jour en jour plus obscur, incompréhensible, inexistant. Il n'y a plus de vérité en philosophie. La vérité n'est plus que du domaine des sciences.

Le philosophe du XVIIIème siècle n'a-t-il pas le temps de "digérer" une avancée scientifique et la prendre en compte dans son travail, qu'une nouvelle invention se fait jour qui l'oblige à revoir sa copie ? Ou bien le philosophe n'a-t-il pas su isoler le facteur vitesse de progression des sciences ? Ou alors a-t-il eu le sentiment que les découvertes partaient dans tous les sens au point de lui donner le vertige et le rendre inopérant ?
Merci d'accepter de m'éclairer.

Euterpe a écrit:
aux sciences la vérité, au moyen de l'entendement ; à la philosophie la "morale" et les sciences anthropologiques, au moyen de la raison.

Je ne vois pas la différence entre entendement et raison.
Pouvez-vous expliciter, s'il vous plaît.
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