Aristippe de cyrène a écrit: J'ai souvent entendu dire que la philosophie traditionnelle se terminait avec Nietzsche, et j'ai même l'impression que Nietzsche se définit aussi ainsi, cf. décadent (il achève quelque chose) ; contraire d'un décadent (il commence quelque chose), mais qu'en est-il réellement ?
Parce que Nietzsche interprète l'histoire de la philosophie comme une histoire de la morale (platonicienne/proto-chrétienne ; chrétienne). Il ne peut pas ne pas intégrer Kant, qui "sauve" la philosophie en la destinant à la "morale". Observez comme Hegel n'existe pour ainsi dire pas chez Nietzsche, qui ne discute jamais ses textes comme il le fait avec Platon (Socrate), le premier philosophe, et Kant (le dernier philosophe). Kant, c'est la mort de la métaphysique ; Nietzsche, la mort de la morale.
Silentio a écrit: Euterpe, je ne suis pas certain que notre ami comprenne plus facilement de quoi il est question avec votre explication (bien qu'elle soit très claire pour moi). Peut-être pourriez-vous (désolé pour l'effort supplémentaire) expliquer la différence entre la quête de la vérité et l'herméneutique comme art de l'interprétation ? Peut-être, pour simplifier, pourriez-vous donner quelques exemples (concrets ou quotidiens), pour lesquels vous êtes incomparablement doué ?
Pour lors, je vais me contenter de m'appuyer sur ce que vous dites des "discours". A partir du moment où il n'y a plus de vérité de l'être (plus de métaphysique, plus d'ontologie), ne restent que des discours. L'herméneutique s'attache à des discours et les interprète. Jusqu'à Kant, la question de l'être et la question du discours sur l'être sont indissociables (cf. le
Sophiste, qui constitue le premier texte métaphysique, avec le
Parménide). Si l'être devient inaccessible, ne reste, dans un premier temps (et la linguistique saussurienne ne fera que renforcer cette tendance, avec l'avènement progressif du structuralisme), que le discours. Ce discours n'étant plus référé à rien qui le garantisse (transcendance, etc.), il ne peut qu'être relatif ; d'où l'inflation concurrentielle, notamment dans les années 60-70.
Concernant l'herméneutique, pour ma part, et pour des raisons que je ne peux développer maintenant, je considère que Dilthey en est le seul représentant pertinent (avec
Gadamer, dont l'herméneutique est différente). Bien sûr, ça se discute. Disons que pour lui, l'herméneutique ne se réduit pas à la seule question du discours, ou de la réception de l'œuvre (cf. Jauss), sachant que, et ce n'est pas un hasard, la littérature constitue l'objet principal de l'herméneutique. Chez Dilthey, l'herméneutique est appliquée à l'histoire ; interpréter, c'est comprendre (c'est le même souci que les philosophes de l'existence, ou que les "vitalistes" -
Bergson,
Ortega, etc.). Bref, chez lui ce n'est pas intellectualiste.
Silentio a écrit: auparavant, disons durant le Moyen-âge et avant les Lumières, la philosophie était associée à la théologie.
C'est exactement à l'exemple de la théologie que je pensais en disant que certaines choses avaient contribué à la "durée de vie" de la métaphysique. C'est plus précisément à
Thomas d'Aquin que je pense (autrement dit à "Aristote"). La renaissance a tout relancé en redécouvrant Platon. Mais je pensais également aux découvertes scientifiques (de
Copernic à Newton). On a d'abord cru que cela contribuerait à la métaphysique. Du reste jusqu'à
Leibniz ça en prend clairement le chemin. Mais l'empirisme et Kant en ont décidé autrement.
Dernière édition par Euterpe le Sam 23 Juil 2022 - 12:51, édité 3 fois