samok a écrit: Je continue d'essayer de comprendre avec, encore de Roger-Pol Droit, 40 maîtres à penser.
Il faut dire aussi que les vulgarisateurs de la philosophie ont beau faire, ils échouent toujours dans leur projet. La "philosophie pour les nuls", ça ne peut pas marcher. D'autant moins à une époque où on passe tout à la moulinette de la sacro-sainte technique, comme si tout n'était qu'affaire de technique, comme s'il n'y avait que des objets et des problèmes techniques... Bref. Si vous consultiez un simple manuel scolaire, pas forcément pour les classes littéraires, ça vous renseignerait plus et mieux.
samok a écrit: Là où j'en suis, la philosophie est un chemin, des systèmes avec du vocabulaire technique, ou seulement une clef dans une serrure, ce que j'ai compris de la présentation de Bergson et sa manière de penser via l'expérience, que j'entends comme feeling.
L'époque de Bergson est encore dominée par le "positivisme" : on ne peut plus répondre à la question du
pourquoi, uniquement à la question du
comment, la science seule peut faire progresser l'humanité, répondre à toutes les questions ; or il va sans dire que la science, c'est l'expérience (quoiqu'on ne puisse confondre positivisme et empirisme, mais c'est un autre débat). Quoi qu'il en soit, en France, c'est surtout Claude Bernard qui a thématisé
la démarche expérimentale et
la méthode hypothético-déductive : théorie (idée, hypothèse) -> expérience -> théorie -> expérience, et ainsi de suite. L'idée est importante parce qu'elle est un point de vue, une perspective : elle oriente le regard, la recherche. L'expérience permet de vérifier, de corriger, de stimuler, de donner de nouvelles idées qui, à leur tour, font l'objet d'expériences complémentaires ou nouvelles.
Maintenant, il n'y a pas que l'expérience en laboratoire. Après Kant et Hegel, ont surgi ce qu'on appelle les philosophies de l'existence (Kierkegaard, à plusieurs égards, est un précurseur de l'existentialisme), de l'expérience
vécue. Le projet est de rendre vie à la vie, de montrer que la vie n'est pas réductible au scientisme. Le vitalisme de Bergson l'illustre bien. Il refuse de concevoir la vie comme un strict mécanisme, un strict déterminisme. La vie est mouvement créateur. Mais, évidemment, depuis Hume et surtout Kant, l'empirisme (l'expérience) fait la loi.
samok a écrit: D'une certaine manière, je ne vois pas la différence avec la science, le "vas-y" est moins protocolaire, moins mesurable, mais le principe me semble le même.
La rigueur y est moins visible si on n'est pas initié, habitué. Mais les questions de méthode, c'est au moins un tiers de la littérature des sciences humaines, précisément parce que n'étant pas des sciences exactes, elles ont le devoir de justifier leurs démarches. Prenez au hasard une œuvre d'Aristote, Spinoza, Kant, et de tant d'autres, la méthode y est fondamentale. C'est moins visible parce que ça ne se ramène pas aussi bien aux formules abstraites des sciences. Mais on n'est pas livré au hasard.
Dernière édition par Euterpe le Mer 17 Aoû 2016 - 0:35, édité 1 fois