Janus a écrit: j'avais juste évoqué ce modèle précis (avec représentation indirecte) qui est tout simplement le modèle que nous vivons en France, et qui rencontre ma faveur.
C'est aussi celui qui a mes faveurs. J'ai même donné quelques-unes de mes positions politiques ici à ce propos : Démocratie et élitisme. J'en profite pour signaler à tout le monde que plusieurs topics sont déjà consacrés à la démocratie et que vous pouvez évidemment y contribuer : Qu'appelle-t-on démocratie en Grèce ? ; Crise économique, crise démocratique ?. Voir également cette rubrique du forum : Philosophie, démocratie et droits de l'homme.NOU-JE a écrit: « Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage » (Paul Ricœur, définition de la démocratie).
Une des plus belles définitions de la démocratie du reste, qui, sans être originale, puisque formulée par d'autres bien avant lui, a le mérite de porter toute l'attention sur la division, l'égalité et l'arbitrage en articulant ces trois notions. Jean Baechler est l'un de ceux qui a consacré parmi les meilleurs développements à cette définition.Tom a écrit: Tout le monde a une vision assez commune de la démocratie. Mais de là à la définir ?! La démocratie ne se définit pas, elle est un acte. Si vous voulez une définition, vous aurez un acte : demos cratos : le pouvoir du peuple pris par la force.
Une définition de la démocratie serait trop générale. On en a une vision commune, intemporelle et idéale, la question est de savoir comment l'acter.
Je rejoins Janus ici, il existe évidemment un nombre incalculable d'ouvrages qui ont le mérite de dresser des états des lieux, des analyses, etc., qui permettent de s'y retrouver, sachant que, pour l'essentiel, il y a pour ainsi dire deux écoles : les tenants de la démocratie indirecte, représentative, et les tenants de la démocratie directe (qu'on n'appelle directe que depuis que s'est posée la question de la représentation et de son institution). A Athènes, on parle de démocratie tout court.Silentio a écrit: C'est vrai que la question du peuple est importante. Je ne saurais pour l'heure le définir clairement, en tout cas il faut le distinguer des notions de nation (basée sur la race, le sang, l'origine ethnique ?) et de multitude (multiplicité indistincte, floue, d'individus singuliers ?). Il implique une unité, mais par cela même j'entends maintenant que le peuple serait une fiction et un signifiant vide (expression d'Ernesto Laclau) qui fait le bonheur du populisme. Il faudrait se replonger dans Rousseau ou Sieyès. Si on dit que le peuple est l'ensemble des citoyens, il faut encore savoir comment, sur quelle base on définit la citoyenneté.
La nation est devenue une notion juridique (droit du sol - vient du verbe "naître" : la nation désigne ceux qui sont nés sur un même territoire), c'est également une notion politique, qui désigne une unité indivisible - il s'agissait de trouver les arguments pour justifier, d'une part, la nécessité de la représentation (tous les représentants sont certes élus par les citoyens de leur circonscription, mais, une fois députés, ils représentent toute la nation, cf. Sieyès, bien sûr, mais aussi les débats parlementaires de 1789, par exemple Talleyrand), d'autre part le légicentrisme, le monocamérisme - on craignait le contre-modèle anglais du multipartisme, associé à la corruption, et surtout à la guerre civile -, d'où la peur presque irrationnelle du multipartisme en France jusqu'à une époque relativement récente.En effet, le peuple renvoie à une indistinction, quelque chose qui a posé de sérieux problèmes aux politiques dès avant la Révolution. Pierre Rosanvallon a écrit une grosse synthèse, irremplaçable, à ce sujet : Le peuple introuvable. Le peuple est en effet une "fiction", ce qui ne veut pas dire que ça ne renvoie à rien, c'est une fiction juridique, politique, etc., une sorte de prémisse indispensable à la pensée politique moderne - et ô combien catastrophique, dans les expériences historiques contemporaines.Janus a écrit: En fait on observe que la démocratie est généralement très mal perçue, elle a mauvaise presse auprès du "peuple" mais surtout car il n'en n'a jamais assez, ne se sent pas assez pris en compte alors qu'en même temps l'idée qu'il s'en fait est très floue.
Excellente remarque. C'est une chose si souvent oubliée qu'on ne s'aperçoit même pas qu'en faire abstraction nuit à la clarification de certains aspects de la démocratie réelle, dans son fonctionnement institutionnel, dans l'exercice du pouvoir, etc.Janus a écrit: Quant à la définir, il existe tout de même de nombreuses études qui aident à en préciser les contours ne serait-ce que par la description de ses évolutions historiques, mais aussi les grands principes qui la régissent, etc., mais qu'elle résulte d'un pouvoir pris par le peuple et par la force, effectivement il y a de ça.
Il y a de ça effectivement. Mais il faut ici se montrer extrêmement prudent, parce que ça définit en fait et surtout la révolution, et la démocratie seulement de manière pour ainsi dire latérale. Une révolution consiste à se poser (cf. droit positif) en pouvoir constituant face à un pouvoir constitué (cf. Sieyès, évidemment, mais aussi et surtout Carl Schmitt, Carré de Malberg, Kelsen, etc., et une source essentielle en ce domaine : Saint Thomas d'Aquin). D'où la nécessité du recours au droit constitutionnel, dont on ne peut faire l'économie quand on veut parler de démocratie.Dernière édition par Euterpe le Ven 29 Juil 2016 - 11:26, édité 1 fois