Silentio a écrit: On croyait le communisme mort, or le score honorable du Front de Gauche (qui n'est peut-être pas qu'un simple agrégat de différents courants) montre la survie et la vitalité de ce positionnement politique.
Ce que d'aucuns tiennent pour de la vitalité politique n'est que la mobilisation liée aux élections présidentielles chez nous. Les autres élections ne mobilisent rien ni personne, ou presque. Dans la réalité, le parti communiste est bel et bien mort, seuls les fantasmes qui allaient avec n'ont pas disparu. Ils se dissiperont avec la disparition des communistes du 3e âge d'abord, puis les rares quadras et quinquas qu'on trouve ça et là.
Silentio a écrit: L'électorat de gauche s'est reconnu dans la défense du modèle républicain en tant que tel et de ses principes (on va dire une République sociale avec un imaginaire qui s'étend de la Révolution française à la IIIe République, auquel s'additionnent les luttes et acquis sociaux - vous me corrigerez si je dis des bêtises).
Il y a plus d'imaginaire que de république, dans la république. Ceux qui affirment s'inspirer d'un modèle républicain semblent ignorer jusqu'au nom même de l'histoire, ils ne vivent que sur une mémoire collective héritée, qui n'a d'autre objet que la révolution, sans cesse recommencée. La majorité des acquis sociaux ne sont pas le fait de luttes sociales (révolutions, grèves, etc.).
Silentio a écrit: je ne vois pas pourquoi d'autres variantes ne seraient pas viables ou légitimes.
Vous postulez une diversité du communisme. Vous ne pourriez pas même exposer exhaustivement une seule de ces supposées variantes. Cuba ? La Corée du Nord ? La Chine ? Le Nord Vietnam ?
Silentio a écrit: Castoriadis propose une redéfinition du socialisme, Gorz du communisme, et je ne vois pas comment on pourrait traiter ces deux auteurs, critiques du totalitarisme et des dérives du marxisme, comme des staliniens en puissance
La question n'est pas là. Castoriadis reste un révolutionnaire. Vous oubliez Ellul, révolutionnaire tout aussi éminent, et anarchiste.
Silentio a écrit: N'est-ce pas un peu réducteur ?
Vous ne retournerez pas ma question par une pirouette. Qu'en disent les millions de paysans ukrainiens morts dans les années 30 au seul motif qu'ils ne voulaient pas du collectivisme ?
Silentio a écrit: N'y a-t-il pas déjà au sein du communisme des dissensions, des divergences d'interprétation et de pratique ?
C'est une constante de toutes les gauches, dont le démon est dans la personnalisation du pouvoir.
Silentio a écrit: Par ailleurs, il y a des mouvements théoriques et pratiques qui ont expérimenté d'autres formes de vie en commun et qui ont ouvertement critiqué le léninisme et le stalinisme : je pense notamment au conseillisme
Si c'est pour remplacer une violence par une autre, ça n'en vaut pas la peine.
L'anarchisme et l'autogestion ne sont pas la propriété de la gauche.
Silentio a écrit: Mais il est plus difficile de construire une alternative
Ça fait trente ans qu'on entend les alternatifs. Ça fait trente ans qu'on attend une alternative.
Silentio a écrit: On peut alors être plus humble comme Castoriadis et dire que l'émancipation des travailleurs doit être de leur propre fait (ce que disait déjà Marx) et que le prolétariat nouveau, élargi, créera ses propres modalités d'action collective.
Il n'y a pas de conscience de classe, et cela même ne suffirait pas, de toute façon, pour s'engager dans une émancipation des travailleurs. Non seulement la plupart des travailleurs s'en contrefichent, mais il faudrait pour ça que la plupart soient d'une intelligence politique suffisante, ce qui n'est pas le cas.
Silentio a écrit: mais que puis-je faire maintenant ? Comment inventer, dans quel sens, et comment viser à mettre en œuvre le projet d'autonomie ?
Il n'y a rien à faire, rien à inventer, rien à mettre en œuvre, quand ce n'est pas le moment. Seules comptent les circonstances, seule compte l'histoire, seul compte le réel. Churchill, homme médiocre s'il en est, ne devient Churchill qu'en 1940. C'est le cas de tous les hommes. Si Barras ne sort pas de la Convention pour fumer une Winston, le 5 octobre 1795, Bonaparte n'eût jamais obtenu l'occasion de sa vie.
Vous ne comprendrez pas la politique tant que vous ne lirez pas l'histoire au moins autant que la philosophie.
Silentio a écrit: Tout dépend de ce qu'on entend par démocratie et par État. L'État moderne n'est pas l'État antique.
On n'en parle ici qu'au sens moderne. De toute façon, il n'y a pas d'État antique. Les cités-États sont des municipalités.
Silentio a écrit: Quant à la finance, elle n'a pas toujours existé, donc elle peut être supprimée
Ce qui n'en fait pas un argument. La finance constitue un progrès, puisqu'elle consiste dans l'intégration du temps comme paramètre dans la vie économique.
Silentio a écrit: Euterpe a écrit: Qu'ils soient de droite ou de gauche, les hommes politiques, pour l'essentiel, sont des libéraux ; mais des libéraux qui, comme leurs prédécesseurs, héritent de l'ère napoléonienne, et acceptent, bon gré mal gré, cet héritage (l'ordre social). La plupart des libéraux sont devenus thermidoriens pendant la Révolution, ce qui les disposait, même mal, à accepter Napoléon plutôt qu'autre chose. Après Napoléon, il n'a plus jamais été question de renoncer à l'ordre. L'ordre à tout prix. Or, l'État et la centralisation, c'est l'ordre.
Serait-ce une fatalité ?
Jusqu'à plus ample informé, en France, oui.
Silentio a écrit: Le fédéralisme fonctionne, il suffirait juste d'éclater un peu plus les grands ensembles territoriaux (ce qui pourrait très bien aller avec un regroupement des communes, sachant qu'on en a beaucoup trop, environ 60 000 me semble-t-il).
Le fédéralisme est une quasi impossibilité en France, pour des raisons historiques évidentes. Je vous renvoie à la vie politique des girondins pendant la Révolution.
Desassossego a écrit: Ce n'est pas que la Terreur, mais de fait, avant la période allant de juillet 1793 et juillet 94, Robespierre n'a pas une grande importance dans l'action de la Révolution. Il reste très discret à l'Assemblée. Robespierre n'est ni un Mirabeau, ni un Danton.
Attention avec les schémas scolaires. Robespierre est un orateur éminent, qui a déjà une certaine autorité sous la Constituante (il y siège comme député !), et c'est lui qui fait voter une loi interdisant la réélection, pour la Législative, des députés de la Constituante. Il "disparaît", donc, à l'automne 1791, comme tous les autres députés de la Constituante, dont beaucoup ne réapparaîtront qu'avec la Convention. Quant à sa discrétion, pour un député ayant prononcé plus d'une vingtaine de discours sous la Constituante, le terme est complètement inapproprié. Danton ne joue un rôle qu'à l'échelle municipale jusqu'en 1792 (Club des Cordeliers).